Coffret Cauchemars de la Hammer : Laissez vous prendre dans ses griffes

Introduction – La Hammer

Hammer Production voit le jour en 1934, fondée par Williams Hinds, bijoutier et acteur amateur. En 1935, avec l’aide de Enrique Carreras, un directeur de salles de cinéma, ils fondent la société de distribution Exclusive qui distribue les films de la Hammer. De nos jours, la Hammer est connue pour les films issus de son âge d’or s’étendant du milieu des années 50 à la fin des années 60. En effet, avec leurs principaux succès dans le gothique, les studios déclinent avec l’arrivée de productions fantastiques ancrées dans le réel. On pense notamment à La Nuit des morts-vivants de Romero en 1969 ou à l’Exorciste en 1973. Le style de la Hammer comme on la connaissait s’essouffle rapidement et reste amoindri durant les années 70. Malgré un espoir dans les années 80 avec les productions télévisuelles La Maison de tous les cauchemars et Histoires Singulières, la « patte Hammer » s’éteint au même moment que Peter Cushing en 1994 après la réunion de ce dernier et de Christopher Lee pour la narration d’un documentaire sur la Hammer.

Finalement, dans les années 2000 le producteur John de Mol fait l’acquisition de ce qu’il reste de la Hammer, donc des droits d’exploitation. Il annonce également la remise en marche de la machine et son retour sur le marché du cinéma et de la vidéo. John de Mol tiendra des promesses avec la sortie en 2012 de La Dame en Noir avec Daniel Radcliffe et de sa suite sortie en 2014. Tout ceci pour aboutir à la sortie du coffret Les Cauchemars de la Hammer chez Elephant Films que vous avez pu voir figurer sur notre liste de Noël.

I ) Terence Fisher, les fondations de la maison Hammer

Terence Fisher est né en 1904 et est mort en 1980. Il est célèbre principalement pour son travail pour la Hammer. Il en est même la clé de voûte de son âge d’or avec des films comme Frankenstein s’est échappé et le Cauchemar de Dracula, révélant ces monstres du cinéma que sont Christopher Lee et Peter Cushing. Mais aussi Le Chien des Baskerville, peut-être le film le plus facilement exporté vers les publics de tout horizon, puisqu’il reprend une des plus célèbres aventures de Sherlock Holmes. Le travail de Terence Fisher dans le fantastique a aussi influencé le genre entier à la fois dans l’esthétisme mais aussi sur l’atmosphère gothique. Il a ainsi eu un grand impact sur la mythologie du comte Dracula avec une nature sauvage et violente exprimée en chair et en sang par le talent de Christopher Lee. On trouvera même dans ses films de vampires une dimension érotique inédite. Ce qui nous amène au premier film de ce coffret.

A ) Les Maîtresses de Dracula

Ce film sorti en 1960 se trouve être la suite chronologique du Cauchemar de Dracula. Mais exit le comte Dracula, nous sommes maintenant face au baron Meinster. Nous sommes en Transylvanie, Marianne Danielle est une jeune institutrice en route pour occuper un emploi dans un pensionnat de jeunes filles. En chemin, elle est abandonnée sur la route par son cocher dans un village surplombé par le château du baron Meinster. Après avoir ignoré les avertissements donnés par les locaux sur le village et ses alentours, elle accepte l’offre de la baronne Meinster de passer la nuit dans son château. Arrivée au château, elle découvre que la fenêtre de sa chambre donne sur le balcon du fils de la baronne. Un homme soit-disant fou qui doit être gardé prisonnier pour sa sécurité et pour celle du reste du monde. Malgré les avertissements de la baronne cette fois, Marianne décide d’aller délivrer le baron Meinster de sa prison. S’en suit le reste de ce film de vampire, deuxième volet du cycle Dracula, ou plutôt cycle Van Helsing. Puisque avec ce film, Van Helsing passe d’un personnage fonctionnel, dont l’existence ne sert que le propos du Bien contre le Mal à une entité mythologique à qui on donne un historique et des actes de bravoures qui ne peuvent être énoncés sans spoiler.

