Papillon : Le corps, victime des péchés de l’âme.

Le pari d’une nouvelle adaptation de la vie de l’ancien prisonnier Henri Charrière, alias Papillon, dans les geôles de Cayenne au cœur des années 30, était un pari risqué. L’écueil de se fracasser sur la première adaptation devenue culte par Franklin J. Shaffner avec Steve McQueen et Dustin Hoffman dans les rôles-titres. Comment passer après un film ayant fait date et servant aujourd’hui de référence ? Il est toujours dangereux de vouloir de nouveau adapter des récits fantastiques pour de nouvelles générations n’ayant aucune intention de voir plus loin que leurs dates de naissance. Beaucoup de projets s’y sont parfois frottés avec fracas.
Papillon n’est pas de cette trempe. Heureusement aurait-on envie de dire ? Mieux, le film réalisé par Michael Noer est une adaptation fidèle et respectueuse du travail ayant déjà été effectué. Par droit, il signale le film de Shaffner comme référence en plus des livres concernés d’Henri Charrière, Papillon et Banco. 

Et banco avons-nous envie de dire, car Noer s’intéresse à l’homme Henri Charrière et s’en va piocher dans le deuxième bouquin pour arranger son film et se détacher du travail de Shaffner datant de 1973. On voit le Papillon voleur et charmeur au cœur du Paris de La Belle Époque, ce qui l’amènera vers l’enfer de Cayenne. On comprend mieux son envie d’évasion constante et cela permet surtout à Charlie Hunnam de mieux s’évader derrière les tatouages du personnage. Il est vrai que dans la version de Franklin J. Shaffner, Papillon est Steve McQueen pendant le premier quart du film. Ici il n’en sera rien. 

Michael Noer reste fidèle à la trame originale ne nous déconcertant jamais. Il ne prend aucune liberté folle, car Papillon entre parfaitement dans les intentions logiques de son travail. Michael Noer est un cinéaste danois assez discret. On l’a surtout connu pour sa collaboration avec Tobias Lindholm sur le film carcéral R sortie en 2010 au Danemark et début 2014 en France. C’est là que nous nous apercevons que R est bien plus un film de Michael Noer que de Lindholm, tant les similitudes avec Papillon sont flagrantes. Nous nous apercevons aussi que Michael Noer a réussi à faire sienne cette nouvelle transposition du récit Papillon, fidèle par sa trame générale, mais diablement personnelle dans son traitement. Le réalisateur joue ici énormément avec les corps de ses prisonniers se retrouvant dans un milieu hostile. Les blessures infligées volontairement, les rapports extrêmes entre les prisonniers, les meurtres plein cadre, les abus sexuels ou encore la maladie. Papillon s’inscrit d’emblée dans le cinéma brut de Michael Noer par cette transcription des épreuves subies envers les corps de ses hommes perdant vite pied. Shaffner l’effleurait dans son adaptation pour le ressenti palpable envers le spectateur, Noer l’embrase pour rendre compte de la pénibilité des prisonniers en dépit de leurs actes antérieurs.

Cette nouvelle adaptation de Papillon d’Henri Charrière ne nous déconcerte en aucun point. Mieux, le film s’arrange pour être un complément au travail précédent par une vision concrètement opposée. Via Papillon, Michael Noer s’intéresse à ses hommes perdus et les répercussions corporelles de cette vie de labeur en guise de punition de leurs actes passés. La mort est présente à chaque instant, la maladie aussi et les dangers d’une île leur étant hostiles. Morsures de chauves-souris en pleine nuit, les crocodiles rôdant pendant les travaux forcés dans la jungle. Cette même jungle apportant la dysenterie impliquant quelques soucis de cachettes d’argent (Louis Dega se faisant dessus en plein effort) ou les coups de fouet retentissant sur les corps d’hommes faibles et malades, dont Louis Dega en sera le premier représentant. Ce dernier trouvant dans ce nouveau long-métrage une plus grande profondeur et une tragédie propre à sa condition chétive. Il est le personnage phare de Noer, bien plus que Papillon lui-même, trop caricatural par sa structure proche à tous personnages modernes en termes héroïques. De Papillon, Noer en scrutera chaque partie du corps, ses tatouages reflétant son passé. C’est l’homme qui intéresse le metteur en scène, non sa volonté basique d’aventure et d’évasion. D’où la synthèse bienvenue de certains éléments, notamment la dernière partie condensée pour mieux se concentrer sur la condition des personnages principaux. 

Michael Noer se penche alors sur les conséquences des actes de ses hommes s’étant conduits eux-mêmes vers l’enfer. Ils deviennent esclaves de leurs conditions d’être, prisonniers de leurs péchés, cette volonté de libertés les appelant au large. La folie les atteint, ils redeviennent des animaux prêts à donner la mort pour survivre. Les lames transpercent la chair, le sang coule se mêlant à la mer comme un horizon meilleur. Michael Noer met en scène avec Papillon un véritable film carcéral négligeant l’aventure d’un homme pour mieux rendre compte des conditions d’une époque, celles subies par des hommes redevenant des animaux oubliés à leurs conditions de corps prisonniers à l’inévitable mort les attendant aux portes de ses îles du diable.

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