The Villainess : L’Art de pratiquer la surenchère avec virtuosité

Depuis sa présentation au dernier festival de Cannes en séance de Minuit, ce film de Jung Byung-gil (Confession of murder) alimentait tous les fantasmes des amateurs de films Coréens azimutés, la plupart des gens ayant eu la chance de le voir sur place misant l’essentiel de leur argumentaire sur les quelques scènes d’action furieuses et démentes parsemant le film, et plus particulièrement celle d’ouverture. Chacun y allait de ses superlatifs, et l’on attendait désespérément de pouvoir savourer le résultat en salles. Comme nous sommes en France, soi disant pays du cinéma, mais qui depuis une bonne dizaine d’année, ne cesse de régresser en matière de sorties cinéma,  les fans du genre non parisiens n’auront jamais la possibilité de savourer le film dans le seul endroit pour lequel il semble avoir été conçu, à savoir une salle de cinéma. Pour les rares privilégiés dont votre serviteur fait partie, l’occasion unique de voir le film dans une belle salle ne se sera pas fait prier, surtout dans la si belle enceinte du Publicis Cinéma, en haut des Champs Elysées, cinéma en train de se transformer en antre du cinéma Coréen, puisqu’il y abrite également le FFCP (Festival du Film Coréen à Paris) depuis plusieurs années déjà, avec un public toujours plus nombreux, public qui aura d’ailleurs été au rendez-vous pour cette séance, avec une salle bien remplie, ce qui fait évidemment bien plaisir et prouve définitivement qu’un public est bel et bien demandeur de ce cinéma. Petite parenthèse destinée aux parisiens terminée, vous vous demandez sans doute ce que vaut concrètement ce film qui sera dans les bacs dès le 28 mars ? Et bien, pour notre plus grand plaisir, c’est une vraie bonne surprise.

Entraînée depuis l’enfance aux techniques de combat les plus violentes par une agence de renseignement après l’assassinat de son père, Sook-hee est une arme redoutable. Afin de gagner sa liberté, elle est engagée comme agent dormant. Mais un jour, elle va découvrir la vérité sur le meurtre de son père.

Si nous parlons de bonne surprise, alors que tout semblait là sur le papier pour constituer une nouvelle pépite du genre, c’est parce que au-delà des scènes d’action sur lesquelles tout le monde s’accordait à dire qu’elles étaient bel et bien anthologiques, certaines voies s’élevaient pour dire que le scénario ne volait pas beaucoup plus haut qu’une production Europacorp bas de plafond, et que le rythme n’était pas toujours très maîtrisé, impression renforcée par la durée comme toujours avec les Coréens, dépassant les 2h. Impressions dont l’objectivité n’est nullement à remettre en cause, mais que nous pouvons toutefois tempérer sans problème, tant le fait de visionner le film loin du tumulte Cannois permet d’en apprécier les diverses qualités. Certes, le scénario ne brille une fois de plus pas par sa vraisemblance, ni par sa limpidité, et il est permis de s’y perdre un peu dans une narration volontairement alambiquée, sans cesse éclatée par d’incessants flash backs pas toujours amenés de manière très fluide. De plus, les motivations des méchants sont quelques peu nébuleuses, et on est toujours pas certains à l’issue de la projection, d’en avoir saisi tous les tenants et aboutissants. Mais si l’on passe sur ces excès propres au cinéma de genre Coréen, dont on se doute qu’ils ne sont pas perçus de la même façon par le public Coréen, il y a tout de même moyen de prendre un bon gros pied bien primaire devant un récit un peu lâche surtout prétexte à enchaîner les scènes d’action jusqu’à ne plus savoir qu’en faire. C’est cet aspect qui intéresse son metteur en scène, et  à ce niveau, difficile de se dire déçu alors que le maître mot qui semble avoir présidé à leur conception est tout simplement « surenchère ». La scène d’ouverture dont on aura tant parlé est clairement un morceau de bravoure appelé à rentrer dans les annales du genre, tous pays confondus. Véritable déchaînement de violence amené sans préliminaires, l’action prend place dans un couloir où un homme arrive dans le cadre avant de se faire exploser la tête au bout de même pas 10 seconde par un flingue, prélude à 10 minutes d’un massacre ultra violent shooté en un plan séquence numérique trafiqué, quasi intégralement en vue subjective. D’où la comparaison inévitable avec « Hardcore Henry », tentative totalement ratée de film d’action entièrement en vue subjective. La comparaison se fait donc à l’avantage du film présent, qui pousse le concept dans ses derniers retranchements, en faisant éprouver au spectateur une jubilation forcément douteuse car, à ce moment là du film, on n’est pas encore au fait de la raison de tant de violence, et ce sont donc nos plus bas instincts qui se voient flattés. Nous ne pouvons que vous inciter à vous armer de beaucoup de recul pour prendre ce genre de scènes pour ce qu’elles sont, de purs défouloirs prétextes à prouesses techniques. Passé ce moment qui enterre d’emblée toute concurrence et semble avoir été  conçu comme un passeport pour Hollywood, il est permis de douter que le metteur en scène tienne le rythme jusqu’au bout. Et pourtant, malgré les signaux pas rassurants de certaines personnes dans les reports Cannois, il faut bien avouer que le rythme est bien tenu sur les 2 heures de projection, et qu’à aucun moment on ne sent la moindre baisse de régime.

