Sicilian Ghost Story : Une histoire dont on se serait bien passé

Il y a une mode dans le monde du cinéma en ce moment, c’est de multiplier toujours plus les histoires inspirées de faits réels. Entre biopic, documentaire et inspiré d’une histoire vraie, les excuses sont légion de pallier au manque d’inventivité de nos créateurs. Mais arrêtons ne soyons pas mauvaise langue, car finalement, tout s’inspire de la réalité. Il n’y a pas meilleur moteur créatif que notre réalité, notre quotidien, nos relations, notre entourage, notre vécu. Pour autant, toutes les histoires ne sont pas forcément intéressantes à raconter. Grand-mère qui lâche son dentier dans la soupe par exemple, ça fait un souvenir traumatisant pour le petit Jordan, 4 ans, mais le spectateur lambda n’aura pas forcément de temps à perdre avec ça. Pour ainsi dire, il ne suffit pas qu’une histoire soit triste, joyeuse, belle, émotionnelle, inattendue, exceptionnelle ou n’importe quel autre adjectif pour qu’il faille la raconter et la produire au cinéma. Ce qu’il faut à une histoire pour qu’elle ait un intérêt à être diffusée c’est un but, une finalité, un objectif. Il faut que ce que l’on voit nous raconte vraiment quelque chose justement, pas seulement qu’elle soit hors du commun, non plus qu’elle nous ai fait chavirer de sensation, mais bien qu’elle soit pertinente à en tirer une leçon, pour une raison ou une autre. Une fois que ça l’est, on peut enfin parler de film.

Sicilian Ghost Story raconte l’histoire d’une petite fille de 13 ans qui se lie d’amitié avec un de ses camarades de classe. Elle semble folle amoureuse de lui et lorsqu’ils s’embrassent enfin, le garçon disparaît mystérieusement le lendemain et tout le monde occulte complètement ce drame. Les médias n’en parlent pas, la maîtresse de classe non plus, les parents essaient par tous les moyens d’ignorer ce drame et de le faire oublier aux enfants. Seule la petite fille ne l’accepte pas. Elle mène son enquête, elle remue ciel et terre dans l’espoir de le retrouver et va jusqu’à passer pour une folle pour montrer sa détermination. Peu nombreux seront ses alliés, et certainement pas des adultes. Le plus étrange étant que même les parents du garçon semblent taire l’événement, mais qu’a-t-il bien pu se passer?

Il faut reconnaître que ce long métrage possède une bonne ambiance et une sacrée photographie. Le spectateur reste en haleine et la curiosité se fait ressentir. Les décors et les paysages sont superbes, le milieu est crédible, on a envie d’y croire. Il y a une atmosphère angoissante tout au long du film qui donne la sensation que tout peut vite partir en vrille alors que le film conserve irrémédiablement son rythme équilibré. Aucune excentricité, mais un ton sérieux inévitable. Les acteurs principaux sont d’ailleurs, pour la plupart, de jeunes ados et parviennent à maintenir cette perfection de façade. Quelques manques de crédibilité de temps à autre, mais rien de catastrophique, quand on sait qu’il n’est jamais très simple de faire jouer des enfants au cinéma, il faut reconnaître qu’ici cela fonctionne bien. Les personnages entre eux se répondent bien même si une tendance à l’égocentrisme se dégage assez vite de la plupart des protagonistes, un caractère qui devient très vite agaçant rendant l’aspect général du film assez unilatéral : on n’espère plus voir le mystère se résoudre car tout le monde a un avis similaire au point qu’on finit par croire qu’ils sont carrément lobotomisés, ou de mèche avec les méchants. En tant que spectateur on sait pertinemment qu’il y a quelque chose qui ne va pas, par conséquent, entendre le même discours pendant 1h 30 devient très vite gonflant et notre intérêt se perd progressivement. On finit par constater de nous même l’impasse dans laquelle la petite fille s’engouffre avec son enquête. Même si l’on espère la voir réussir, on comprend que la fatalité de la vie la fera échouer, et si le spectateur perd foi avant même le personnage principal, c’est qu’il y a un sérieux problème narratif. Mais ce qui chagrine le plus c’est tout le reste, car rien d’autre ne va.

Même si le film ne se déroule pas durant nos années actuelles, un enlèvement, quel qu’il soit, ne laisserait pas aussi indifférent une communauté entière. D’autre part, la petite fille ne lâche rien uniquement parce qu’elle semble folle amoureuse de lui. C’est une très belle leçon que l’on tente de nous expliquer, mais c’est gros, trop gros, et terriblement maladroit, en dépit de la véracité de l’élément. Une petite fille ne parviendrait pas à mettre autant en œuvre juste pour déceler un kidnapping, et personne ne resterait totalement indifférent après une telle détermination. Les réactions et les choix scénaristiques n’ont aucune véritable logique, ils ne sont là que pour conserver jusqu’au bout le même statut aux personnages, pour qu’ils n’évoluent jamais et ne fassent jamais avancer l’histoire. C’est peut-être en grande partie ce qui s’est réellement passé, à savoir que la ville entière feignant l’indifférence de la disparition et que la petite fille était ultra déterminée. Cependant, pour l’adapter en histoire au cinéma, il faudrait parsemer d’un minimum de fiction pour laisser un certain suspens ou permettre au spectateur de se rattacher à quelques détails important. Une évolution concrète des personnages, un changement d’opinion pour certains ou encore tout simplement une véritable conclusion.

Car en réalité si le rythme est fidèle à lui-même, il n’est pas du tout bien dosé. Si on devait le représenter, ce serait un encéphalogramme affreusement plat, hors toutes les histoires finissent par s’emballer, justement pour qu’elles s’apaisent à la fin. Ce n’est pas le cas ici ou tout à la même saveur du début à la fin au point que pendant 30 à 40 minutes en plein milieu du film l’histoire tourne complètement en rond et ne propose absolument plus rien. Les scénaristes ne savaient plus du tout où aller avec leur histoire et se sont totalement perdus avec des scènes de pseudo rêve, pseudo hallucination pour essayer de trouver un peu de contenu là où il n’y en avait pas. Résultat on s’ennuie ferme, l’histoire n’avance plus et on reste plantés telles des larves devant l’écran à attendre étrangement la fin. Mais quelle fin ? Peut-on vraiment parler ici de fin. On ne sait pas vraiment comment cela se termine. Oui, on sait ce qui arrive à certains personnages, mais aucune intrigue n’est véritablement close, la situation finale est pire que la situation initiale et tout ceci n’a rien changé. C’est ce qu’on appelle une fin en eau de boudin et on sort avec la terrible sensation, en plus d’avoir perdu notre temps, que l’on ne nous a même pas raconter une histoire comme promis…

Comme on dit, toutes les histoires ne sont pas bonnes à raconter. C’est pas le tout d’y être ému ou de vouloir la raconter à son tour, mais faut savoir choisir sa cible. En l’occurrence, en dehors de sa grand-mère, Sicilian Ghost Story n’avait qu’une très faible cible cinématographique. En sommes, on s’en serait largement passé.

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