En Eaux Troubles : Peur Bleue sur la Chine !

Cela fait presque une dizaine d’années que les studios hollywoodiens souhaitent adapter le roman, The Meg, de Steve Alten. Un projet risqué et incongru au regard du marché actuel, soutenu par les productions télévisuelles navrantes, mais réjouissantes, pullulant depuis quelques années sur SyFy par exemple. Le spectateur s’éclate à regarder des requins tournoyer au cœur de tornades ahurissantes, mais le délire a fait beaucoup de mal à la plus intense peur primale du cinéma. Le cinéma n’a point fait d’efforts non plus outre quelques productions autour de la survie de personnages bloqués sur un rocher (Instinct de survie) ou coincés dans une cage dans les profondeurs des mers mexicaines (47 Meters Down). Le requin agit alors comme un outil de peur de la même manière que les marées hautes, la faim ou le noir. Mais un vrai film de requins est devenu rare au cinéma depuis presque une vingtaine d’années. On a tous encore en tête le Peur Bleue réalisé par Renny Harlin en 1999, puis plus rien. Il en serait même démodé de produire un tel film aujourd’hui.
Il faut dire qu’Hollywood n’a jamais réussi à faire mieux que Les Dents de la Mer par Steven Spielberg depuis 1975. Un moment donc que les idées sont ressassées, copiées, au sein même de la propre saga chère à la Universal. On citera juste Les Dents de la Mer 2 comme référence ultime avant de s’attaquer à cette nouvelle production estivale qu’est En Eaux Troubles.

Ce qui rentre en compte de façon très importante avec En Eaux Troubles est le fait que le film est destiné en premier lieu au marché chinois. De son titre original The Meg, Warner Bros a pensé son film pour les chinois et rien que pour eux. On connaît leurs affections pour les énormes bêtes et les actioners bodybuildés, d’où la présence de Jason Statham en premier plan sur l’affiche.
Le marché chinois est devenu primordial pour les studios américains depuis quelques années. Des blockbusters sont produits à destination de ce marché lucratif à l’image de Pacific Rim Uprising, Rampage, Skycrapers ou encore Kong – Skull Island. Les studios n’hésitent pas à s’associer ou à créer des branches dédiées sur place pour contourner la législation et les quotas d’importation de films étrangers. Les divertissements sont alors en partie chinois et Américains soutenus par le savoir-faire des artisans américains et l’attrait d’une star hollywoodienne en haut de l’affiche. The Meg en est une nouvelle fois la preuve. On peut penser aussi à La Grande Muraille où Matt Damon était la caution américaine à cette production d’envergure pour le territoire asiatique par la Universal.

The Meg ou l’énorme Mégalodon sortant des profondeurs des mers de Chine suite à l’exploration opportuniste des eaux par une équipe de scientifiques. Pour les aider, on fait appel à un spécialiste tombé dans l’alcool suite à la perte d’une partie de son équipe lors d’un sauvetage 5 ans auparavant. Ce héros providentiel est Jason Staham qui profite de son aura de star en Chine suite aux succès des Expendables, mais surtout de la trilogie Transporteur. Jason Statham versus un Mégalodon de 25 mètres, naviguant d’impressionnante façon dans les mers de Chine. Cette étendue d’eau que nous ne quitterons pas pendant les trois quarts du film. Ne pensez pas à voir des plagistes se faire dévorer ou des pêcheurs innocents couler à pic après une attaque fulgurante de la grosse bébête. En Eaux Troubles joue surtout sur la chasse des scientifiques essayant tant bien que mal de réparer leurs bêtises et de tuer le Mégalodon avant qu’il atteigne les côtes chinoises.
En cela le film est un divertissement bis de haute volée. Le spectacle pop-corn inepte assure avec efficacité via la peur des profondeurs et de son immensité. On ne sait jamais par où le Meg arrive, l’obscurité agissant réellement sur vos plus grandes peurs primales.

En Eaux Troubles est un spectacle facile, mais diablement efficace. On s’amuse comme des enfants, un véritable roller-coaster cinématographique où le héros dépassera l’entendement pour sauver son équipe. En l’occurrence Jason Staham qui trouve un nouveau rôle à sa mesure, cabotinant au gré des situations une seule et même intonation de jeu, le haussement de sourcils. Il faut le voir jouer l’homme perdu et alcoolique au fin fond de la Thaïlande pour le croire ! Même Sylvester Stallone dans Rambo 3 était plus convaincant. Avouons ne pas venir voir The Meg pour le jeu d’acteur de Jason Statham, mais nous restons circonspects face à si peu de propositions de sa part. Le bonhomme assure en héros monolithique, mais même être bourré à la bière thaïlandaise, il ne sait pas faire. Par contre, pour foutre des pains à un Mégalodon, il est le roi.

En Eaux Troubles est clairement une Peur Bleue bis-repetita vingt ans après le film signé Renny Harlin. Jon Turteltaub ne propose rien de neuf, outre le fait d’assurer une mise en scène au cordeau. On retiendra simplement un point scotchant. Comme soulevé par les bandes-annonces et les affiches, le Mégalodon va bien atteindre le temps d’une séquence impressionnante les côtes et une plage chinoise. Le moment choisi par les scénaristes et le réalisateur de prendre la photo d’une société chinoise opulente et superficielle au possible. À l’image de ce petit garçon obèse et capricieux hurlant à sa mère « je veux, je veux, je veux  !! » tout en dévorant grossièrement une glace ou ses jeunes mariés capricieux sur le yacht, essayant de coller aux impératifs d’une princesse Barbie.
Mieux encore est l’exploitation oppressante de cette plage qui servira de garde-manger au requin, accumulation de bouées ne laissant pas le moindre mètre carré de libre. L’endroit est affolant de bêtises et le film pointe volontairement son axe sur une population chinoise en perdition, bravant les valeurs consuméristes et égoïstes adressées à une époque envers les Américains. La Chine se transforme alors en une Amérique superficielle bis, l’endroit rêvé pour ces mêmes Américains de lâcher le requin dévoreur de chairs et un héros volant au secours d’un pays leur volant le cœur de ses dames et voguant en noces pour mieux assurer le métissage du divertissement cinéma mondial promis pour l’avenir.

1 Commentaire

  1. Très bonne analyse… Mais je peux ajouter que le film étant quasi chinois, le Mégalodon, avec toute sa férocité et son appétit dantesque, parcourt la plage ou barbotent de ventripotents chinois… mais il n’en déguste aucun : filmer en Chine oui, avec des capitaux chinois : oui, dévorer du chinois : non

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