Pour toi j’ai tué : Attraction fatale

Tant qu’Elephant Films continuera d’éditer des petites perles que l’on attendait (ou pas d’ailleurs), on se penchera sur les titres qu’ils proposent avec une avidité de cinéphile toujours aussi grande. Depuis le 6 février dernier, l’éditeur a cette fois-ci sorti de sa manche Pour toi j’ai tué et Espions sur la Tamise. Deux films noirs, pas forcément les plus connus du genre mais deux films qui méritent amplement qu’on s’attarde dessus.

Des deux titres proposés, Pour toi j’ai tué est certainement celui qui a meilleure réputation. On le montre en école de cinéma et il reforme le tandem Robert Siodmak – Burt Lancaster qui a marqué le genre du film noir au fer rouge avec Les Tueurs. Deux ans plus tard, en 1948, ils récidivent. Il faut dire que Lancaster a eu son tout premier rôle dans Les Tueurs et qu’il doit les débuts de sa carrière à Siodmak. Pas beaucoup d’hésitation donc au moment de faire Pour toi j’ai tué (Criss Cross en anglais), adapté par Daniel Fuchs d’un roman de Don Tracy. On prend les ingrédients habituels (un type solitaire et fataliste au destin tragique, une femme fatale, un flash-back, un casse qui tourne mal) et c’est donc parti pour un tour.

Le film nous conte l’histoire de Steve Thompson. Après deux ans d’absence de sa ville natale, il revient auprès de sa famille pour travailler en tant que convoyeur de fonds. Ayant été rendu misérable à cause de son divorce avec la belle Anna, il ne peut se résoudre à l’oublier. Cette femme, il l’a dans la peau et très vite, il se retrouve à la chercher, agissant contre la raison. Quand il la retrouve, les deux amants ne tardent pas à se tomber dans les bras. Mais Anna doit épouser Slim Dundee, un truand au mauvais caractère. Quand Dundee surprend les deux amants ensemble, Steve s’en sort avec une pirouette et propose à Dundee un braquage. Puisqu’il travaille comme convoyeur de fonds, ça ne devrait pas être très compliqué. Mais évidemment, tout ne se passe pas comme prévu…

La force du film, c’est qu’il surprend encore aujourd’hui malgré sa recette vue et revue. Pour toi j’ai tué joue constamment sur une certaine ambiguïté des personnages et repose énormément sur la poisse cumulée par Steve, incarné avec flamboyance par Burt Lancaster. Car contrairement à d’autres héros de films noirs, Steve n’est pas un gros dur. C’est un romantique qui a le malheur d’aimer la mauvaise personne. Le braquage, il le propose seulement pour sauver sa peau et celle d’Anna. Il y voit ensuite l’occasion de s’enfuir avec elle sans jamais se douter des préoccupations de son ex-femme, totalement égoïste. Yvonne De Carlo est d’ailleurs magnifique dans le rôle. Un rôle trouble dont on n’arrive jamais à saisir toute la complexité excepté dans la scène de fin où elle se révèle terrible. Une femme fatale de haut vol, capable de tenir tête à Ava Gardner, pourtant au sommet de sa sensualité dans Les Tueurs.

Sans cesse surprenant, réalisé avec style par Robert Siodmak (la dernière séquence est sublime, celle du braquage d’anthologie), Pour toi j’ai tué se joue de son personnage principal pour mieux montrer les trahisons et les revirements de situation découlant de ses décisions. Le scénario, forcément implacable, ne manque pas de piquant et réserve de beaux moments, habilement dialogués. De quoi s’inscrire dans la liste des films noirs incontournables et qui marquera plus d’un cinéphile, à commencer par Steven Soderbergh qui en réalisera un remake en 1995…

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