No Dormiras : Le sommeil du spectateur compte aussi

No Dormiras est un film d’épouvante horreur espagnol réalisé par Gustavo Hernández. Comme la plupart des films du cinéma d’horreur actuel, il se dégage en 2 grandes caractéristiques principales. Les films plus ou moins bas de gamme, très friands de jumpscares et ne lésinant par sur la surenchère de l’horreur à l’instar de film comme Action ou vérité, Happy Birthdead et de nombreux autres dans le même style. Les films n’étant à chaque fois pas nécessairement mauvais ou pauvre en scénario, mais assez simple dans leur construction. Et une seconde catégorie dont No Dormiras semble faire partie avec un rapport à l’esthétique et à l’ambiance beaucoup plus développé, mais délaissant souvent sa caractéristique première, celle de faire peur, au profit d’un désir d’oppression à travers ses effets visuels et sonores plus que de torpeur à travers son histoire et ses artifices. C’est dans cette catégorie que nous pouvons lister Get Out, Mister Babadook ou encore Délivre-nous du mal. En général ces films essaient de développer avec une certaine efficacité le mythe de leur histoire, à l’instar du talent de James Wan notamment avec The Conjuring, mais essaient dans une certaine mesure de rester sobre et de nuancer leur efficacité grâce à l’ambiance.

No Dormiras raconte donc comment a été mise en place une expérience très particulière qui visait à repousser les limites du sommeil sur le corps humain. Les personnes sélectionnées pour l’expérience étant contraintes de rester éveillées le plus longtemps possible, atteignant la centaine d’heures passées sans dormir. L’expérience avait déjà été menée auparavant et s’était conclue de manière assez désastreuse avant de vouloir réitérer l’expérience précédemment échouée. Évidemment, l’histoire ne se contente pas de ça car il s’agit là en réalité d’une expérience qui a vraiment eu lieu et à eu des conséquence tout aussi désastreuses. Mais ici l’expérience n’est pas menée par un scientifique fou, mais une metteur en scène complètement givrée qui prétend agir au nom de l’art pour parfaire son œuvre. Selon elle, c’est dans un état très avancé de fatigue qu’un acteur peut réussir à jouer son rôle à la perfection et transcender totalement le métier même d’acteur. Cela provoquant ainsi une véritable performance d’acteur que nul autre ne peut réitérer par son simple jeu.

Là où No Dormiras tient ses promesses de film d’épouvante, c’est qu’il parvient à créer une véritable ambiance glauque. Son mythe lié au sommeil amène rapidement les protagonistes vers une forme de folie que les décors accentuent sans mal. Ils évoluent dans un cadre particulièrement angoissant d’une maison austère au passé douteux. Au fil que l’histoire avance et que les mystères se dévoilent, on y apprend certains événements dans chaque pièce qui rajoute à l’ampleur de la phobie que le lieu peut nous engendrer. D’une certaine manière on comprend que l’histoire va se répéter et que ce qui s’est passé ne semblait vraiment pas jolie à voir, ce qui n’aide pas à rassurer le spectateur. Le jeu d’acteur dans sa globalité est assez bon et la caractérisation des personnages assez convaincante pour la majorité. La metteur en scène ou bien son ami Fonzo sont très juste dans leur interprétation. La première est un peu folle et stricte et on ne sait pas toujours si ses actes sont là pour aider les acteurs de sa pièce ou si elle essaie de les piéger. Ainsi son personnage reste toujours en demi-teinte malgré sa démence latente, on a le sentiment qu’elle joue elle-même le rôle de la grande méchante sans savoir si elle l’est totalement. Quant à Fonzo, ce personnage est l’élément le plus incertain, toujours dans une forme de rigolade sérieuse, on ne sait pas non plus vraiment à quoi s’attendre de lui. On remarque vite sa fidélité à sa patronne, mais son air presque naïf vis à vis de l’expérience insiste le malaise ambiant. Les autres personnages quant à eux sont plus typés et pour certains rudement prévisibles. Par exemple l’héroïne correspond assez bien à l’héroïne lambda de films d’horreur de ce genre, ce qui dédramatise l’intensité de l’histoire. Bien que l’originalité d’un film d’épouvante se situe rarement dans la manière de procéder et de réagir de son personnage principal.

En revanche, et c’est là où c’est particulièrement dommageable pour un film qui semble accorder autant d’importance à son audience, il s’appuie malheureusement trop, par instant, à des classiques du frisson. Regarder sous le lit pour voir s’il n’y a pas un monstre en mettant quasiment la tête en dessous alors qu’il suffirait de tirer violemment les draps à bout de bras vu que c’est un lit en fer des années 20′, c’est quand même particulièrement décevant. Ce sont quelques artifices qui ne fonctionnaient déjà presque plus à l’époque du premier Paranormal Activity alors pourquoi insister… Heureusement leur utilisation n’est pas excessive, mais elle est tellement prévisible et contre-productive que sa simple utilisation nuit au long-métrage. On peut comprendre que la volonté soit d’appuyer sur le frisson et la crispation du spectateur, mais c’est dommage de tomber dans ce travers à plusieurs reprises alors que les arguments du décor et de l’ambiance fonctionnaient et même plutôt efficacement. A vouloir en rajouter on brise ce très léger équilibre qu’on a réussit à mettre en place.

Le dernier point, et non des moindres, qui rend ce film un peu hasardeux se trouve au sein même de son histoire. En réalité, jusqu’à la fin, on a énormément de mal à y croire vraiment à cette expérience fantaisiste. Tout du moins dans ce cadre et cette disposition. Elle pourrait probablement être plus pertinente, mais pas de cette manière avec une metteur en scène psychopathe qui, au fond, n’hésite pas à envoyer ses acteurs au purgatoire surtout après avoir déjà échoué une telle expérience. Nous sommes face à une situation très particulière qui peine à trouver notre approbation de spectateur. Et ce malgré le fait d’accepter que le film vise une forme de poésie fantasque; un peu de la même manière que Babydoll rejoint son monde de rêve dans Sucker Punch, c’est une excuse un peu expéditive et difficile à encaisser sans grincer des dents.

En fin de compte on regrettera qu’un film qui s’appelle No Dormiras n’ait pas réussi à empêcher le sommeil de pointer le bout de son nez. En dehors de ça il propose un univers que les amateurs de ce genre de film pourront largement apprécier. Il est juste parfois difficile de se détacher de certains éléments précis d’une histoire sous couvert que le film se veut plus visuel ou immersif que véritablement narratif par exemple. Mais terminons sur une note positive, l’essaie est présent, la tentative est louable et on préférera toujours un film qui tente quelques petites libertés plutôt qu’une grosse production trop prévisible qui se contente de nous donner la pâté comme de véritables cochons de ferme.

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