Daredevil Saison 1 : on avance à l’aveuglette

Avant-garde de la vague sérielle super héroïque que l’on connaît aujourd’hui, Daredevil ouvrait le bal avant d’être rejoint par ses acolytes de fortune : les Defenders. Mais bien avant que cela n’arrive, il nous faut déjà une origin story. Vite expédiée (enfin on le croit) au début du premier épisode, on suivra donc Matt Murdock, qui perdit la vue en voulant sauver un passant d’un accident de voiture. Sa cécité soudaine, due à des produits chimiques, vient tout de même avec quelques avantages : ses autres sens sont surdéveloppés. Si bien qu’il peut entendre le battement d’un cœur (utile pour savoir si on lui ment) ou une conversation lointaine. Un entraînement drastique et une ellipse plus tard, on se retrouve avec un avocat le jour et un vigilante la nuit. Matt -pas encore nommé Daredevil à ce moment de la série- veille donc à plein temps sur la ville de Hell’s Kitchen en tant que redresseur de torts.

Cette amorce semble, en tout cas sur le papier, avoir un potentiel prometteur. Aux vues des deux premiers épisodes, on oublierait presque que nous sommes en présence d’une production Marvel. On fait alors l’impasse sur le cadre qui peine à se poser lorsque l’on observe des efforts de réalisation lors des scènes de combat. Dire que les chorégraphies sont travaillées tient de l’euphémisme, lorsque l’on voit, entre autres, le fameux « plan séquence » du deuxième épisode où notre héros virevolte entre ses agresseurs dans un couloir exigu (de là à y voir un clin d’œil à Old Boy, il n’y a qu’un pas). Le travail des cascadeurs est impeccable, et il est rafraîchissant de voir ce type de scène dans un produit grand public. Mais, c’est malheureusement là tout ce qui sonne juste dans ces treize premiers épisodes.

Si l’action et son traitement constituent le point fort de la série, ce qui l’enrobe l’est nettement moins et sera vite perçu comme un obstacle dispensable avant l’arrivée de la prochaine bagarre. Le rythme souffre en effet de nombreux ventres mous qui aboutissent à une accélération maladroite des événements en fin de saison. Hors des combats, on a le droit à moultes origin stories superflues et prévisibles (la bromance entre Matt et Foggy en tête) et des dialogues fades déclamés par des personnages-fonctions qui laissent peu de place au jeu des acteurs à une ou deux exceptions près. On passe dans ce cas d’un extrême à l’autre : si les alliés sont vite oubliables, les opposants sombrent eux, dans la caricature pour le meilleur et pour le pire. On tente alors d’oublier les russes tout droit sortis d’un Guy Ritchie pour s’attarder sur Wilson Fisk, le Kingpin pour les fans du comic, qui vole bien vite la vedette à notre héros aveugle, à l’instar de Kilgrave dans Jessica Jones. Notre Batman du pauvre, qui se la joue vengeur de la nuit à grand renfort d’interrogatoires musclés, supportés par une voix gutturale, ne nous inquiète jamais. Les menaces ne pèsent pas directement sur lui, ce qui lui donne un aspect lisse que la série essaie tant bien que mal d’érafler. Mais force est de constater qu’il fait bien pâle figure à côté de son ennemi. Entouré de mystère le temps des premiers épisodes, atteint du complexe de Voldemort (on ne doit pas prononcer son nom), on se retrouvera avec une boule de nerf massive et ultra violente. De par son désir de faire de Hell’s Kitchen un monde meilleur, il s’inscrit comme un reflet du héros, mû par les mêmes motivations, mais dont les moyens sont moins nobles. Il est d’ailleurs dommage de noter qu’on insiste réellement sur la ville que dans les dialogues, alors que la mise en scène ne nous délivre que des emplacements lambdas (bureaux, ruelles sombres, entrepôts et toute la panoplie du film noir) sans jamais les iconiser. Ce ne sont pas les quelques néons et la photo un brin m’as-tu-vue qui iront contredire cela.

La place accordée à l’antagoniste tient de la bonne idée alors que, dénué de pouvoirs surnaturels, il semble tenir tout le monde en respect. Son agressivité quasi pathologique, en plus de le caractériser, noircit le ton de la série dans le bon sens. Malgré cela et quelques bonnes idées (son histoire avec Vanessa), le personnage sombre bien vite dans des justifications qui tiennent plus de la zététique de réseaux sociaux que de la vraie philosophie, la crédibilité en prend un coup. Ne restent alors, au milieu de la guéguerre des truands, que quelques personnages un peu fantasques pour nous marquer, un maître Miyagi grincheux par-ci, un miscast des ninjas de Mortal Kombat par-là.

En dépit de tout, ces derniers ne sont là que pour poser des éléments d’un récit plus lointain, se moquant de faire avancer l’intrigue présente, une coutume récurrente chez Marvel. La politique du teasing du studio fait à nouveau des siennes, on nous prépare toujours le terrain pour le prochain film, la prochaine saison. « Vous verrez la prochaine fois ça va être encore mieux » nous déclarent-ils à grands renforts de clins d’œil aux fans de la première heure qu’on ne voudrait pas laisser orphelins. Difficile de croire ces promesses quand on voit que notre diable rouge n’ose pas grand-chose et se fait plutôt moribond.

 

 

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