Ocean’s 8 : Une transposition féminine simple et basique.

Ce tant attendu Ocean’s Eight, suite ou reboot de la célèbre franchise de Steven Soderbergh avec George Clooney dans le rôle de Danny Ocean et avec Brad Pitt et Matt Damon à ses côtés. Cette fois-ci, c’est Gary Ross aux commandes, réalisateur du premier opus de la célèbre saga Hunger Games ainsi que Free States of Jones sorti en 2016, et mettant en scène parmi les plus grandes actrices d’Hollywood, notamment Sandra Bullock, Cate Blanchett ou Anne Hathaway. D’aucuns le savent, le but ici est de continuer sa lancée pour le cinéma hollywoodien de le rendre inclusif ou progressiste en augmentant le nombre de films mettant en scène des personnages féminins. En particulier plusieurs personnages féminins ayant des interactions entre elles. Car si ce n’est pas le cas, c’est un film profondément sexiste… pauvre Wall-E.

Pour résumer l’histoire donc, c’est une équipe de plusieurs filles qui vont préparer un casse pour cambrioler l’un des plus grand bijoutier du monde, le bijoutier Cartier. Sans vouloir faire la fine bouche, vous reprenez Ocean’s Eleven, vous changez le sexe des protagonistes et vous avez Ocean’s Eight. Diversifier le monde du cinéma en incluant plus de femmes est bénéfique et même largement souhaitable. Au delà du simple effet de parité il y a surtout une diversification non négligeable : une nouvelle diversité de jeu d’acteur, de personnages, d’histoire (dans les rôles comme dans l’écriture) et donc une nouvelle forme de qualité. En sommes, plus de femmes devrait forcément vouloir dire plus de nouveauté et donc plus d’originalité. Mais reprendre ce qui a déjà été fait n’agit malheureusement pas en ce sens.

Ocean’s Eight n’est déjà plus le premier d’une série qui risque de s’éterniser des remake/reboot au féminin de licences très populaires. Cette tactique pourrait être alléchante sur le papier si l’originalité ou la nouveauté suivaient, mais ce n’est pas le cas. Non seulement la saga d’origine avait perdu en authenticité dès le second opus (Ocean’s Twelve), mais pour qu’il y ait un véritable intérêt dans cette opération, il faudrait concrètement adapter l’histoire, trouver une justification, changer les mœurs etc. Faire que ce changement de sexe soit intrinsèquement lié à l’histoire ou qu’il affecte la narration, les relations entre les personnages ou le caractère. Même si l’on reste dans un cadre similaire, faire en sorte que le spectateur n’est pas l’affreuse impression de voir une totale resucée. Et Ocean’s Eight tombe dans à peu près tous les pièges qu’il fallait éviter à tout prix.

Premièrement, la plus grosse erreur est finalement de maintenir un lien avec la saga d’origine. Certains diront que c’est assumé, d’autres que si les scénaristes s’en étaient détachés cela n’aurait été qu’une sorte de suite non assumée. Dans la mesure où il est impossible de mettre tout le monde d’accord, autant s’en détacher totalement afin de s’offrir une véritable liberté d’agir. Finalement choisir l’option de surfer sur la notoriété de la trilogie de Steven Soderbergh, cela ne fait que pousser les gens à la comparaison en continu. Par conséquent, le film n’a jamais la possibilité de vivre lui-même de son aura, il n’évoluera que dans l’ombre d’un film bien trop populaire pour que l’on puisse lui voler la vedette après tant de temps.

Dans un second temps, n’aidant pas le film a s’écarter des mauvaises comparaisons, Ocean’s Eight n’a pas du tout évolué depuis 2001 (date de sortie de Ocean’s Eleven). Non seulement on y trouve exactement les mêmes actes et les mêmes procédés scénaristiques (à la limite on l’excuse sur les aspects devenus depuis des codes du genres), mais on est surtout littéralement confronté aux mêmes enjeux, aux mêmes facilités, aux mêmes retournements de situation, aux mêmes propositions. Ce qui fonctionnait à l’époque, et encore d’une manière assez naïve, semble impossible aujourd’hui. Le coup du hacker qui pirate ton réseau électrique en cliquant sur 3 boutons, c’est quelque chose qu’on voyait déjà dans certains films d’action populaires des années 90′, et c’était déjà ridicule à l’époque. On a passé l’époque de la réunion de la team façon « I know a guy », quoique maintenant c’est plutôt « I know a girl », mais il n’empêche que cela ne fonctionne plus du tout.

Et enfin pour terminer, Ocean’s Eight fait partie de ces rares films qui se vautrent totalement sur leur retournement de situation et leur capacité à gérer le suspens, complètement spoilé par leur casting et leur propre titre. Ici, on nous présente une équipe de 7 femmes menant à bien leur mission pour, à la fin, nous révéler que la huitième va s’imposer d’elle même dans le groupe façon révélation imprévisible… alors que n’importe quel spectateur avec plus de 2 de QI avait compris que toutes les grosses têtes du casting feraient tôt ou tard parties de l’équipe. C’est comme si Star Wars V s’était nommé « Dark Vador, le père de Luke et de Leia ». Ce genre d’imbécillité ne devrait plus être possible de nos jours.

À côté de cela, on peut dire que le montage assez dynamique est toujours présent, quelques split screen (et encore, ça aurait pu être bien mieux géré), pas mal de cuts rendent la narration suffisamment dynamique. Au delà des innombrables clichés et manques d’originalité, on ne s’ennuie pas outre mesure si on accepte un film entièrement basé sur les facilités. La mise en scène aussi est très propre et c’est bien ce qui peut faire la force de cet opus, légèrement plus ingénieux que ne l’étaient certains des opus précédents. Voilà le seul point où l’on peut observer quelque chose d’inattendu. Mais le plus gros point fort se trouve indéniablement dans la musique signée Daniel Pemberton. Un mélange assez jouissif de musiques classiques mixées avec de la musique électronique pour un résultat surprenant, mais néanmoins fort appréciable collant parfaitement avec le ton du film. À noter qu’il est également le compositeur du film Le Grand Jeu, un long métrage autrement plus intéressant, mieux écrit et mis en scène sur une histoire de détournement d’argent. Jessica Chastain y tient le rôle principal, et ÇA, c’est un bon film avec une héroïne.

Au final cette pseudo-suite n’est non seulement pas du tout au niveau, mais en plus totalement inutile. Si c’est pour faire des films d’aussi piètre qualité, on doute que la gent féminine y gagne dans l’opération, avec ce risque de vite préférer revoir nos bons vieux hommes. À défaut d’être paritaires, ils avaient au moins l’avantage d’être devenus des valeurs sûres.

2 Rétroliens / Pings

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