Le Jeune Karl Marx : Manque encore d’expérience

Comme son nom l’indique si bien, Le Jeune Karl Marx est un film qui tend à raconter une partie de la jeunesse de Karl Marx, avant sa popularité, ce qui l’a rendu célèbre, comment il rencontra ses principaux collaborateurs etc. Cela fait donc un film biographique, qui cherche à raconter un passage de la vie d’une personnalité ayant réellement existé et aussi fidèlement que possible. Enfin on suppose. Car même lorsqu’on connaît parfaitement les événements, il y a toujours une part d’interprétation ou d’embellissement des faits. Le contexte du film est d’autant plus sensible qu’il touche à la politique et à sa conception même. Et chacun le sait, lorsqu’un sujet devient politique, la discussion ne se termine jamais vraiment dans la bonne humeur. Pourtant, c’est un sujet on ne peut plus actuel, entre l’élection de Trump qui pourrait mettre à mal une grande partie des droits et libertés pour lesquels des hommes et femmes ce sont battus, et le nombre encore impressionnant de pays où les citoyens ont des conditions de vie abominables, il apparaît presque capital d’aborder les bienfaits de cet homme et de ses idées sur la société.

Malheureusement le sujet est beaucoup trop vaste pour ce que souhaite réaliser le cinéaste. Ce dernier se concentre essentiellement sur l’aspect humain de la personnalité et moins sur les modes de pensée de l’époque. Le Jeune Karl Marx se rapprocherait donc beaucoup plus d’un film comme Life qui s’attarde sur la relation entre les personnages plutôt que ce qui fait vraiment leur force et leur popularité. Nous sommes à l’aube d’une révolte, les citoyens perdent patience, leurs libertés sont de plus en plus bafouées et on leur offre de moins en moins de considération mais en dehors de 3 pelés et 4 tondus qui gueulent un peu dès que leur interlocuteur a parlé un peu fort, on ne ressent jamais vraiment cette tension qui devrait pourtant être palpable. Même la scène d’intro qui montre un véritable ras le bol généralisé et promet une puissante conclusion ne s’avère que retranscrire une réalité aussi dure que pitoyable.

Le film manque cruellement d’envergure, pas d’ambition car son propos est édifiant, mais l’histoire se contente plus de relater que d’émouvoir. Les événements semblent être retranscris avec une importante justesse, comme si le but n’était pas de faire prendre conscience aux gens de l’état dans lequel ils sont mais simplement de délivrer des faits, comme le ferait une documentaire scénarisé. Nous sommes très très loin d’un V pour Vendetta qui se servait justement d’un élément historique pour développer toute une histoire exagérée autour d’une volonté bien présente et très forte de rendre compte au spectateur, non seulement du monde dans lequel il vit, mais surtout dans lequel il s’enferme lui-même. L’exercice n’est pas facile, c’est un fait. Il y a toute la reconstitution historique à faire, la caractérisation des personnages et la mise en place d’une institution politique de l’époque pour essayer de rattacher le spectateur à la situation. Malheureusement, en s’attardent peut-être un peu trop sur les relations et la psychologie des personnages, on en délaissé quelque peu le fond de l’histoire. C’est dommage, car c’est précisément le fond qui aurait modelé la forme, en se concentrant sur les enjeux, les psychologies et relations se seraient développées d’elles-mêmes.

Clairement, dans sa forme le film est très intéressant. Visuellement convaincant et prenant le temps de bien expliquer les choses, on se raccroche malgré tout facilement à tout un pan de l’histoire que Raoul Peck nous raconte. On y comprend les rouages de l’époque, la manière dont la presse agissait etc. Mais sur le fond il subsiste un gouffre qui peine à trouver ses marques. On s’ennuie petit à petit, on ne ressent pas vraiment le poids des actions sur la société, on ne tremble pas avec les protagonistes lorsqu’ils sont acculés, dos au mur ou lorsque les événements les assaillent de plein fouet. On ne crains pas pour leur situation, on ne se sent pas investi plus que ça par leur mission. La faute certainement à un jeu un peu trop théâtral qui dénature rapidement les scènes du film et surtout à des dialogues un peu aléatoires, pas toujours très justes. Les discours galvanisants par exemple ressortent assez fades quand on devrait toujours vouloir donner sa vie pour le Rohan après de tels discours !

Quoiqu’il en soit l’exercice était assez dur et ce n’est qu’un demi échec car les propos du film ne sont pas vide de sens ni transparents, ils manquent juste un peu d’ampleur. On espère que Le Jeune Karl Marx marquera surtout le début d’une lignée de différents scénarios traitant de cette histoire. En attendant, on se contentera de ce léger amuse bouche

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