Milla : Renaissance et superficialité auteuriste

Deuxième long-métrage de Valérie Massadian, où deux jeunes personnes sont amoureuses au point de s’évader ensemble. Des vagabonds propulsés par l’amour, par le désir d’être juste ensemble. Le film démarre très bien dans ce voyage entrepris par les deux personnages. Une sorte de chronique sauvage d’un couple qui s’embarque dans la précarité. Tel un conte de personnages en marge de tout, où les jours se suivent et sont tous de nouveaux défis. Valérie Massadian a notamment la bonne note pour que la fougue de cette chronique prenne un tournant significatif. L’un des deux trouve un travail, puisque l’argent est devenu un élément indispensable à la survie, même lorsqu’on décide de vagabonder. Ainsi, l’univers de la maison abandonnée se modifie, à mesure que les corps prennent de la distance (à cause du travail) et que la maison se meuble petit à petit. Mais cette chronique touchante prend un tournant plus radical ensuite, mais qui fait sombrer le film dans la perte de rythme et dans le manque total d’idées.

Certes, le film ne manque pas de messages intéressants : le courage, la féminité, l’amour, l’amitié, la lutte. Sauf que le film ne prend que trop rarement un ton grave ou dramatique. Le film est toujours à la recherche de la beauté et d’une forme d’héroïsme de la part de sa protagoniste courageuse. Or, rien ne peut fonctionner si la tragédie du parcours n’est pas marquée plus sombrement. Dans sa seconde partie, le film semble vouloir conter le schéma type d’une renaissance intime après un grand choc dramatique. Sauf que les éléments qui se substituent à une absence ne devraient pas se substituer à la beauté de la première partie. Même si la protagoniste se transforme psychologiquement, la caméra la regarde toujours de la même façon. Le film fait preuve de bien trop de complaisance dans le traitement de la « renaissance », allant même jusqu’à effacer la première partie en changeant d’habitation.

Ainsi, Valérie Massadian étire son récit au plus long possible. Alors que le film aurait pu durer facilement 1h30, il dure un peu plus de 2h (on se demande encore pourquoi). Il y a tellement de longueurs qui peuvent être retirer, qu’il est impossible de toutes les lister. La première partie du film va directement à l’essentiel, en dessinant une chronique attachante et troublante à la fois. Toutefois, la seconde partie se noie dans la démonstration de la chronique. Après la grande ellipse, la protagoniste nommée Milla est soumise à de nombreuses répétitions qui n’apportent pas grand chose à sa personnalité. La chronique de la seconde partie travaille le temps comme un calque, où les jours fictifs se multiplient à égalité, où seules les quelques rencontres faites apportent un peu de vitalité.

Parce que même la mise en scène est fatigante. A vouloir trop travailler sur le temps, la mise en scène semble insister sur les mêmes détails. Même si l’intimité est le meilleur point de vue pour exprimer l’évolution d’un personnage, d’explorer sa douleur et de développer sa guérison, il faut tout de même que cette intimité puisse contenir assez de bagage. Sauf que le film s’appuie sans cesse sur les mêmes idées, sur les mêmes détails intimes, créant alors un temps mort pour chaque nouvelle scène. Valérie Massadian ne compose son film (pratiquement, à quelques exceptions près) qu’avec des plans fixes. Une esthétique tellement austère, minimaliste, que le film se prend pour une fable à caractère mélancolique (le pire moment étant ce poème récité face caméra avec un fond rouge). Alors que la première partie se concentre suffisamment sur la transformation de l’espace, de l’environnement sentimental, la seconde partie du film gomme totalement cette intention. Les espaces de la seconde partie ne sont qu’anecdotiques, n’étant qu’un décor de mise en situation. Il n’y a pas vraiment de poésie qui ressort de ce film, puisque les espaces fonctionnent sur l’attente, sur le temps mort mais sans contemplation tellement le cadre est resserré. Clairement ce qu’il y a de plus pénible à voir dans ce type de cinéma français qui se veut auteurisant.

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