Le film souffre de quelques incohérences amenées par les nombreuses rectifications du scénario, dont on retrouvera les bases des premiers jets recyclées dans Le Baiser du Vampire de Don Sharp. Des incohérences totalement gommées par le talent de Terence Fisher dans la mise en scène et par la brume de l’ambiance gothique. Terence Fisher très axé sur la dualité de ses personnages d’abord avec le Dracula de Christopher Lee valsant entre l’homme élégant et droit et le vampire impulsif et sauvage. Ici le baron Meinster de David Peel est dans la pulsion contrôlée, dans le désir et la frustration. Ce vampire-ci est plus enclin à jouer à l’être humain, en jouant le propriétaire terrien et en jouant le gentleman cherchant à se marier. Le baron Meinster souffre aussi d’un complexe d’œdipe mise en image par la chaîne à son pied imposé par sa mère pour le tenir prisonnier. Terence Fisher a dit vouloir faire des contes de fées pour adultes et avec ce film c’est d’autant plus vrai.

Les Maîtresses de Dracula est une vision tordue des contes de fées, avec le personnage de Marianne croyant au prince charmant et tombant sous le charme du terrible baron Meinster. Mais on retrouve toujours la bataille du Bien contre le Mal, avec des personnages purs. Van Helsing est un personnage pur avec seulement à l’esprit le combat contre les vampires, les forces du mal. Un combat Bien Vs. Mal qui sera réutilisé pour le deuxième film de Terence Fisher de ce coffret.

B ) La Nuit du Loup-Garou

La Nuit du Loup-Garou est adapté du roman de 1933 le Loup-Garou de Paris écrit par Guy Endore. L’intrigue du film se passe en Espagne, pour des raisons diverses, pratiques comme financières. C’est déjà une caractéristique rafraîchissante, de quitter les ambiances gothiques auxquelles on nous a habitué avec les cycles Dracula et Frankenstein pour s’attaquer à un autre monstre de la mythologie fantastique, le loup-garou. Au XVIIIe siècle, le marquis Siniestro humilie un simple mendiant pour amuser ses invités pendant son repas de noces. Une fois lassé du spectacle, Le marquis expédie le mendiant au cachot où il est rejoint bien des années plus tard par une jeune servante sourde-muette interprétée par la somptueuse Yvonne Romain ayant refusé les avances d’un marquis devenu vieux et décrépi. Elle sera violée par le mendiant devenu une bête sauvage des suites de son enfermement. Après avoir finalement réussi à échapper à son enfer, elle sera recueillie par Don Alfredo Carido, incarné par Clifford Evans. Elle mourra en couche en mettant au monde un fils né du viol qu’elle aura subit. Un fils qui sera joué par Oliver Reed, maudit et destiné à devenir une bête sauvage se transformant en homme loup la nuit.

