Sauvage : rencontre avec Félix Maritaud

On l’avait découvert l’année dernière dans 120 battements par minute et on l’a retrouvé cette année en victime d’un tueur fétichiste dans Un couteau dans le cœur de Yann Gonzalez. Mais c’est dans le rôle de Léo, héros du film Sauvage, que Félix Maritaud crève l’écran. C’est son troisième long-métrage et déjà il tient là un rôle magnifique qui risque de lui coller à la peau, celui d’un jeune homme qui se prostitue en toute liberté et qui se donne le droit d’aimer ce qu’il fait. Éblouissant dans un rôle à fleur de peau, Félix Maritaud a accepté de nous offrir un peu de son temps avant notre rencontre avec Camille Vidal-Naquet, le réalisateur du film. L’acteur dégage la même énergie à la ville qu’à l’écran et répond aux questions avec simplicité, avec des réponses courtes parfois désarmantes.

Comment êtes-vous arrivé sur le projet de Sauvage ? C’est Camille Vidal-Naquet qui est venu à vous ?

Ce qui s’est passé, c’est que sur le tournage de 120 battements par minutes, Nahuel Pérez Biscayart était en train de lire le scénario de Sauvage car Camille le connaît et il lui avait envoyé le scénario. Quand j’ai demandé à Nahuel ce qu’il lisait, il m’a dit ‘’c’est un rôle pour toi’’ et il m’a présenté à Camille.

Le courant est passé tout de suite avec Camille ?

Oui, très très facilement. Lors de notre première rencontre avec Camille, on a beaucoup parlé de son scénario que je venais de lire, de tous ces trucs de poésie du film… On a de grandes connivences intellectuelles et artistiques avec Camille, on sait très facilement communiquer ensemble et dès le départ, ça été direct une grande conversation d’une heure et demie, très intense, très belle, très sympa.

Quelle a été votre première impression en découvrant le scénario ? Vous avez tout de suite eu envie de le faire ?

Ah oui clairement ! En fait j’ai tout de suite su que j’allais le faire. Et je dis ça humblement hein, c’était une impression hyper physique, très viscérale,

Comment vous décririez le personnage de Léo ?

Pour moi c’est un garçon dont la liberté et l’amour dépassent l’entendement.

C’est un personnage dont vous êtes proche ?

Maintenant oui, un peu quand même parce qu’on a partagé un corps pendant six semaines. Avant, je pense que j’étais moins proche de lui. Avec Léo, c’est compliqué de faire des comparaisons avec des gens civilisés disons, il est tellement hors convention sociale, c’est dur de trouver des éléments de comparaison. Après moi je suis quelqu’un de très libre aussi, comme lui.

On a rarement vu une telle liberté chez un personnage de cinéma d’ailleurs…

Oui ça fait peur la liberté à ce niveau ! On a tout le temps l’impression d’être des hommes libres, mais on est libres avec un compte en banque, une sécurité sociale et des papiers d’identité. C’est d’ailleurs un peu con de penser qu’on est libres alors que pas du tout…

Alors que lui l’est vraiment, il aime avec ferveur, il n’a pas de portable, il ne se prostitue pas pour l’argent…

Sa liberté à lui, elle est primitive, elle est sauvage. Elle est comme une nature sauvage, elle n’a pas été bloquée par l’homme.

J’imagine que le tournage a dû être assez intense. Vous avez tourné où d’ailleurs ?

On a tourné à Strasbourg tout le film. Il y avait beaucoup d’extérieur, beaucoup de nuit pour que ce soit intense. De toute façon c’est un métier intense, que tu fasses un rôle plus intense qu’un autre, en soi je ne pense pas que ça change grand-chose. Ce qui est intense, c’est l’abandon dans lequel j’étais dans le personnage. J’avais vraiment pas l’impression de contrôler le personnage, de décider à sa place, je l’ai juste invité à venir et à parler avec mon corps.

Justement cet abandon dans le corps, comment vous l’avez travaillé avec Camille ?

On a travaillé avec un coach de danse, Romano Bottinelli par le biais de plein de trucs différents. Camille utilise pas mal de subterfuges de mise en scène pour rendre les choses physiques et pas trop être dans le mental. Avec Camille, je pense que la première fois que l’on a vraiment parlé d’homme à homme, c’était il y a un mois. Après Cannes, on s’est vus et on a discuté. Mais avant ça, on avait juste partagé que sur le film et sur le personnage. Après avec Camille, on a choisi la direction du personnage, qu’il soit très candide, naïf, presque enfantin, le regard… Tout ça, c’était vraiment des choix de mise en scène.

Ce travail sur la nudité, ça a été difficile à faire ? Parce que mine de rien, être nu face à la caméra tout en ayant l’air naturel, c’est quand même pas évident…

Je m’en fous de ces trucs-là. Le corps, la sexualité du corps, pour moi c’est pas des choses qu’on doit cacher ou préserver, c’est des choses totalement naturelles. Les chiens dans la nature, ils baisent devant les gens, c’est pas très grave… J’ai fait les Beaux-Arts et j’ai beaucoup travaillé sur le corps, l’usage du corps, la sexualité du corps. Je trouve ça un peu mégalo de dire ‘’oh ouais mon corps, je vais le protéger de la nudité’’. Au bout d’un moment, il faut se lâcher. Et en même temps il n’y a pas une approche du corps qui est sexualisée dans le film, c’est des corps qui sont professionnels, qui sont pas désirables.

Vous avez fait les Beaux-Arts et comment vous en êtes arrivés à jouer ?

Par hasard. 120 battements par minute, c’était mon premier film. J’avais été repéré, j’ai passé le casting et j’ai été pris.

Comment il est Camille sur le tournage, très directif ou il laisse de la place pour la liberté de jeu ? Car le film donne une certaine impression de liberté, mais malgré tout on sent derrière que c’est très écrit.

Ah oui tu touches pas au texte ! Il est tellement précis Camille qu’il allait parfois jusqu’à imiter la façon dont je devais prononcer la phrase.

Ah oui très précis effectivement !

Très très précis ! Au début ça fait un peu chier, mais tu le fais une, deux fois et après tu te rends compte que c’était essentiel. C’est vraiment un grand directeur d’acteurs.

S’il refait un film demain et qu’il vous appelle, vous y allez ?

Oui, clairement oui.

Et vous avez des projets pour la suite ?

J’ai des trucs qui se profilent mais rien de défini. Il y a plusieurs trucs sur lesquels je suis assez ouvert mais on verra comment ça s’organise.

Vous avez envie de continuer dans cette voie ?

Ah oui, je prends beaucoup de plaisir à faire ce métier-là. J’ai pas envie de devenir carriériste non plus mais j’aime bien la communauté artistique qui se forme sur un plateau de cinéma. C’est quelque chose que je trouve assez rare au niveau de l’échange et du partage.

Propos recueillis à Paris le 25 juin 2018. Un grand merci à Félix Maritaud, Claire Viroulaud et Anne-Lise Kontz

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