Comme dit plus haut, le récit joue énormément sur les flash backs, justement pour permettre de caser régulièrement des scènes de violence qui font office de scènes d’action, car sans ces divers excès, le scénario tomberait en effet dans la banalité d’une romance un peu niaise, quoique rendue amusante par une ironie autour du double jeu de l’un des personnages, rendant ces moments à l’eau de rose un peu moins sucrés que s’ils avaient été filmés totalement au premier degré.

Ces ruptures de ton sont tout de même toujours assez déstabilisantes pour un public autre que Coréen, car quelle autre cinématographie au monde se permet une telle complaisance sadique dans la violence grand guignol, accumulant les scènes d’exécution si extrêmes qu’elles en deviennent drôles, rapprochant d’ailleurs à certains moments le film des excès Tarantinesques, à des moments tout mignons avec des acteurs tous beaux aux looks de mannequins ? A ce niveau, ce film fait office de véritable maître étalon, et l’on se doute que cela a du jouer dans la non distribution du film dans les salles françaises, en plus de la crainte fondée d’une interdiction aux moins de 16 ans qui nuirait grandement à son exploitation. Mais c’est tout de même dommage que le grand public n’ait pas la possibilité de choisir ce qu’il veut voir, car ce film aurait à n’en pas douter pu trouver son public, vu l’inventivité sans cesse renouvelée dont font preuves ses instigateurs pour en mettre plein la vue. Le climax est à ce niveau un véritable festival de folies démesurées, dont le clou du spectacle sera un énième faux plan séquence truffé de raccords numériques plutôt voyants, débutant  en un combat à la hache aux rebords d’une fenêtre d’immeuble, pour s’achever en combat très gore dans un bus (sic) ! Le tout avec une caméra atteinte de folie furieuse, tournoyant sans cesse autour des personnages, ce qui risque de causer quelques hauts le cœur aux estomacs fragiles, mais sans gêner la lisibilité de l’action, ce qui relève de l’exploit là aussi.

On finira en disant que le casting est aux petits oignons, principalement la comédienne principale, Ok-Bin Kim, dont la prestance force le respect. A noter aussi la présence, comme de coutume dans le cinéma Coréen, d’une petite fille à croquer dont on se dit qu’on aimerait bien la même à la maison, et dont le traitement du personnage est là encore typique d’un cinéma qui ne se pose pas trop de question éthiques, se permettant des choses impensables à Hollywood, ou ailleurs. On espère juste que le cinéaste, quand il sera récupéré par ces derniers, ne perdra pas totalement son âme, et pourra tout de même se lâcher un tout petit peu, sinon autant rester à la maison.

Vous l’aurez compris, ce film réunit tout ce qui fait le charme et la folie d’un certain cinéma Coréen, avec les excès que cela implique, mais pour peu que l’on soit sensible à cette conception unique du cinéma ne cherchant aucunement la demi mesure, il rentrera illico dans les panthéons personnels des meilleurs films d’action modernes, braconnant quelque peu sur les terres du meilleur du cinéma HK des 80’s et 90’s.

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