A Fuller Life : Itinéraire d’un franc-tireur.

Cinéaste iconoclaste et franc-tireur, indissociable des cigares qu’il fumait en permanence, Samuel Fuller a eu une vie incroyablement riche, si riche que sa vision du monde, son sens du détail et sa compréhension de l’être humain dans tout son cynisme ont nourri une sacrée flopée de chefs-d ’œuvres avec une vision implacable comme on a rarement vu dans le cinéma américain (Le port de la drogue, Shock Corridor, Au-delà de la gloire, Dressé pour tuer, The Naked Kiss – Policé Spéciale, Underworld USA – les bas-fonds new yorkais).

Logique donc qu’un documentaire sur ce cinéaste frondeur ait fini par voir le jour. Réalisé en 2013 mais débarqué seulement chez nous en Blu-ray et DVD depuis le 3 janvier grâce à l’initiative de Carlotta Films, A Fuller Life est d’autant plus proche de Samuel Fuller qu’il est réalisé par sa fille Samantha. L’occasion d’une véritable plongée intime et inédite dans le monde et la vie de Samuel Fuller ? Oui et non.

Au-delà de la gloire (1980)

Oui car Samantha Fuller a retrouvé des images d’archives que son père a tourné alors qu’il était dans l’infanterie américaine pendant la deuxième guerre mondiale. Il est en effet le seul réalisateur à avoir reconstitué le Débarquement de Normandie dans une fiction (dans son très grand film Au-delà de la gloire, nourri de son parcours durant la guerre) tout en y ayant participé. Les images d’archives que nous délivre le film sont donc d’une rareté particulièrement précieuse, donnant un aperçu de ce qu’était la vie d’un soldat d’infanterie en 1944. Journaliste d’investigation dès son plus jeune âge, Fuller a parcouru l’Amérique durant la Grande Dépression avant de s’engager dans l’armée. Quand on lui propose un poste plutôt tranquille, Fuller réclame de l’action et se retrouve en première ligne d’un conflit brutal. Il découvrit également un camp de concentration et sa cruelle réalité (chose retransmise encore une fois dans Au-delà de la gloire) avant de revenir à Hollywood se lancer dans une carrière florissante, refusant les compromis, délivrant des films d’une audace incroyable.

Seulement voilà, A Fuller Life, en dehors des archives personnelles de Fuller, se contente du strict minimum pour nous raconter la vie du cinéaste. Si Samantha Fuller fait appel à une foule d’intervenants dont plusieurs d’entre eux ayant côtoyé Fuller de façon professionnelle (Mark Hamill, Robert Carradine, Wim Wenders, Bill Duke, Constance Towers), c’est seulement pour leur faire lire des extraits de l’autobiographie de son père. On a donc un petit aperçu de ce que fût la vie de Samuel Fuller à travers ces témoignages mais la frustration est grande de ne pas en savoir plus, de ne pas avoir autre chose que le point de vue de Fuller sur lui-même.

Wim Wenders, cigare au bec, lisant avec délectation l’un des extraits de l’autobiographie de Fuller

Certes, les extraits lus permettent de mettre en lumière les parallèles entre la carrière de cinéaste de Fuller et la vie qu’il a mené avant, éclairant son sens du détail sur le monde policier, le milieu journalistique et son admiration pour l’infanterie. Ils permettent aussi de laisser apercevoir un type sacrément lucide, toujours décidé à faire ce qu’il voulait comme il l’entendait sans se laisser emmerder. Mais au final A Fuller Life, s’il éclaire gentiment notre lanterne de cinéphile, manque de consistance. On aurait voulu un documentaire plus dense et plus fouillé là où l’on se retrouve avec une œuvre donnant simplement l’envie furieuse de lire nous-mêmes l’autobiographie de Fuller tout en se replongeant dans son œuvre. C’est déjà ça, me direz-vous.

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