Joueurs : L’amour comme un pari

Ella, travaillant dans le restaurant de son père, avait toutes les cartes en main pour mener une vie tranquille et bien rangée. C’est sans compter sur sa rencontre avec Abel, un flambeur familier des cercles de jeux de Paris, un type comme tant d’autres qui semble jouer sa vie chaque fois qu’il joue de l’argent, finalement plus intéressé par l’adrénaline du jeu que la joie procurée par l’argent. Ella a beau comprendre qu’Abel est un accro au jeu, elle devient très vite accro à lui et elle le suit jusqu’au bout, jusqu’à la perdition comme deux amants maudits.

C’est d’ailleurs en ayant en tête plusieurs films noirs (notamment Les Forbans de la nuit) que Marie Monge a écrit Joueurs, son premier long-métrage passé cette année par la case de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes. Consciente qu’elle ne pourrait pas raconter grand-chose de nouveau sur l’addiction, elle inverse alors les codes du film noir (Abel est ici l’homme fatal entraînant Ella dans un sillage de violence et de perdition) et ne quitte jamais le point de vue d’Ella. C’est elle le personnage moteur du récit, une femme qui prend les choses en main, qui va sans cesse à la recherche d’Abel quand celui-ci la rejette.

Pour mieux nous plonger dans un univers cosmopolite qui ne nous est guère familier, Marie Monge déborde d’énergie en termes de mise en scène. Chaque scène tournée dans les cercles de jeux est inventive (on pense à Scorsese) et son travail avec le chef-opérateur Paul Guilhaume va chercher des couleurs chaudes héritées du néo-noir. Un style et un genre allant parfaitement à Stacy Martin et Tahar Rahim qui sont particulièrement bien filmés. Martin, qui n’avait jamais été filmée par une femme auparavant, semble ici plus belle et plus libre que jamais avec un jeu toujours sur le fil. Même chose pour Tahar Rahim dont le charisme et la gouaille lui permettent de tirer le meilleur d’un personnage touchant, certes, mais fort peu sympathique.

C’est d’ailleurs là que le bât blesse avec Joueurs. En dépit de la passion évidente des deux personnages, le dernier tiers du scénario tourne à vide en nous montrant Ella sans cesse revenir vers Abel alors qu’il n’a pas arrêté de lui faire du mal et de la tirer vers le bas. Marie Monge finit alors par tomber dans les pièges qu’elle voulait éviter, ceux de faire un film classique sur l’addiction. Cette répétition lassante de scènes où Ella cherche Abel finit par agacer et délite tout l’intérêt que l’on portait à nos personnages au début. Dès que Abel révèle ses défauts, force est de constater que le film agace tant son personnage féminin s’accroche à lui alors qu’il la tire vers le bas. La fin du film, versant dans la facilité scénaristique un brin ridicule, vient laisser un goût amer en bouche tant son début était prometteur. Au final, bien que réalisé avec passion, Joueurs peine à se démarquer des films qu’il cherchait à éviter et n’apporte guère de choses nouvelles à un genre qui aurait mérité un peu plus d’originalité dans son traitement.

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