Crash Test Aglaé : Les voyages forment l’allégresse

Sortie le 2 Août 2017 au cinéma chez nous, la comédie dramatique d’Eric Gravel : Crash Test Aglaé arrive le 7 Mars en DVD et Blu-ray, de quoi, espérons-le, booster la notoriété de cette petite perle.

Aglaé Lanctot (India Hair) travaille, comme le titre l’indique, dans le secteur crash test d’une usine. Elle est « heureuse comme un hamster dans sa roue » comme le résume si bien cette réplique du film. Aglaé a trouvé son équilibre et n’en demande pas plus. Mais c’est sans compter sur la délocalisation de l’usine en Inde, qui fait perdre son emploi à tous ses ouvriers français. Avec ce départ et sa mise en scène froide, on pourrait croire à une énième fresque sociale, qui nous transmettrait péniblement son message étouffé par une concurrence déjà bien installée dans le paysage cinématographique français. Mais la voix-off (Aglaé nous contant son aventure), nous met déjà la puce à l’oreille : le ton sera plus léger, plus doux qu’une simple critique sociale larmoyante. Si celle-ci reste une composante du long métrage, elle ne reste qu’une trame de fond, un élément alimentant le récit avant tout. Et pour cause, Aglaé, à contrepied des attentes du patronat et de ses sbires (qui ne sont crédités que par leur fonctions , comme « la DRH »), décide de partir en Inde parce que rien ne lui convient mieux que son travail actuel. Décision surprenante, d’autant que par un renfort de circonstances, le voyage se fera en voiture et non en avion. Elle sera accompagnée dans ce périple par ses collègues : Liette (Julie Depardieu) et Marcelle (Yolande Moreau, hilarante) motivées par des raisons bien plus triviales que celle d’Aglaé, qui nous poussent naturellement à nous attacher à ce trio de bras cassés atypique et légèrement barré.

Le ton est donné, le road trip se lance avec ses ingrédients habituels : obstacles, détours, rencontres et bien entendu son apport métaphysique sur les voyageurs. Si la formule est habituelle, son exécution est tout à fait délicieuse. Décors colorés, qui nous rappellent parfois Wes Anderson dans leur cadrage millimétré et leur symétrie, situations incongrues confrontées au pragmatisme des trois travailleuses (ce qui ne manque pas de déclencher l’hilarité), sans oublier l’aspect contemplatif de certains plans. Tout cela rend le voyage d’Aglaé unique, malgré un moule commun. La diversité des situations et leur caractère extraordinaire donnent aussi à ce trajet un aspect fantasmé. Un onirisme poétique renforcé par une bande son et une lumière douces, ainsi que par la voix-off qui nous fait toujours part des états d’âme d’Aglaé. Mais ces instants ne font que ponctuer l’aventure, la réalité ne se laisse jamais oublier trop longtemps à nos héroïnes. Toujours là pour ajouter de nouveaux obstacles, ou offrir des solutions en demi-teinte, qui laissent un goût amer. La courte durée du film le confine à enchaîner les événements comme des vignettes, mais loin d’être décousu, le rythme se paie même le luxe de quelques accalmies, pour laisser le temps au spectateur de digérer, avant de repartir de plus belle.

C’est paradoxalement en cherchant à rejoindre par tous les moyens sa zone de confort idéalisée, qu’elle va le mieux en sortir. Poussée par ce désir de retrouver sa situation d’origine, Aglaé remuera ciel et terre sans jamais perdre courage. Mûe par sa détermination simple, elle fera preuve d’une débrouillardise qui ne lui ressemble pas. Fable aussi étrange qu’agréable, réquisitoire pour tous ceux qui agissent quelle que soit leur motivation ou leur nature, Crash Test Aglaé laisse son propos social en trame de fond pour mieux le raccorder à des thématiques plus universelles d’émancipation et de dépassement de soi. Comme le nom du film le suggère, Aglaé devient finalement ce mannequin qu’elle maltraitait dans le cadre de son travail, en éprouvant son être face à l’adversité. Et soutenu par un rythme et une écriture maîtrisé, le film d’Eric Gravel passe lui aussi, le crash test de la rédaction et en ressort comme une exception qu’on aimerait voir plus souvent dans le paysage cinématographique français.

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