Édito – Semaine 17

The Strangers – Prey at Night est sorti en France ce mercredi 18 avril. À la sortie de la projection du film, la question sur la possibilité durable d’un tel cinéma commercial en France nous taraude, et ce à chaque projection d’un film de genre. Elle a fait son chemin après Happy Birthdead, revient après Action ou Vérité, mais surtout après Strangers – Prey at Night.

Ce dernier est produit pour 5 millions de dollars, en rapporte au total 25 millions au BO US après seulement 3 semaines d’exploitation. Une bonne affaire en somme, surtout que le produit s’exporte bien à l’international. Le film sort en salles en France et les spectateurs sont au rendez-vous. Il y a un public répondant présent. Strangers fait donc quelques entrées, parions-nous autour des 100 000 entrées France, mais cela ne s’arrête pas là. Le long-métrage va sortir partout ailleurs : Angleterre, Allemagne, Italie, Espagne… Donc va rapporter un minima, on peut espérer des recettes de près de 50 millions de dollars au total. Avant une sortie vidéo du même acabit qui rajoute quelques pépètes dans le porte-feuille. Une affaire qui roule alors ? Mais pourquoi donc en France, nous n’amorçons pas un cinéma commercial de l’épouvante, surtout que nous avons un certain héritage à respecter : Georges Franju, Jean Rollin, par exemple… Mais aussi d’autres essais fructueux ont vu le jour, notamment, L’Auberge Rouge de Claude Autant-Lara, La Main du Diable ou plus proche de nous, Promenons-nous dans les Bois ou Ghostland.

Promenons-nous dans les bois est sorti au début des années 2000, une volonté assumée de faire du slasher à la française. Résultat 500 000 entrées France, un score extrêmement bon, plutôt flatteur quand on connaît la frilosité du marché. Ghostland en est quant à lui à environ 250 000 entrées France, tout en n’omettant pas sa carrière européenne. Les longs-métrages horrifiques sont une manne facile pour un divertissement simple, efficace et apprécié du public, mais surtout qui peut s’exporter. Si la distribution joue le jeu avec un marketing viral, voire agressif, pour seulement faire connaître le film, l’objectif est presque atteint en termes de succès. Surtout si le film est distribué aisément en province permettant à tous les Français la possibilité de le découvrir. Ça assure à minima la barre cruciale des 100 000 entrées en une semaine d’exploitation, voire un peu plus ensuite, n’oublions jamais le marché de la vidéo.

La France a envie d’horreur, de fantastique et de frissons. Il faut voir les spectateurs se masser à chaque projection du Paris International Fantastic Film Festival qui se déroule début décembre depuis quelques années, ou encore ce défilement de valises dans le froid de Gérardmer fin janvier. Les spectateurs courent pour frissonner, les différentes salles des festivals sont pleines. Forcément, si l’extrême est de sortie, ça réduit les chances d’un succès, on pense notamment à la série de films sortie au milieu des années 2000, les « French-Frayeurs ». Trop de gore tue le gore, mais surtout tue l’exploitation et la commercialisation d’un tel genre. Les Américains et Hollywood sont ce qu’ils sont, mais voir Happy Birthdead produit pour un peu moins de 5 millions de dollars faire plus de 500 000 entrées France et surtout 26,5 millions de dollars lors de son premier week-end d’exploitation aux États-Unis, ça peut donner quelques idées. Une folie pour un divertissement PG-13 qui stoppera son parcours sur les écrans US aux alentours des 55 millions de dollars.

Dernièrement Dans la Brume est sortie en France. Film catastrophe français avec Romain Duris ultra efficace, intrigue ciselée pour un pur divertissement du dimanche soir. Le film a tous les atouts pour plaire au public, mais… Le film n’est pas montré à la presse et subit une distribution province dédaigneuse au possible. Point de présentation du film à l’entrée, pas d’affiches, pas de bandes-annonces pendant les attentes publicitaires, pires le jour de sa sortie, le film se retrouve dans la salle 14 du grand cinéma de proximité. La dernière salle avant l’expulsion dès sa première semaine d’exploitation. Gaston Lagaffe a les honneurs de la salle 1 avec des affiches de partout, même sur les pots de pop-corn. Que faire alors si le cinéma de genre n’est pas soutenu, alors que Dans la Brume, grâce à un bouche-à-oreille flatteur, colle aux basques de Gaston avec 209 000 entrées.

Il y a un réel problème de distribution en France et ce n’est pas faute d’organiser des conférences lors des événements consacrés au genre pour essayer d’y répondre. Que ce soit à Gérardmer ou à Paris, tout le monde se pose cette question tout en ayant une envie palpable de courir en salles pour frissonner, ressentir des peurs de cinéma. À voir la popularité de festival comme le Bloody Week-end les 1-2-3 juin 2018 à Audincourt, on prend le pouls d’une telle folie, notamment en Province. Ce sont en majorité des provinciaux que nous croisons à Gérardmer, certains font le voyage aussi à Paris pour le PIFFF, rendez-vous incontournable du festival fantastique/horrifique aujourd’hui en France. La place est présente, palpable, au cinéma français de faire en sorte de produire des pelloches efficaces, disponibles et jubilatoires pour un public attentif et impatient.

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