On a tous quelque chose en nous de Steven Spielberg.

Les paroles chantées par Johnny Hallyday démontrent toute la volonté de ce dossier. Revenir sur notre premier souvenir en tant que cinéphile. Ce souvenir qui a permis la découverte du cinéma d’un homme. Cette volonté de prolonger un film, une filmographie, un travail. Mais surtout ce désir fou de vivre une autre vie, de se plonger à coeur perdu dans l’ailleurs. Ce rêve en nous avec ses mots à lui. On a tous quelque chose en nous de…

Alexandre : 

Il est difficile dans la mémoire du cinéphile de démêler son premier souvenir clair d’un film de Steven Spielberg. Le cinéaste est de celui qui berce de nombreuses enfances et l’on se retrouve rapidement confrontés aux images de ses films avant même de savoir qui il est et quelles ramifications son métier impliquent. Le premier rapport que j’entretiens personnellement à Spielberg est lié à la peur. Je lui dois mes premières images marquantes, de celles qui hantent les nuits (les visages fondus des Aventuriers de l’arche perdue, le cœur arraché du Temple Maudit) et qui empêchent de se baigner pendant deux étés consécutifs (merci Les Dents de la mer). Bien avant de découvrir E.T. (que je rechignais à regarder par peur de trop pleurer devant) ou Il faut sauver le soldat Ryan (que mes parents m’ont interdit de regarder quand il passait à la télé. Le lendemain au collège, la scène du débarquement était de toutes les conversations de la cour de récré). Bien avant de réaliser que cette fameuse scène où un grand type barbu empêchait un type au look d’aventurier de manger une datte empoisonnée avant que la pub sur M6 n’arrive était en fait le même film que celui où les visages des méchants fondent comme neige au soleil, il me semble bien que le premier film de Steven Spielberg que j’ai vu dans son intégralité est Jurassic Park.

Un film vu en douce de mes parents qui, à sept ans, ne m’aurait certainement jamais laissé voir un T-Rex bouffer un type sur des toilettes. Un film découvert en VHS chez un copain dont il a été impossible de décoller. Imaginez un peu, être gosse (et donc éprouver une fascination plus ou moins forte pour les dinosaures) et les voir prendre vie à l’écran, plus vrais que nature. Autant dire que ce fut un choc. Un choc qui m’a totalement fait occulter l’intrigue pour m’intéresser de près à chaque apparition des dinos en question, mi-terrifié par ce que je voyais, mi-fasciné. Impossible d’oublier cette première scène palpitante, cette disparition de la chèvre, ce verre d’eau qui bouge, ce cri perçant dans la nuit, ces raptors dans la cuisine. Le seul point humain du film ayant subsisté dans ma mémoire est le rire de Dennis Nedry ayant joyeusement bloqué son ordinateur et réclamant un mot de passe. Pourquoi ? Comment ? A l’époque, cela importait peu, tout ce qu’il suffisait de savoir c’est qu’il y avait des dinosaures vivants sous mes yeux. C’est aussi ça la magie du cinéma de Steven Spielberg, nous faire croire à l’impossible et émerveiller l’enfant qui sommeille en nous. C’est le seul cinéaste à faire ça avec autant de talent, ne sacrifiant jamais la magie et l’émerveillement au profit de la qualité du spectacle. Bien des années plus tard, j’apprendrais que le type qui avait fait Jurassic Park, ce film m’ayant empêché de dormir pendant quelques nuits, était le même petit filou qui s’était amusé à traumatiser mon enfance avec des images chocs. Aujourd’hui encore, summum du cliché, impossible d’aller me baigner dans l’océan sans penser à ses Dents de la mer. Mais tout est pardonné, monsieur Spielberg, je vous rassure.

Teddy :

J’aurai pu aisément parler du premier Steven Spielberg que j’ai vu (La Couleur Pourpre), ou d’une expérience que je chéris encore aujourd’hui (la ressortie de Jurassic Park mais en 3D). Mais il y a un film du réalisateur qui m’a convaincu de quelque chose. Son film LINCOLN m’a fait comprendre que mon genre favori est le film d’époque, avec quelques autres également (Colonel Blimp de Powell & Pressburger, Lawrence D’arabie de Lean, Voyage Au Bout De L’enfer de Cimino, pour ne citer qu’eux). Ainsi, voir un tel film que LINCOLN dans une salle obscure, fut un pur bonheur. Spielberg a toujours eu une rigueur extrême dans la reconstruction (même avec Cheval De Guerre, je vous assure), et cela se remarque ici dans la délicatesse et l’expressionnisme des décors.