Terence Fisher appréciait tout particulièrement ce film et à bien y regarder, on comprend très bien pourquoi. Tout d’abord, le passage du temps qui n’est pas précipité et prend une bonne partie du film avant de nous livrer la performance d’Oliver Reed. Une approche non-conventionnelle qui joue avec le spectateur, on est promené par le film sans trop savoir où cette grande introduction va mener. On est finalement étonné de découvrir Oliver Reed en loup-garou quand, à cette époque, les grands rôles de monstres étaient soit interprétés par Peter Cushing soit par Christopher Lee. Et il faut avouer qu’Oliver Reed est incroyable dans ce rôle. Il arrive à faire ressortir la bestialité de son personnage tout en restant sympathique. Terence Fisher aimait ce film car pour lui qui avait toujours voulu réalisé une romance, ce film était ce qui s’en rapprochait le plus. Elle est là la grande tragédie qu’illustre La Nuit du Loup-Garou. Leon, le personnage d’Oliver Reed, n’est pas un agent du Mal. C’est seulement un homme maudit depuis sa naissance, une malédiction dont il ne peut être libéré que par la mort elle-même. L’amour et l’affection qu’il reçoit ne permet qu’éloigner la malédiction pour un temps. La malédiction du loup-garou qui le hante l’empêche de dire à la femme qu’il aime ce qu’il ressent et il rejette l’amour, la seule chose qui pouvait l’aider, mais pas le sauver. Il y a finalement cette image incroyablement marquante et inédite par rapport aux précédents films de loup-garous comme ceux d’Universal dans les années 30. À la fin, il garde son apparence d’homme-bête. Dont le design et le maquillage en font sûrement la meilleure représentation du loup-garou dans l’histoire du cinéma. Inspirés de la Bête de Cocteau à laquelle il avait été comparé à l’époque notamment par la similitude de la chemise à jabot blanche ouverte sur le haut du torse.

Ce film repousse les limites de la lutte Bien contre Mal. C’est ici une dualité sociale, avec cette malédiction dont l’origine vient d’un mendiant humilié et emprisonné au point d’être rabaissé au rang d’animal. D’un homme prolétaire tombé amoureux de la fille de son patron.

La Nuit du Loup-Garou est la première perle de ce coffret. La mise en scène de Fisher est toujours aussi captivante, le scénario d’Anthony Hinds, fils de Williams Hinds, est précis et original. Le jeu d’Oliver Reed est tout bonnement incroyable.

C) Le Fantôme de l’opéra

La Fantôme de l’Opéra de 1962 est une adaptation de l’œuvre éponyme de Gaston Leroux. Quelques changement ont été fait. D’abord, transposer l’histoire, se déroulant normalement à Paris, à Londres, s’ajoutant à un jolie pied de nez à nous autres français avec un opéra sur Jeanne d’Arc. Le fantôme n’est maintenant plus chanteur, malheureux quand on sait que Christopher Lee convoitait le rôle du fantôme de part sa passion pour le chant. Dans le but d’en faire un film tout public et donc plus abordable, avec moins de violence, le personnage du fantôme a été scindé en deux. Il est accompagné d’une espèce d’Igor, présent pour accomplir ses exactions. Ce qui a pour résultat un fantôme qui est loin d’être le vilain de l’histoire. Mais plutôt un personnage avec une dimension émotionnelle très marquée et entouré d’une aura de tristesse et de mélancolie qui a vendu son opéra ou plutôt son âme au diable pour pas grand chose. Le véritable monstre du film a forme humaine, avec le personnage original d’Ambrose D’Arcy, voleur d’opéra et véritable Harvey Weinstein qui n’hésite pas à séduire les femmes avec à la clé un rôle dans son opéra.

Le film a été un flop à la fois public et critique. En particulier à cause de son étiquette « Hammer », les spectateurs s’attendant à trouver un monstre et des cadavres dans les placards. Là où finalement le fantôme est plus humain et même le personnage le plus humain du film. Le talent de mise en scène de Terence Fisher est toujours remarquable. Avec une représentation du fantôme très imposante et verticale, face à des scènes flash-backs avec des plans penchés et l’impression de décalage est bien transmise au spectateur. Herbert Lom est plus que convainquant et arrive à faire passer beaucoup de choses avec son seul œil à travers le masque. Edward de Souza en chevalier blanc qu’on retrouvera dans le Baiser du Vampire de Don Sharp est parfait pour les rôles de gentleman monsieur-tout-le-monde.

Terence Fisher a apporté beaucoup au cinéma. Il en avait une vision très technique ayant été pendant longtemps monteur avant de passer à la réalisation. Pour lui, la réalisation consistait à transformer les mots du scénario en images. Mais il était persuadé qu’un réalisateur devait être à la fois un artiste et un artisan, sachant associé technique et vision artistique. Il a toujours travaillé avec des scénarios écrits par d’autres et c’est de cette manière qu’il brillait, faire le pont entre l’imaginaire de l’auteur et l’imaginaire du spectateur.

