C’est qui cette fille : anti-comédie romantique féroce

Gina est hôtesse de l’air et américaine. Ayant vécu une tragique histoire d’amour, elle va d’escales en escales sans jamais se sentir vraiment bien. C’est alors qu’à Paris, elle fait la connaissance de Jérôme, barman dans un bar de strip-tease. Après une soirée bien arrosée, Gina et Jérôme couchent ensemble. Gina s’attache alors à lui et décide de tout faire pour conquérir son cœur : tout plaquer et venir habiter à Paris près de chez lui, travailler dans le même bar que lui et aller jusqu’à le harceler dans l’appartement qu’il partage avec sa petite amie…

Surprenant film que C’est qui cette fille, prenant les clichés de la comédie romantique à contresens. Présenté comme un conte (la narration est assurée ici par Anjelica Huston), le film ne tarde pas à tordre le cou à nos attentes quant à l’histoire d’amour naissante entre Gina et Jérôme. Pour lui, elle n’est que le coup d’un soir. Pour elle, c’est l’homme de sa vie. En prenant le parti de nous plonger directement du point de vue de Gina, une femme sacrément déséquilibrée, Nathan Silver crée la surprise. L’effet est d’autant plus troublant qu’on se demande pendant longtemps jusqu’où Gina va aller. Au fur et à mesure que le récit avance et que Gina se montre insistante, C’est qui cette fille vient jusqu’à flirter avec le thriller.

Mais là où le film pourrait carrément être oppressant, Silver choisit l’humour et la distance pour traiter son histoire. Il parvient ainsi à un équilibre tout à fait particulier entre le rire et le malaise, aidée par la prestation de Lindsay Burdge, absolument phénoménale en femme éperdue jusqu’à la folie. Conte cruel baignant dans une atmosphère irréaliste (tout le film est photographié avec des teintes de couleurs très prononcées, pas loin du Suspiria d’Argento), C’est qui cette fille s’acharne à nous dépeindre l’univers tel qu’il est perçu par Gina, avec de la distance ironique certes, mais tout en montrant une certaine empathie envers elle, pauvre femme en mal d’amour dont on comprend les envies sans pour autant soutenir la démarche. Face à Lindsay Burdge, Damien Bonnard irradie l’écran de charisme, portant la moustache avec classe, s’imposant définitivement comme un acteur à suivre. Et si Silver n’en est pas à son coup d’essai, il s’impose ici comme un cinéaste sur lequel il faut garder un œil attentif tant le mélange des tons dont il fait preuve fait mouche avec une justesse et une férocité particulières, bienvenues à l’ère des films pré-mâchés qui pullulent sur les écrans.

2 Rétroliens / Pings

  1. A Teacher : Quand la réalité dépasse les fantasmes -
  2. Les Intranquilles : ... Passionnément... à la folie. -

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