Les Indestructibles 2 : Une suite digne de ce nom !

Dix ans après un premier opus qui a fait sensation, Les Indestructibles 2 remet le couvert, pile à l’instant où s’arrête son prédécesseur. Ce qu’on aurait pu prendre comme une conclusion typique façon « l’aventure continue, pas de repos pour les braves ! » amorçait en fait la suite de la réflexion de l’époque, avec toujours plus d’ingrédients. Le Démolisseur attaque donc la ville alors que la famille Parr vient héroïquement de la sauver de Syndrome. On entre directement dans l’action avec une scène orchestrée de main de maître, qui donne le ton pour le reste du long métrage.

La synergie de la petite famille, lors des scènes de combat, nous tease une équipe soudée à l’œuvre, mais c’est sans compter sur la société dans laquelle les héros continuent d’évoluer. Ils ne sont toujours pas reconnus malgré leurs faits d’armes. « Laissez les politiques décider » déclarait Rick Dicker à la fin du premier épisode quant à leur sort. C’est chose faite, l’opinion publique a tranché et la famille Parr reste mise à l’écart. Quel recours reste-t-il à la petite famille, toujours comprimée par son environnement (fourgon blindé, chambre de motel pour 5…) ? Une seule solution pour se faire accepter par un système castrateur : utiliser ses armes contre lui-même. Arrive Winston Deavor, un fan inconditionnel des super héros, milliardaire de son état, qui souhaite rétablir leur statut de sauveurs. Le libéralisme entre en jeu, les héros deviennent des chiffres, des produits d’une nostalgie forcée, à l’instar de ce que produit notre cinéma actuel. Leurs hauts faits ? Des arguments commerciaux, tout au mieux. Mais cela ne dérange pas Bob, tant qu’il peut revenir sur le devant de la scène… Le problème c’est que Winston, accompagné par sa sœur qui s’occupe de la technologie, choisit Elastigirl comme figure de proue pour cette tentative de revival, auprès du grand public (ses résultats sont plus sûrs, économiquement et statistiquement parlant). Ce qui laisse Robert avec ses trois enfants à charge et son ego blessé. Malgré une villa prêtée pour l’occasion, le super papa se rendra vite compte qu’à force d’être exceptionnel, il avait paradoxalement oublié à quel point il était dur d’être « normal ».

L’inversion des rôles va mettre la cellule familiale à rude épreuve avec cette nouvelle configuration, Robert déchante vite alors qu’il se chargera de ses petits monstres. Si Flèche ne bénéficie pas d’un arc narratif propre, Violette en revanche occupe une place centrale avec ses problèmes d’ado, desquels Robert se mêle avec toute la maladresse attendue d’un papa balourd. Car si nos personnages restent les clichés que l’on connaît (image appuyée par leur pouvoir en accord avec leur personnalité), ils sont guidés par une écriture adroite, qui nous mène vers des situations où bon nombre d’adultes et d’ados se retrouveront. Pendant ce temps, Elastigirl jongle entre son devoir et son image, devenant cette représentation du super héros que les blockbusters récents ont forgée (costume plus sombre etc…). Mais la vraie star du film se révèle être Jack-Jack et ses nombreux pouvoirs aléatoires, dont on avait un avant-goût dans le premier Indestructibles et dans le court métrage : Baby-Sitting Jack-Jack. Petite mascotte cartoonesque, le bambin a vite fait de nous amuser, avec ses attitudes mignonnes et la mise en scène de ses gags, aidée par ses nombreuses possibilités. Le ludique occupe donc une place plus grande dans cette deuxième itération (ce que l’on voit aussi avec la voiture gadget de Robert), sans pour autant empiéter sur les enjeux, plus sérieux. Là où le film pourrait sombrer dans le baby ex machina, tant le personnage est puissant, le tout est heureusement rattrapé par son manque de contrôle total sur ses actions. Un exercice d’équilibriste périlleux qui arrive malgré tout à terme.

À tout ce beau monde s’opposera un nouvel adversaire : l’Hypnotiseur. Personnage qui profitera de ses capacités à faire plier les gens à sa volonté, pour y glisser son discours à charge contre le système des héros. Il prend le contrepied de Syndrome qui voulait à long terme faire de tout le monde des héros, là où lui veut les faire disparaître de la surface de la Terre. Ceux-ci encourageant la passivité du peuple, qui n’attend plus que d’être sauvé au moindre problème rencontré : un assistanat qu’il abhorre. L’idéologie s’inverse donc, mais la menace est, elle, toujours présente. Brad Bird explore une autre facette des thèmes récurrents dans son œuvre, éprouve sa vision des choses, nous montrant qu’il a à la fois un recul sur ces idées, mais aussi de la ressource pour les aborder. En résulte une richesse thématique, écrite et scénique. De l’aveu du réalisateur, il a dû faire bon nombre de coupes ayant de quoi tourner deux films entiers avec ses écrits d’origines.

Loin d’être avare en action, rythmée par sa bande son aux trompettes folles (de son inséparable comparse Michael Giacchino) qui ponctuent l’action comme jamais, des thèmes renouvelés, des personnages si classiques qu’ils en sont attachants, Les Indestructibles 2 constituent une suite de premier ordre, dépassant même son petit frère. Et peut-être même, osons-le, la meilleure suite directe d’un film Pixar à ce jour.