II ) Après les fondations viennent les murs

Il faut voir ce coffret des cauchemars de la Hammer comme un entonnoir inversé. D’abord, Terence Fisher, la base de la Hammer. Mais ses œuvres fantastiques gothiques ont ouvert les portes à l’âge d’or et donc permirent à la firme de prospérer dans ce domaine. Et c’est ce que représentent les trois prochains films, l’élargissement des univers, des vampires avec Le Baiser du vampire de Don Sharp, de Frankenstein avec L’Empreinte de Frankenstein de Freddie Francis et des films qu’on pourrait qualifier de stand-alone avec Le Fascinant Capitaine Clegg de Peter Graham Scott. On va plus loin que l’œuvre de Terence Fisher. On est même dans l’héritage qu’il laisse après que la Hammer se sépare de lui pendant quelques années suite aux succès très relatifs des Deux Visages du Docteur Jekyll, de la Nuit du loup-garou et du Fantôme de l’Opéra.

A ) Le Baiser du Vampire

Après les réussis Cauchemar de Dracula et Maîtresses de Dracula, la Hammer décida de continuer sur cette lancée avec le petit frère, Le Baiser du Vampire. Un film dont la réalisation a été confiée à Don Sharp et le premier film du cycle vampire sans les grands noms que sont Terence Fisher, Peter Cushing ou Christopher Lee. Il est le digne successeur des premiers volets, plusieurs points du scénario du Baiser du Vampire faisant partie des premiers jets du script des Maîtresses de Dracula. Tout d’abord, l’entrée pré-générique percutante qui laisse sans-voix dans les premiers instants du film. À cette époque, on est même aux balbutiements du principe même des scènes pré-générique et ça ne la rend que plus impactante. Puis, la scène de fin et cette nuée de démons, refusée pour les Maîtresses de Dracula par Peter Cushing lui-même car il n’aimait pas la tournure que prenait son personnage avec ce dernier acte de bravoure.

Le film s’ouvre sur les funérailles d’une jeune fille. Au moment de la mise en terre, un homme mystérieux incarné par Clifford Evans, le père adoptif du loup-garou de La Nuit du Loup-Garou, s’approche du cercueil avec une pelle et frappe violemment le cercueil pour atteindre la défunte au cœur, du sang coule alors de la brèche. Une fois passé le générique, nous faisons la connaissance d’un couple de jeunes mariés, Gerald interprété par Edward de Souza qu’on a déjà pu voir dans le Fantôme de l’Opéra et Marianne Harcourt interprétée par Jennifer Daniel. Leur voiture tombe en panne et ils décident de chercher refuge à l’hôtel le plus proche. Le soir même ils reçoivent une invitation à dîner au château du docteur Ravna. Le docteur Ravna qui n’est autre que le chef d’un clan de vampire. Un clan qui convoite la présence à leur côté de la jeune mariée. S’en suivra l’affrontement entre Gerald aidé de l’homme mystérieux du début, le professeur Zimmer pour aboutir à la scène de fin.

On peut observer plusieurs similitudes entre Les Maîtresses de Dracula et Le Baiser du Vampire. Malgré cela, Don Sharp avec le scénario d’Anthony Hinds a parfaitement su s’éloigner de ses prédécesseurs. Le film est bien plus axé sur la psychologie et le mystère que sur l’horreur et l’épouvante des films de Terence Fisher, avec des vampire dont le principal pouvoir est l’hypnose. Ravna et ses sbires sont une secte de vampires et pourtant on ne retrouve que très peu d’éléments de la mythologie introduit précédemment. Si bien que le fait que ce sont des vampires n’a que très peu d’importance et ne fera écho qu’aux scènes empruntés aux Maîtresses de Dracula. Alors que l’idée d’assemblée de vampires sera reprise quelques années plus tard par Roman Polanski dans son film Le Bal des Vampires. On a finalement l’impression que le film provient de deux visions très différentes. Une vision d’épouvante gothique provenant d’Anthony Hinds et une vision post-moderne provenant de Don Sharp. Pourtant ce dernier a très bien su mettre en valeur les scènes fantastiques, notamment le climax du film très marqué par un érotisme osé pour l’époque, les années 70 et leur libération sexuelle n’arriveront que bien plus tard.

