Martyrs de Pascal Laugier – Mélancolie du Chaos

Chacun se souvient de sa première fois avec le film Martyrs. Par qui il en a entendu parler, avec qui l’a accompagné pour le découvrir en salles ou celui qui lui a prêté le DVD ou Blu-ray. La première fois est rude, car finalement on ne s’y attend que trop peu. Il faut faire face au film, ses événements, son périple, son fond.
Martyrs est un grand film de cinéma. Une proposition éprouvante, de ses séances de cinéma dont on ne se relance pas de sitôt. On regarde Martyrs pour le besoin de le voir, point par pur plaisir. On affronte le film, les idées de son réalisateur, son parti-pris. Martyrs n’est pas un plaisir de cinéma, mais une réflexion, un exercice, une épreuve.

Frédéric Astruc essaye de comprendre Martyrs via son livre, La Mélancolie du Chaos, paru chez Rouge Profond depuis le 24 mai 2018. Le bouquin sort entre-temps de la sortie du nouveau long-métrage de Pascal Laugier, Ghostland, nouvelle épreuve de cinéma, beaucoup moins rude, mais tout aussi marquante. Dans ce livre, dans l’analyse, les traits tirés peuvent rejoindre Ghostland, nous y retrouvons des similitudes évidentes. Comme quoi Martyrs n’est pas un accident, une réponse franche au flop de Saint-Ange, mais un véritable chapitre dans le cinéma de Pascal Laugier.
Il faut passer par la case Martyrs si on s’intéresse un minimum à son cinéma. On ne peut sauter la case « prison » que peut être Martyrs. Justement, ne soyons pas martyrs du cinéma de l’auteur qui est, outre les fulgurances de violences, du très grand cinéma, ouvert et accessible, si on se permet de l’être.

Frédéric Astruc trace des lignes permettant une meilleure acceptation de l’œuvre. On comprend mieux le film, on l’accepte plus facilement après lecture. Le fait est d’accepter le deuxième long-métrage de Pascal Laugier. Ne pas le subir, alors si le livre peut permettre d’être plus apaisé ensuite, il trouve sa grande utilité.
Grande utilité qu’il a pour décrypter toutes les images, les codes et les références d’un film qui en fourmille. Martyrs est un essai riche, une philosophie de l’être, de la recherche et de l’horreur. Outre l’hémoglobine peignant les murs de la maison et du dépeçage de l’actrice principale dans le final du film, Martyrs est un film profond aux multiples facettes. Il n’est finalement pas un film d’horreur, mais la croisade d’un metteur en scène pour comprendre et s’affranchir d’une frustration. La frustration de l’échec, celui de Saint-Ange, mais aussi de ne plus faire de cinéma. Pascal Laugier a tout jeté tel quel sur la pellicule, se mettant à dos son équipe technique, mais trouvant soutien en son ami Benoit Lestang, maquilleur et responsable SFX sur le plateau du film. La fureur de Pascal Laugier est âpre, complexe et philosophique. Une philosophie de cinéma, de rejet des autres, de confiance. Dix ans après sa sortie, Martyrs pèse encore sur les âmes des spectateurs, de ceux qui l’ont revu, des cinéphiles dans les conversations sur le cinéma d’horreur. Le livre de Frédéric Astruc permettra de façon idéale à s’en détacher, à se guérir du livre, de mieux le comprendre.

L’entretien final avec Pascal Laugier aidera beaucoup à s’accommoder avec l’œuvre. Un entretien-fleuve, fourni et intéressant de bout en bout. Le réalisateur est généreux, à l’image de ses films. Il répond à toutes les questions de l’auteur du livre, sans fard, on saura réellement tout sur le film. Ce qui viendra répondre à l’exposé de Frédéric Astruc sur le film, les intentions, les images marquantes, les figures et le fond de la mise en scène décortiqués de façon incisive sur une soixantaine de pages. Mais ce qui rassure sur les premières pages est le fait qu’Astruc ne prenne pas son lecteur de haut. Il analyse Martyrs pour le rendre compréhensible, le défendant mordicus, permettant l’appréciation de ceux un peu perdus devant ce déversement de violences. Frédéric Astruc aime l’horreur et aime le cinéma de Pascal Laugier. Cela se ressent sur chaque ligne écrite qui s’évertue à nous ouvrir au film. La Mélancolie du Chaos est un matériau idéal à lire avant ou après la projection du film. Le livre permet une meilleure acceptation de l’œuvre, mais surtout de comprendre le film et l’homme derrière tout cela. Et c’est l’un des points les plus importants à retenir quant à la proposition et l’utilité de ce livre.

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