Moi, Tonya : Coups bas et triple axel

Décidément l’Amérique a eu son lot de faits divers et de scandales en 1994 ! Avant l’affaire O.J. Simpson, il y eut l’affaire Tonya Harding qui chamboula l’univers sportif et le milieu du patinage artistique. En effet, Tonya Harding, première patineuse américaine à avoir réalisé un triple axel, s’est vue accusée d’avoir planifié l’agression de Nancy Kerrigan en janvier 1994. Kerrigan, rivale de Harding et concurrente pour les JO d’hiver a en effet été agressée, frappée au genou par une barre de fer. L’affaire a fait grand bruit mais Kerrigan a néanmoins pu concourir aux JO, finissant deuxième tandis que Tonya Harding finissait huitième. Pendant ce temps, son mari et un de ses amis se retrouvaient impliqués et Harding, sachant que son mari avait prévu de menacer Kerrigan (sans pour autant qu’il ait été prévu que ça devienne physique) s’est vue bannir à vie de la fédération américaine de patinage.

Moi, Tonya entreprend donc de revenir sur cette histoire qui fit de Tonya Harding la femme la plus détestée d’Amérique (après avoir été la plus aimée pour son triple axel en 1991). Réalisé par Craig Gillepsie (The Finest Hours), le film décide de jouer la carte de l’humour et de briser le quatrième mur, permettant à chacun des protagonistes de l’histoire s’exprimer. Et ce que l’on comprend très vite, c’est que si Tonya Harding ne manque pas de défauts (elle se trouve toujours des excuses pour justifier ce qui lui arrive et est carrément vulgaire), elle n’a vraiment pas été aidée par son entourage qui l’a condamné à ce destin assez sordide.

Au final, Tonya Harding, est ce que l’on pourrait appeler une victime des circonstances qui n’a jamais pu exploiter le meilleur de son talent pour le patinage, sa vie étant rapidement brimée par des êtres violents, incapables d’aimer et totalement stupides. Il y a d’abord eu sa mère, fumeuse vulgaire et invétérée qui n’a jamais démontré la moindre once d’amour à sa fille, préférant la gifler et lui balancer des mots blessants pour qu’elle puisse ‘’donner le meilleur d’elle-même sur la glace’’. Puis il y a eu Jeff, un mari un peu bêta qui s’est avéré aussi brutal que sa mère, empoisonnant la vie de Tonya qui fut coincée dans cette relation malsaine. Si l’on rajoute Shawn, l’ami de Jeff mythomane compulsif et abruti total responsable du dérapage de cette affaire ainsi que le mépris des juges du patinage pour une Tonya Harding aussi méritante que les autres sur la glace mais moins riche, moins élégante, moins jeune femme modèle que les autres, on ne peut pas vraiment dire que Tonya Harding ait vraiment été aidée. S’il ne la pose pas non plus en victime, le film entreprend de démontrer le terrible engrenage que peut devenir une vie quand elle est entourée d’êtres négatifs auxquels on s’attache stupidement. Une vie gâchée, un talent fou jamais vraiment reconnu, sans cesse entaché par une agression qui aurait pu être évitée.

Comme le dit Tonya Harding dans le film, le monde entier a compatit avec Nancy Kerrigan parce qu’elle pleurnichait pour une blessure au genou tandis qu’elle, depuis son enfance, n’avait connu que les coups sans jamais se laisser aller. Forcément vu comme ça, l’histoire se voit sous un autre angle même si elle n’excuse pas Tonya. Le récit, souhaitant amasser plusieurs points de vue sur une affaire dont on ne saura jamais vraiment la vérité, est fort agréable à suivre, mené avec une belle énergie de mise en scène se décuplant dès qu’elle filme Harding sur la glace. Margot Robbie, qui s’est entraînée à fond pour le rôle (mais qui n’a pas réalisé le triple axel sur la glace, comme quoi même elle n’est pas parfaite) confirme avec son personnage de redneck vulgaire, malchanceuse et attachante, tout le bien qu’on pensait d’elle, l’actrice se montrant une fois de plus capable de se fondre derrière des personnages pétris de défauts dans lesquels on peut tout de même se reconnaître. Si Allison Janney compose avec délice un personnage de mère absolument terrifiante, c’est cependant Sebastian Stan qui sort du lot. L’acteur, cantonné au rôle un peu fadasse de Bucky Barnes dans l’univers du MCU, déploie ici un charisme d’autant plus singulier qu’il compose là un vrai personnage de loser, un raté violent qui n’a jamais rien su faire de sa vie.

C’est d’ailleurs grâce à ce jeu d’acteurs particulièrement soigné (et à sa bande-originale joliment choisie) que Moi, Tonya nous accroche le plus. Si le scénario pèche sur le derniers tiers à cause de quelques longueurs, force est de reconnaître qu’il dévoile néanmoins une galerie de personnages tout à fait délicieuses, chacun étant croqués avec malice dans toute leur bêtise et, en même temps, dans tout ce qu’ils ont de plus attachants. Ce serait dommage de se priver de ça.

 

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