Twin Peaks – saisons 1 et 2 : La révolution télévisuelle commence ici

A l’époque quand Twin Peaks débarque à la télévision, c’est une vraie révolution. On ne saura jamais vraiment appréhender toute l’ampleur de cette série sur laquelle tout a été dit mais il est clair qu’il y a un avant et un après Twin Peaks. Celle-ci aura su remettre la série télévisée au goût du jour en imposant une réalisation inspirée par le cinéma en montrant qu’on pouvait mettre en place un récit dense et un univers soigné au sein du petit écran. David Lynch et Mark Frost ne devaient pas se douter du succès que leur série rencontrerait mais les faits sont là aujourd’hui.

Et à redécouvrir la première saison de la série aujourd’hui, on ne peut que comprendre l’engouement suscité à l’époque. Car David Lynch et David Frost ont su donner vie à un univers singulier, qui sent bon le sapin et le café noir. Dès les premières minutes, rien qu’avec les notes de la partition d’Angelo Badalamenti, Twin Peaks envoûte. Un meurtre, une petite ville près d’une forêt, des habitants cachant tous leurs secrets, voilà ce que l’agent du FBI Dale Cooper découvre en arrivant à Twin Peaks. Dépourvu de cynisme, enthousiaste pour un rien et campé par l’irrésistible (et beaucoup trop rare) Kyle MacLachlan, Cooper va mettre à jour plusieurs histoires douteuses avec son flair imparable. La réussite de la série tient beaucoup sur l’équilibre des registres qui se mélangent : le polar est là, glauque quand il rentre dans certains détails mais les personnages, la musique excessivement romantique et les situations ont tout du soap agrémentés d’un jeu pas toujours convaincant (Dana Ashbrook) et d’un humour joliment décalé où l’on peut passer des plombes à régler un tabouret avant de s’adresser à une femme dans le coma. On y trouve des magouilles, des adultères (et ils sont nombreux !), des désirs cachés et des ambitions dévastatrices. On y trouve aussi une sacrée galerie de gueules (Ray Wise, Richard Beymer, Russ Tamblyn, Everett McGill) et de femmes fatales (Sherilyn Fenn, Lara Flynn Boyle, Mädchen Amick, Peggy Lipton) mais on y développe néanmoins une folle addiction, charmé par les personnages, par les rebondissements scénaristiques mais aussi par le mystère qui plane sur l’endroit.

Un mystère que Twin Peaks s’empressera de résoudre dès la première partie de la deuxième saison. Une deuxième saison beaucoup plus longue que la première (22 épisodes au lieu de 8) et dont la scission en deux parties distinctes a beaucoup divisé. La première vient résoudre le meurtre de Laura Palmer avec des épisodes de plus en plus prenants et parfois très émouvants jusque dans le dénouement de l’affaire avec ses moments tragiques sublimés par la musique inoubliable d’Angelo Badalamenti.

La deuxième, beaucoup plus longue et contestée, voit l’agent Cooper rester à Twin Peaks pour y affronter son ancien co-équipier Windom Earle, psychopathe de première classe aux intentions troubles. Bien évidemment, la seconde partie est un peu en dessous de la première, se perdant parfois en sous-intrigues sans grand intérêt, faisant évoluer les personnages dans des directions inattendues et multipliant les personnages secondaires parfois sous-exploités (dont David Warner, Billy Zane, David Duchovny en travesti !).

Malgré des critiques virulentes à l’encontre de la fin de cette deuxième saison (dont Frost et Lynch, qui sont les premiers à reconnaître l’erreur qu’ils ont fait en révélant aussi tôt l’identité de l’assassin de Laura Palmer), celle-ci reste dans la continuité logique de la première et se révèle tout autant savoureuse, révélant la propension de la série à se laisser aller en embrassant à la fois sa dimension romantique, sa dimension mystique et sa dimension glauque. Un mélange qui tient véritablement du tour de force et qui, il faut bien le dire, doit beaucoup aux partitions de Badalamenti qui viennent donner à certaines scènes une nouvelle approche parfois bouleversante. Impossible par exemple, d’oublier son morceau Hook Rug Dance, au cœur d’un des plus beaux moments de la série qui n’a pourtant rien à voir avec l’intrigue principale.

En dépit de sa longueur légèrement excessive sur la fin (on ne dira jamais assez combien la première saison est parfaite !), on se prend toujours au jeu grâce à l’intérêt que l’on porte aux nombreux personnages que la série a développé dès ses débuts (Ben Horne, irrésistible ; Pete Martell, sympa comme tout ; Norma Jennings, touchante ; Andy Brennan, maladroit mais indispensable et évidemment Dale Cooper dont le point de vue est dénué de tout cynisme) et la magie opère toujours même si l’on sent bien que quelques sous-intrigues sont forcées, tournant un peu en rond.

Non vraiment, difficile d’y voir des erreurs là-dedans car en dépit de ces moments forcés et de ces personnages soit lâchés en cours de route (James) soit en en voyant de toutes les couleurs (Ben, accusé de meurtre puis devenant fou puis devant honnête), ces deux saisons achèvent de ranger Twin Peaks au panthéon des grandes séries avec son ambiance unique sous les sycomores, son odeur de café, le goût de ses tartes et la singularité de ses personnages. Twin Peaks est en effet une série unique en son genre qui n’a jamais eu d’égale (bien que l’on soupçonne que La Caravane de l’étrange aurait pu avoir un impact similaire si elle avait eu plus de chance), mélangeant les genres (polar, fantastiques, soap) sans jamais nous dire à quel degré prendre le tout. La série est une œuvre bouleversante, fascinante et envoûtante qui n’a pas fini de nous faire tourner la tête et de nous rendre fous notamment à cause de ce final, certainement le plus frustrant de tous les temps. Heureusement David Lynch et Mark Frost ont fini par tenir la promesse folle faite à Cooper par Laura Palmer et ont remis le couvert un peu plus de 25 ans après la fin de la série pour une troisième saison radicalement différente, inventive mais encore plus troublante.

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