LINCOLN est beaucoup plus qu’un film : c’est à la fois une peinture esthétique très nuancée, mais c’est aussi (presque) un auto-portrait. Daniel Day-Lewis, magistral en Abraham Lincoln, est comme l’alter-ego de Steven Spielberg. Parce que le cinéaste a compris ce qui me tient tant à cœur dans les films d’époques : que la grande Histoire ne peut se raconter qu’en parcourant la petite histoire (intime, le plus souvent) ou en sachant personnifier ses espaces. Steven Spielberg a réussit à employer les deux options. Les espaces sont les ombres et les fantômes des légendes, des enchantements. Puis, la petite histoire n’est autre que celle d’une figure qui doit composer entre son côté humain et son côté super-héros. LINCOLN est bien plus qu’un film politique sur le 16e Président des États-Unis, c’est l’art de construire une fresque à partir de l’intime (comme il l’avait fait avec La Couleur Pourpre).

Mathieu :

Les souvenirs se mélangent un peu à la question  : quel est ton premier souvenir du cinéma de Steven Spielberg  ?

Le souvenir d’une encyclopédie de cinéma m’est rapidement revenu à l’esprit. Une série de livres sur le cinéma signé par Pierre Tchernia en collaboration avec Jean-Claude Romer. Les deux hommes retraçaient les grands genres du cinéma (Western ; Polar ; Fantastique ; Action ; Horreur) en 80 grands succès. Le tout était édité chez Casterman à l’intention du grand public. Idéal pour un jeune cinéphile ayant vu pas mal des films présentés dans les bouquins, notamment les James Bond, Greystoke et d’autres encore. Mais à dévorer chaque semaine les différents tomes, à la bibliothèque puis à la maison, ont permis de me familiariser avec le cinéma, de m’ouvrir et de découvrir certains films que je verrais bien plus tard. Je parle d’Alien, Le Loup-Garou de Londres, Dracula avec Christopher Lee, Les Griffes de la Nuit, Rabbi Jacob ou encore Pirates de Polanski.

Au cœur de ses bouquins, reposait déjà le cinéma de Steven Spielberg. Nous sommes au début des années 1990, Jurassic Park sort à peine sur les écrans. Sur la couverture du livre consacré aux film d’Aventures est judicieusement placée l’affiche d’Indiana Jones et Le Temple Maudit. Je suis à peu de temps de découvrir La Dernière Croisade. Je commence l’apprentissage du cinéma de Steven Spielberg par cette magnifique affiche du Temple Maudit. Je ne sais point encore qu’une trilogie est centrée sur ce personnage. Je connais Allan Quatermain, pas encore Indiana Jones. Ce qui est assez drôle est le fait que je resterais quelques années uniquement sur La Dernière Croisade. La TV, un fameux jour férié, me permettra un jour de découvrir Le Temple Maudit puis Les Aventuriers de l’Arche Perdue.

Indiana Jones fut ma première incursion dans le cinéma de Steven Spielberg. Il y aura plus tard Jurassic Park, Les Dents de la Mer, E.T puis Duel dont un ami avait la VHS. Tous ses films étaient dans les différentes encyclopédies concoctées par Pierre Tchernia et Jean-Claude Romer. Des images accrocheuses ayant permis de rêver les films avant de les voir. Certains dont je n’ai point encore vu malheureusement. Des encyclopédies aux textes simples, pédagogiques donnant cette fervente envie de découvrir les films, de s’ouvrir au cinéma. Ce que je fis au fil du temps tout en repensant à ces différents livres. D’ailleurs, j’en ai retrouvé certains, parfois dans les CDI des collèges et Lycées fréquentés lors de mon adolescence. C’était avec un certain plaisir que je me replongeais à la découverte des différentes images ayant éveillé mon imagination, forgées dans mon esprit des films à découvrir urgemment à l’époque.