Le Baiser du Vampire est une réussite dans un genre tout à fait différent. Ce qui n’était pas gagné en passant après Terence Fisher.

B) L’Empreinte de Frankenstein

On arrive à la médiane de ce coffret avec le troisième volet, cette fois encore, du cycle Frankenstein, l’Empreinte de Frankenstein, réalisé par Freddie Francis. Réalisateur à la même période des hitchcokiens Paranoïaque et Meurtres par procuration. Le cycle Frankenstein est d’une grande importance au sein de la Hammer, avec 7 films au total dont 5 réalisés pas Terence Fisher et 6 avec Peter Cushing dans le rôle du baron Frankenstein. Face à ça, les films de Freddie Francis et et Jimmy Sangster font plus office de parallèle récréatif que de véritable suite ancrée dans la chronologie. Freddie Francis qui a eu une belle carrière de directeur photo, notamment au service de David Lynch pour Elephant Man ou encore Dune, il remporta un oscar en 1961 pour le film Amants et Fils de Jack Cardiff.

Dans ce film, Frankenstein a déjà réveillé sa créature une première fois, la créature a été chassée jusqu’à se perdre dans les montagnes pour finalement être piégée dans un glacier. Quant à Frankenstein, il a été banni de sa ville natale et son manoir laissé en ruines, libre à chacun de venir se servir dans les possessions du baron. Plusieurs années plus tard, Frankenstein est amené à revenir chez lui pour continuer ses recherches, mais il doit se dissimuler pour éviter d’être reconnu. Heureusement ils arrivent, lui et son assistant Hans en pleine période de foire. C’est alors qu’il aperçoit un de ses bijoux au doigt du bourgmestre et l’accuse immédiatement de vol. Il est donc démasqué. Fuyant la police, ils se cachent sous la tente de Zoltan, un hypnotiseur en pleine représentation. N’ayant pas réussi à mettre la main sur les fuyards, le chef de la police, furieux, oblige Zoltan à lui fournir un permis pour continuer à donner ses représentations. Frankenstein et Hans, aidés alors d’une jeune femme sourde-muette, se réfugient dans une grotte dans la montage où ils découvrent la créature piégée dans un bloc de glace. Mais même après avoir ramené la créature à la vie, elle reste dans un état végétatif. Frankenstein va alors faire appel à Zoltan pour qu’il puisse, grâce à son don, sortir la créature du coma.

Vous l’aurez compris, le film souffre d’une monotonie assez longue avant de se mettre sur les rails. Une introduction entrecoupée d’un long flash-back pour mettre ce film en contexte étant donné que c’est une suite mais extérieur à l’univers des premiers Frankenstein de Terence Fisher. Après ces deux films, la Hammer avait un projet de série, Tales of Frankenstein. Projet qui restera au stade de simple pilote et qui peut être trouvé sur Youtube. Ce film est le résultat patchwork de deux scénarios prévus pour la série, une intrigue consacrée à l’hypnotiseur et une autre à la créature piégée dans la glace. C’est aussi pour ça que le film souffre d’une structure narrative très fragile.

Le design de la créature est très différent de celui incarné par Christopher Lee, on revient à une version plus proche de la créature de Boris Karloff avec un visage plus figé comme façonné dans l’argile. Petit retour aux sources, Mary Shelley s’étant inspirée de la légende juive du Golem. Mais sous le costume, Kiwi Kingston manque de présence. Le personnage du baron Frankenstein perd en profondeur malgré un Peter Cushing qui porte littéralement le film à lui tout seul. Peter Cushing qui revient vers les films fantastiques pour la Hammer après une petite pause notamment dans Le Fascinant Capitaine Clegg ou Les Pirates de la nuit.

