Pete Walker : Anarchy in the UK

Les méandres sinueux de la cinéphilie nous emmènent parfois en territoire inconnu. Jusqu’à présent, personne à la rédaction de Close-Up Magazine n’avait entendu parler de Pete Walker. Il a fallu attendre les éditions en combo Blu-ray/DVD de Flagellations et Mortelles Confessions chez Artus Films, combinées à celle de Frightmare chez Uncut Movies attendue en avril prochain pour que l’on s’intéresse au bonhomme avec une certaine délectation. Car Pete Walker, qu’est-ce que c’est ? Des jeunes femmes dénudées, des méchants mémorables, des institutions rigides au bord de la folie ? Certes mais il faut tout de même creuser plus loin pour essayer de comprendre le cinéaste.

Encore vivant aujourd’hui, né en 1939, Pete Walker a eu une carrière singulière dans l’Angleterre des années 70. Cinéaste farouchement indépendant, il tenait à produire ses films lui-même pour s’assurer une liberté totale sur ses tournages. Une liberté que les studios ne lui aurait effectivement jamais octroyée, il suffit de voir un seul de ses films pour s’en apercevoir !

S’il a commencé à la fin des années 60 avec des films de sexploitation (dont le bien nommé L’école du sexe en 1969 ou encore Four Dimensions of Greta en 3D !) et des comédies volontiers fantaisistes (Tiffany Jones, adaptation d’un comics trip racontant les péripéties d’une mannequin également agent secret !), Walker n’a pas tardé à afficher sa passion pour le thriller à tendance horrifique dès 1971 avec Man of Violence et Meurs en hurlant, Marianne. Dans ce dernier, l’actrice Susan George, violentée la même année dans Les Chiens de paille de Sam Peckinpah, interprète une héritière que de nombreuses personnes, y compris son père, veulent voir mortes. Pete Walker se montre d’ailleurs aussi à l’aise dans le domaine du thriller qu’il l’était sur ses comédies de sexploitation. Dès lors, Walker va rester orienté dans le genre.

Meurs en hurlant, Marianne

Grand admirateur d’Alfred Hitchcock (les références à Psychose sont nombreuses dans ses films), Pete Walker amène l’horreur britannique loin du gothique de la Hammer, dans une dimension plus réaliste et largement ancrée dans sa société. S’il s’est toujours défendu de faire de la politique à travers ses films, Walker a volontiers reconnu que son but était de choquer, de créer  »a bit of mischief » comme il le dit lui-même. Seulement, loin d’aller vers le choc pur et dur, Walker ne manque jamais de glisser çà et là plusieurs remarques sur la société qu’il observe et qui traverse de nombreux changements dans les années 70. Dans ses films, le cinéaste oppose souvent deux grandes figures : la jeunesse, insouciante, innocente et écervelée (souvent des femmes) face aux institutions, à leur rigueur morale et aux fous qui se cachent parmi elles. Ainsi ses méchants sont souvent des êtres pervertis par une institution : le père de Marianne dans Meurs en hurlant, Marianne est un juge corrompu, les bonnes femmes tenant la prison particulière de Flagellations sont d’anciennes gardiennes/directrices de prison et le prêtre de Mortelles Confessions commet des meurtres à l’encensoir et à l’hostie… Tout un programme dévoilant le plus grand paradoxe de Walker que David Didelot, nous offrant une heure de bonus sur le cinéaste sur le Blu-ray de Flagellations, définit comme un anarchiste de droite.

Frightmare

En effet, Pete Walker n’offre que peu d’empathie pour ses victimes dans la plupart de ses films. Nunuches (Flagellations) aux mœurs légères (Mortelles confessions), ce sont des femmes qui n’ont souvent pour elle que leur physique qui vient d’ailleurs leur attirer des ennuis. S’il met en scène des institutions à la rigidité si rêche qu’elles rendent folles ceux qui travaillent pour elles, Walker montre beaucoup plus de sympathie pour ses personnages de méchants, quand bien même ils sont cannibales comme dans Frightmare ! Souvent, le cinéaste s’attarde bien volontiers sur eux, tâchant de nous expliquer les raisons de leur folie et de leur basculement. Difficile de ne pas s’attacher au vieux juge aveugle de Flagellations, dupé par sa femme autoritaire, elle-même en proie à une étrange relation avec son fils. Même les personnages commettant des actes impardonnables, Walker leur offre une porte de sortie, les montrant s’enfoncer dans la folie tout en nous expliquant pourquoi. On a beau être horrifié par les actes du père Meldrum dans Mortelles confessions ou par ceux de Dorothy Yates (Sheila Keith, actrice fétiche du cinéaste) dans Frightmare, force est de reconnaître que Walker les fait sentir plus proches de nous que ne le sont ses héroïnes !

Cela crée évidemment une sensation étrange devant ses films, en particulier ceux écrits par le scénariste David McGillivray (Flagellations, Frightmare, Mortelles Confessions, Schizo), clairement représentatifs de la meilleure période du cinéaste. Difficile de savoir où celui-ci se place vraiment, dénigrant à la fois ses victimes et ses bourreaux tout en affichant une affection certaine pour ses bourreaux… C’est pourtant l’une des forces de son cinéma, défiant nos attentes et nos convictions pour mieux nous offrir de mémorables virées dans des psychés infernales, venant nous secouer et nous mettre face à nos propres démons.

Le Manoir de la peur

Son dernier film à ce jour, réalisé en 1983 et intitulé Le Manoir de la peur n’a pas du tout la même force ambiguë et troublante. Avec son casting réunissant Vincent Price, Christopher Lee, Peter Cushing et John Carradine, il mérite pourtant largement qu’on s’y attarde même si Walker a ici troqué sa méchanceté et son goût de la provocation au profit d’une mise en scène plus classique et raffinée.

Remercions en tout cas Artus Films d’avoir ressorti dans de très belles éditions Flagellations et Mortelles Confessions permettant de lever le voile sur un cinéaste iconoclaste qui mériterait certainement plus d’attention…

 

 

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