Jérémy : 

Quand est venu le sujet de ce dossier à la rédaction, ça m’a poussé à me poser la question de mon rapport au cinéma dans mon enfance. Dans le cinéma comme dans le reste, j’ai finalement très peu de souvenirs nets et précis de ma vie d’avant ma pré-adolescence. Comme beaucoup de gosses comme moi, les parents nous emmenaient voir des Disney et des dessins animés en général. C’est bête, mais un de mes souvenirs les plus marquants est la séance du film Excalibur, l’épée magique de Frederik Du Chau. Pourquoi ? Parce qu’on est arrivé en retard, donc le film avait déjà commencé. Quand on est entré dans la salle, du haut de mes 5 ans, je me suis énervé contre ma mère parce que je détestais ne pas arriver 20 minutes avant le film (alors qu’on habitait à 5 minutes à pied). Ou encore de la première fois que j’ai été voir Harry Potter au cinéma avec mes copains du CM1. Tout ça fait que finalement, le premier Spielberg que je sais avoir vu au cinéma c’est Indiana Jones 4… Oui.

Pourquoi j’aime le cinéma alors que je ne garde que peu de souvenirs des salles obscures dans mon enfance ? La VHS. Les plus jeunes ignorent complètement ce que c’est de nos jours. Mais je dois beaucoup à cette technologie que j’étais capable de faire fonctionner à 3 ans à peine. Chez ma grand-mère, c’était la fête de la VHS, on faisait souvent des copies (l’ancêtre du piratage), je me rappelle de mon oncle qui ramenait souvent des films qu’il avait loués au vidéo-club à côté de son travail. Tout ça pour dire, qu’en dehors des Disney, malgré être né dans les années 90, j’ai grandi avec les films des années 80. Notamment beaucoup de films avec Steven Spielberg en producteur ou producteur délégué. Par exemple, les films signés Robert Zemeckis, notamment Retour vers le futur, Qui veut la peau de Roger Rabbit, Joe Dante et les Gremlins, les Goonies (scénariste) et les Home Alone. De la même manière, les films Fievel et Le Petit Dinosaure de Don Bluth ou encore les Men in Black de Barry Sonnenfield.

Steven Spielberg et le monde du cinéma qui gravite autour de lui ont laissé une grande empreinte chez moi. C’est d’ailleurs la raison de ces mots. C’est dur de choisir le film marquant de Spielberg, entre Indiana Jones, Jurassic Park, E.T., Rencontre du troisième type, Hook, etc. Mais je vais essayer de faire un choix. Je vais vous parler de mon rapport avec Les Dents de la Mer. Quand je l’ai vu, ou plutôt quand ma mère m’a laissé le voir (à 11 ou 12 ans), après des années de rabâchement que ce film l’a empêché de mettre un pied dans l’eau pendant des années, je suis resté en haleine tout le film. Finalement, je l’ai trouvé incroyable, un bon moment de partage de découvrir enfin le film dont ma mère m’avait parlé toutes ces années. Les Dents de la Mer est devenu un de mes films incontournables. Mais la vraie raison pour laquelle je vous parle de ce film, c’est la découverte faite de ce film à mes cousins de 6 et 11 ans l’automne dernier. Projeter un film comme Les Dents de la Mer à quelqu’un qui n’en a jamais entendu parlé, d’autant plus des enfants, c’est comme faire découvrir Star Wars. Même si les effets spéciaux de Bruce (le nom que Spielberg a donné au requin) sont plus que datés aujourd’hui, on peut continuer de voir les émotions qu’il suscite chez les générations suivantes. C’était un autre moment de partage.

C’est un peu ça Spielberg, un monument du cinéma dont les meilleurs films ne perdront jamais de leurs saveurs pour les générations futures et tout ça est distillé dans Ready Player One et ses innombrables références à la pop culture que Spielberg a lui-même participé à créer.

Ghislain :

Hook fait partie de ces quelques cassettes, qui ont passé plus de temps dans le magnétoscope que sur l’étagère. Pas le temps de prendre la poussière pour Peter, le visionnage fini je me faisais ma petite compilation de mes moments préférés, le doigt enfoncé sur la fonction retour arrière le tout à quelques centimètres de l’écran bien sûr, hypnotisé à nouveau par les images qui défilaient à vitesse grand V. Nombres de répliques servies avec cette VF de qualité me hantent encore et les intonations avec (« Le coffre à bobo ! », « -Capitaine une idée vient de me traverser la tête. -Ça doit faire mal. », et naturellement le fameux « en bonne et due forme »).

