Flagellations : Prison de femmes en furie

Autant l’avouer d’emblée, nous n’avions jamais entendu parler de Pete Walker avant qu’Artus Films ne se décide à éditer deux films du réalisateur joyeusement intitulés Flagellations et Mortelles confessions. Avant de se pencher sérieusement sur le réalisateur, un titre comme Flagellations avec sa jaquette sur laquelle on pouvait voir une pauvre femme légèrement vêtue hurler devant un fouet, nous a fait sérieusement rêver. On s’imaginait un film datant des années 70 (1974 pour être précis) avec ce qu’il fallait de femmes dénudées et de sévices pour nous faire passer un sacré bon moment de cinéma bis. On n’est pas tombés loin mais Flagellations est tout de même plus complexe que ça.

Disponible, avec son compère Mortelles confessions, en combo Blu-ray / DVD chez Artus Films depuis le 6 mars, Flagellations nous a donc fait découvrir le monde fou de Pete Walker. Et si la jaquette et le titre promettait une chose, Walker nous aura surpris entre temps, son film s’assumant certes comme un pur produit bis avec juste ce qu’il faut de nudité et de sadisme pour rentrer dans les codes du genre mais loin d’être aussi érotico-sadique qu’on aurait pu le croire.

Flagellations nous conte l’histoire de Ann-Marie, une jeune mannequin aux mœurs légères (et française, tiens donc !) qui se fait repérer par le ténébreux Mark dans une soirée. Naïvement elle accepte de l’accompagner en week-end afin qu’il lui présente ses parents. Elle ne sera pas déçue du voyage ! Sans crier gare, la voilà qui se retrouve enfermée dans une prison privée tenue par un couple sacrément dérangé. Une ancienne directrice de prison, virée pour avoir harcelé une détenue s’étant suicidée et son mari, un ancien juge, désormais sénile et aveugle. Le couple a décidé de racheter une vieille prison pour y enfermer des femmes qu’ils trouvent coupables de certaines légèretés. Aidée par un duo de gardiennes, Madame Wakehurst, la directrice, y fait régner la terreur, cachant même à son mari qu’elle se permet de temps en temps une petite exécution ! Ann-Marie va devoir s’échapper de cet enfer…

Tout un programme donc, sacrément transgressif et représentatif du cinéma d’horreur anglais des années 70 qui se plaît à verser dans le social. Walker d’ailleurs n’aimait pas le terme d’horreur et y préférait le mot shocker. Le but n’est pas tant de terroriser le spectateur mais de le choquer, de le remuer. Pour faire cela en toute liberté, le cinéaste faisait ses films de son côté, loin des studios, avec moins de budget mais plus de libertés. Plus intéressant et plus trouble encore est le rapport que Pete Walker entretient face à son film. Il y oppose bourreaux et victimes avec des caractéristiques bien reconnaissables. Les bourreaux sont sadiques et représentent les institutions (ici la justice et la prison) même ils n’en sont que des parodies. Ce sont des personnes froides, sèches et des femmes d’ailleurs. Le pauvre juge Bailey, à peine conscient de ce qu’il se passe dans la prison, est loin des figures terrifiantes que sont Madame Wakehurst et ses deux cerbères qu’elle emploie en tant que gardiennes. Du côté des victimes, ce sont aussi des femmes. Notons que dans Flagellations, les hommes sont plus faibles et moins représentés. Mais les victimes, si elles sont injustement enlevées, séquestrées et torturées, apparaissent vite comme des nunuches qui n’ont pour elle que leur physique. Le jeu de la superbe Penny Irving  et l’écriture du personnage d’Ann-Marie viennent renforcer cette impression. Pour Pete Walker, la jeunesse n’a pour elle que sa liberté, son insouciance et son physique avantageux, rien d’autre. Il faut voir la facilité avec laquelle Ann-Marie tombe dans le piège tendu par Mark pour comprendre qu’elle n’a pas inventé l’eau chaude. Et se dire au passage que Pete Walker joue sur plusieurs tableaux.

David Didelot le dit lui-même dans le passionnant bonus accompagnant l’édition vidéo du film, Pete Walker peut être considéré comme un anarchiste de droite. Un homme qui se méfie des institutions, qui ne les aime pas mais qui n’est pas forcément contre une certaine forme de rigueur çà et là. Flagellations s’ouvre d’ailleurs sur un mot assez étonnant : ‘’Ce film est dédié à ceux que le relâchement des codes moraux actuels inquiète et qui attendent impatiemment le retour du châtiment corporel et de la peine de mort…’’ Une touche d’ironie certes mais dont on retrouve le paradoxe tout au long du film. Quand on sait qu’une des gardiennes sadiques de la prison s’appelle Walker (quand l’autre s’appelle Bates en hommage à Psychose), on peut se laisser à quelques interprétations savoureuses et complexes. De quoi nous donner du grain à moudre devant un film complexe, audacieux et parfois paradoxal tant on peine à en saisir la véritable position. Qu’importe car Walker a réussi son coup : nous choquer et nous déranger. C’est sincèrement ce qu’on attendait.

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