Pororoca – Pas un jour ne passe : Apocalypse Now

“Le Pororoca est un phénomène de mascaret, avec des vagues

pouvant atteindre les 4 mètres de haut et qui parcourt 800 km

sur la rivière Amazone et ses affluents. Son nom provient du dialecte

Tupi, signifiant « le grand rugissement » ou « ce qui détruit

tout sur son passage avec grand fracas ». C’est aussi une association

des mots poroc (embarquer, déchirer) et oca (maison).”

C’est en comprenant la signification de son titre que nous prenons conscience du film. Pororoca, Pas un Jour ne passe est une proposition nous mettant face à de longs plans statiques. Un tableau essayant de nous montrer quelque chose. De ses longues minutes, on scrute le moindre recoin de l’écran géant pour finalement ne pas réussir à situer ce que le metteur en scène cherche à nous dévoiler. Finalement on comprend que le temps autour de nous et au cœur du film s’est dilué. Nous sommes perdus, un brin déstabilisés avec cette sensation de danger, d’une chose qui va se jouer devant nous. Ce sera alors dans notre dos et celui du père que tout va se dérouler. Quelque chose d’évanescent à l’image de ses longs plans-séquences lointains, le déploiement d’une toile qui injecte avec minutie cette sensation de mal-être qui nous quittera plus. 

Pororoca est le résultat d’une expérience personnelle du réalisateur. Un deuil qui l’a transformé en profondeur, un long périple qui lui a permis de se laver de ses regrets et de ses peurs. Tudor, le père, va vivre ce long périple. Au départ avec cet espoir de retrouver sa fille. Ensuite dans la recherche désespérée de compréhension, avant de tomber dans le deuil et la folie. Constentin Popescu a l’excellente idée de ne jamais basculer dans la facilité. On peut penser à Prisoners de Denis Villeneuve, sans l’espoir en dépit d’une force formel identique. C’est par le traitement de fond que l’on peut vivre deux propositions extrêmement différentes, entre le spectacle américain et le drame d’Europe de l’Est, plus particulièrement du cinéma roumain. Il n’y a plus d’espoir dans le cœur des cinéastes d’Europe de l’Est. On a déjà pu le vivre l’année dernière avec Faute d’Amour d’Andreï Zviaguintsev, film sublime, mais une véritable épreuve de cinéma. Avec Pororoca, nous retrouvons ce même schéma éprouvant de la perte, mais avec le désespoir d’un père perdu en phase d’aliénation. L’égoïsme des personnages de Zviaguintsev est remplacé ici par la folle recherche de l’inconnu, du vide de la perte de la petite fille ayant entraîné l’écroulement du socle familial. Pororoca peut se vivre telle la descente du fleuve par le Capitaine Willard à la recherche du colonel Kurtz. Ici Tudor, le père, vit cette descente vers l’au-delà recherchant sa fille, tombant dans la culpabilité, basculant dans la paranoïa. 

Pororoca est une vague qui nous transporte dans la tête de ce père recherchant désespérément sa fille. Le flou total nous happe et nous terrasse à l’image de Tudor, ce père envahi de chagrin qui mute en une folie paranoïaque en quête de réponses. Où est sa fille ? Que lui est-il arrivée ? Alors que d’autres essaient de se reconstruire, de passer à autre chose malgré tout, car inévitable, lui recherche et bascule de l’autre côté. Pororoca est une expérience malaisante mettant mal à l’aise le spectateur par sa forme et son fond. Le cinéma d’Europe de l’Est nous a habitué à cela depuis quelques années. Cette proposition arrivant de Roumanie ne déroge point à la règle. Loin de vouloir faire comme les autres, mais parce que le réalisateur a vécu cette expérience. Le film est l’acte expiatoire de cette douleur et cette colère de la part d’un metteur en scène qui s’en sert pour en tirer une expérience de cinéma intéressante, mais tellement dérangeante.

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