A cette époque je me moquais bien d’avoir un casting de rêve, bien que la trombine rieuse de Robin Williams me disait déjà vaguement quelque chose cela importait peu, ce qui prévalait avant tout c’était la capacité de conteur de Spielberg. Avec ce récit d’aventure qui réunit tous les ingrédients (et les assemble avec maîtrise), on en oublie le côté « carton-pâte » qui garde son capital sympathie aux yeux des nostalgiques.

Loin des considérations « canon/pas canon » futiles qui font rage sur les réseaux pour la moindre licence, ici j’étais convaincu de détenir, comme si j’étais privilégié, la vraie suite de Peter Pan. Un des premiers films que je me suis approprié, Hook était et est toujours un de « MES » films.

Aymeric : 

Pour beaucoup, Steven Spielberg est un cinéaste synonyme de rêve, d’évasion, de création, d’imaginaire. En plus d’être un réalisateur extrêmement prolifique, on peut noter qu’il fait partie de ceux qui ont sous leurs ailes l’un des plus grands nombres de licences cinématographiques. Tous ses récits d’aventures sont  le signe d’une richesse de narration qui fait leurs sèves. Entre fantastique et science-fiction, on ne sait jamais sur quel pied danser, mais on est le plus souvent totalement ravis. E.T, Hook, Indiana Jones ou encore Jurassic Park, La Guerre des Mondes, A.I.Intelligence Artificielle, Rencontre du Troisième type, ou bien plus récemment encore avec l’entrée du maître dans l’animation pour Tintin ou Le Bon Gros Géant. Mais pour une autre partie de la communauté, c’est un cinéaste engagé sur des questions de fond de notre citoyenneté notamment avec La Liste de Schindler, Munich, Lincoln, Pentagon Papers. Qu’elles soient vraies et dramatiques ou rocambolesques et inattendues, Spielberg aime conter des histoires, et Ready Player One est clairement là pour nous le rappeler (peut-être un peu trop même). Que ce soit durant votre plus jeune enfance, quand vous ne connaissiez pas encore le nom de ce monsieur, mais que vous étiez déjà complètement gaga de ses dinosaures, ou encore ce petit extraterrestre qui vous a ému à vouloir rentrer chez lui. Ou peut-être aussi que c’est à cause de lui aujourd’hui que vous n’aimez pas les requins, ces animaux bien mal perçus alors qu’ils sont moins dangereux pour l’homme que ne le sont les moustiques, mais une chose est sûre, Steven Spielberg a forcément laissé une marque dans votre âme de cinéphile.

Toujours est-il que l’exercice du jour est de parler et de confier notre première expérience de cinéma avec Steven Spielberg. Pour la génération 90’, il y a fort à parier que votre première expérience de cinéma ne soit pas la plus joviale et ce soit déroulé dans la douleur d’un Royaume du Crâne de Cristal. Si c’est le cas, pas d’inquiétude, trichez et optez pour votre première expérience télévisuelle et choisissez en échange votre Indiana Jones préféré. Voilà le tour est joué. Quelle meilleure saga qu’Indiana Jones pour parler d’aventure ? C’est bien simple, le premier volet s’appelle lui-même « Les Aventuriers ». Indiana Jones fait ressortir en nous cet amour de jeunesse de devenir archéologue, de découvrir des objets et une culture désormais disparue. Indiana Jones, c’est aussi l’Histoire avec plus de rythme et de dynamique que notre prof d’histoire/géo. Cette saga est clairement le crédo de tous ceux qui veulent rêver en gardant les pieds sur Terre. Maintenant, il ne reste plus qu’à déterminer lequel des 3 fut le plus marquant. Les Aventuriers de l’Arche Perdue car il symbolise en premier ce que le mot Aventure signifie ou bien pour sa scène absolument excellente d’Indie contre l’épéiste arabe  ? Ou bien Le Temple Maudit, cet enfant non désiré de la part du réalisateur qui apporte pourtant une profondeur marquante pour le personnage ou pour Demi-Lune, cet enfant chiant qu’on adore détester (ou que l’on déteste adorer) ? Mon cœur penchera pour La Dernière Croisade, celui qui propose de belles valeurs de famille et offre un mélange, sinon crédible au moins fascinant, de l’Histoire entre le St-Graal et les nazis. Et puis Indiana Jones c’est tout de même Harrison Ford lors de sa plus belle époque, et ça, ça n’a pas de prix.

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