Édito – Semaine 19

Le remake, possibilité pour un auteur de revoir sa propre copie à la demande d’un studio, d’une volonté de rattraper des erreurs ou de l’adapter à son époque, notamment dans la transition au début du 20e siècle entre le muet et le parlant. Jusque dans les années 80, le remake est une entreprise louable de revoir certains classiques du cinéma de façon moderne, quand le matériau de base est transposable. Les exemples types sont The Thing de John Carpenter, La Mouche de David Cronenberg ou le Scarface de Brian de Palma avec Al Pacino. Ce dernier film qui dépassera les frontières et les âges, un long-métrage transgénérationnel incarnant aujourd’hui encore l’exemple type de la réussite via le prisme du trafic de drogues et du grand banditisme. Qui n’a pas une affiche de Scarface dans une chambre, un salon ou un garage ?

Mais passé les années 2000, le remake est une entreprise opportuniste d’argent facile pour des studios et producteurs capitalisant sur un fait de gloire d’une époque révolue, voire désuète. De tête, nous soulignons Footlose, Fame, The Thing (2eme!) et toute une flopée de films d’horreur post 2000 ahurie répondant à leur seul titre sur l’affiche.

Le remake moderne est de base une erreur de jugement. Nouvelle preuve avec Death Wish en salles ce 9 mai 2018. Réalisé par Eli Roth avec Bruce Willis reprenant le rôle iconisé par Charles Bronson en 1974 incarnant Paul Kersey, devant la caméra de Michael Winner. Un Justicier dans la Ville, film de vengeance violent où un mari/père de famille en deuil va exprimer sa douleur arme au poing dans les rues malfamées du New-York des années 70. Une œuvre culte, le témoignage d’une époque qui débouchera sur une série à placer du côté des plaisirs coupables. En tirer un remake aujourd’hui est abscons. Pourquoi ? La violence dénoncée à l’époque est révolue. En 2018, la violence est virtuelle, intellectuelle et politique. Non dans les rues à l’image de Paris ou New-York. Cette dernière a été nettoyée par le maire Guiliani lors de son mandat entre 1993 et 1998. Il a divisé la criminalité par 3 et a fait de New-York un pôle économique crucial et mondial. Eli Roth porte alors son choix sur Chicago pour ce Death Wish 2018. Paul Kersey y mène une vie de rêve jusqu’au cambriolage qui tourne mal avec le meurtre de sa femme et sa fille plongée dans un coma profond. Paul Kersey n’est  plus un architecte, mais un chirurgien brillant… Blablabla… Un film démagogue par son pitch qui n’a plus rien à apporter dans son genre, inventé par l’initiative du film originale. Un Justicier dans la ville de Michael Winner a créé le genre du revenge movie, qui a depuis donné une multitude de copies, de suites officielles (toujours avec Charles Bronson) ou de longs-métrages réinterprétant les codes. On peut en citer deux, Harry Brown avec Michael Caine et Death Sentence avec Kevin Bacon. Ce second étant l’adaptation du livre éponyme datant de 1975, suite de Death Wish à l’origine du film de Michael Winner. Le film réalisé par James Wan datant de 2007 en sera une adaptation libre, le héros se prénommant Nick Hume et non Paul Kersey.

Malheureusement, nous n’avons pu découvrir cette nouvelle version de Death Wish avec Bruce Willis dans le rôle-titre. Selon les premiers retours, le film ne serait pas une réussite avec un Bruce Willis cabotin. Une habitude pour l’acteur ces dernières années. Mais surtout, le film a été lavé de toutes les intentions de Joe Carnahan, à la base du projet et très vite écarté au profit d’Eli Roth. Pourquoi un remake de Death Wish ? Quelles intentions ? On se pose la question dans une époque où un tel film n’a plus rien à soulever ! Acts of Vengeance, production Millenium Films avec Antonio Banderas (disponible sur Netflix) en est le triste témoignage. Le film de vengeance est aujourd’hui l’écueil d’un cinéma bis s’y confrontant par facilité. Alors qu’au cœur des années 70, Un Justicier dans la Ville était un cri d’alarme au cœur d’une ville ultra-dangereuse, une ville en perdition, des quartiers chaotiques, presque apocalyptiques. Certaines productions italiennes (Les Guerriers du Bronx) venaient en tirer le meilleur pour un tournage en mode guérilla au cœur des ruines d’immeubles abandonnés. Paul Kersey y reviendra même pour une troisième aventure tonitruante à base de bazooka et de fusils mitrailleurs. Une belle pépite que nous vous conseillons vivement pour un divertissement haut en couleur.

Ce pauvre Paul Kersey qui se voit réanimé sous le costume de Bruce Willis pour dézinguer du dealer et de la petite frappe inoffensive. Paul Kersey revenant des morts pour un remake sentant bon la naphtaline après une sortie forcée du placard. Ce même placard où il retourne rapidement suite au bide du film au Box-office américain. Le film est un four, un film d’une autre époque, un classique beaucoup trop présent dans les mémoires collectives, car preuves d’un autre temps, celui de Paul Kersey. Aujourd’hui, Donald Trump est président des États-Unis, Frank Castle, alias le Punisher, dézingue à tour de bras sur Netflix, mais surtout Bruce Willis n’est plus cet acteur rassembleur. Il est cet has-been cabotinant dans des DTV moisis, cet acteur aux faits de gloire passés, celui qu’on attend plus, à l’image de ce justicier antédiluvien, à l’heure des Avengers affrontant Thanos et la possession de la Terre d’un dieu invincible, même pour nos chers héros d’une pop culture reine de notre époque.

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