La Pièce maudite : Marlowe en peine

Toujours apte à nous dénicher quelques perles, Rimini Editions poursuit son exploration du travail de John Brahm. Après Jack L’éventreur et Hangover Square, voilà que Rimini a édité La Pièce maudite, sorti seulement en DVD depuis le 3 avril dernier. Il s’agit ici d’un film noir de 1947, adapté d’un roman de Raymond Chandler mettant en scène le détective Philip Marlowe, immortalisé un an plus tôt à l’écran par Humphrey Bogart dans Le Grand Sommeil.

C’est là la première gageure du film et c’est ce qui lui fait défaut. Si Marlowe est souvent rattaché à Humphrey Bogart, d’autres acteurs ont su apporter au personnage quelque chose d’inédit, proposant une interprétation différente et personnelle (notamment Elliott Gould dans Le Privé). Il n’en sera rien ici. Dès le début, George Montgomery se bat avec le personnage pour entrer dans ses chaussures. Le résultat est assez désolant : Montgomery lance ses répliques bien senties mais n’arrive jamais à offrir quoi que ce soit au personnage. Pire, il a l’air complètement à côté de la plaque, visiblement peu à l’aise dans un registre qui le fait cabotiner. Produit avec peu de moyens, le film n’a pas une interprétation toujours très convaincante, en témoigne la prestation de Fritz Kortner qui vient singer Peter Lorre. Reste alors Nancy Guild. L’actrice à la carrière très courte (une douzaine de rôles) et qui avait fait ses débuts chez Mankiewicz avec Quelque part dans la nuit compose ici une secrétaire névrosée et fragile tout en étant belle à tomber. Une femme comme Chandler aimait les écrire et qui dégage une sacrée part d’érotisme tout en étant innocente et à la fois pas tant que ça…

Certes, on pourra saluer la façon dont John Brahm nous raconte l’histoire. En 1h10 de film, il parvient à rendre intelligible une intrigue de Raymond Chandler (on essaye encore de comprendre à ce jour tous les tenants et aboutissants du Grand Sommeil) tout en nous offrant les ingrédients habituels : une affaire à priori simple qui finit avec des cadavres sur les bras de Marlowe, un personnage féminin fragile, une matriarche autoritaire, un fils un peu fourbe, des truands dans tous les coins, la police qui pointe le bout de son nez, des coups de massue sur la nuque et des secrets de famille. Tout est là mais manque cruellement de piquant. Bien qu’il livre quelques plans bien trouvés, John Brahm a l’air peu inspiré par le récit qu’il emballe rapidement, comme s’il était pressé d’en finir. La courte durée du film l’empêche d’étendre son atmosphère de mystère tandis que les séquences se suivent à un rythme frénétique, permettant seulement à Brahm d’apposer sa patte dès que Nancy Guild apparaît à l’écran. Série B bien ficelée mais réalisée sans génie, La Pièce maudite déçoit malheureusement par son approche trop classique et trop propre sur elle pour avoir une vraie personnalité, donnant vie à un film distrayant mais assez fade.

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