C) Le Fascinant Capitaine Clegg

Le Fascinant Capitaine Clegg, né de la volonté de la Hammer de lancer de grands projets avec l’objectif d’élargir son champ d’action hors du gothique horrifique. Adaptation des romans Doctor Syn d’Arthur Russell Thorndyke, le projet est lancé quelques temps avant que Disney n’acquiert les droits d’exploitation des livres. Une négociation a donc eu lieu entre Universal et la Hammer avec Disney. Disney adaptait les aventures du Docteur Syn dans la série L’épouvantail : Le Justicier des campagnes et la Hammer pouvait faire leur film inspiré du passé du personnage et devait changer le nom de couverture du capitaine Clegg, qui deviendra le révérend Blyss incarné par Peter Cushing. En parallèle, Peter Cushing était très intéressé par le Capitaine Clegg et avait communiqué à Anthony Hinds son désir de réaliser un film sur le personnage, ignorant l’existence du projet en cours.

À la fin du XVIIIe siècle, le capitaine Collier et ses soldats débarquent à Romney Marsh pour enquêter sur une histoire de fantômes des marais et surtout sur de la possible contrebande. Le révérend Blyss attire très vite son attention d’autant plus que le capitaine et ses hommes possèdent un mulâtre qu’ils ont retrouvé attacher à un tronc, abandonné sur une île déserte par le révérend Blyss quand il était encore le capitaine pirate Clegg.

Le Fascinant Capitaine Clegg est la deuxième perle de ce coffret. On ressent très vite l’implication de chacun dans le projet. À commencer par Peter Cushing qui brille avec le double jeu de son personnage, l’ancien pirate et le révérend du village, figure respecté et symbole de droiture le jour et dans l’ombre le chef des contrebandiers qui dirige les moindres détails. On revoit notre loup-garou, Oliver Reed avec un tel dévouement qu’il a insisté pour jouer ses scènes de bagarres et ses scènes à cheval alors qu’il avait l’épaule cassé après une soirée arrosée au pub. Et il n’est allé à l’hôpital qu’après les avoir tournées. Ce qui fait la force de Capitaine Clegg c’est son originalité, de part les restrictions de budget il a fallu faire un film de pirate dans la campagne anglaise et ça fonctionne. Surtout, malgré la volonté de s’éloigner du genre, Anthony Hinds au scénario apporte sa patte horrifique avec ces fantômes qui crèvent l’écran par un superbe effet de lumière. L’intrigue du film est loin d’être pauvre. On revisite les codes des films de pirates, des batailles, des cercueils vides, du mystère. La Hammer a réussi son pari en cherchant à s’éloigner des codes qui avaient fait sa renommée. Le Fascinant Capitaine Clegg est un plaisir à voir encore maintenant.

Il ouvre la voie à tout un élan de film issu de genre divers pour la Hammer. C’est en tout cas, le cas dans ce coffret avec le dernier triplet de film.

III) La pose des meubles

On arrive au point le plus large de l’entonnoir avec les thrillers qu’on qualifie de mini-Hitchcock. La Hammer va plus loin que le genre horrifique et sait aussi jouer sur les monstres humains faisant preuves des pires bassesses. C’est ce qu’elle nous montre avec Le Spectre du Chat de John Gilling. Puis on sonde l’esprit humain à l’image d’un Psychose avec l’haletant Paranoïaque, pour finir sur Meurtre par procuration, un véritable film policier en deux parties qui plonge dans la folie humaine. Tous deux réalisé par Freddie Francis dont on reconnaît plus facilement le talent qu’avec l’Empreinte de Frankenstein. Ce sont tous ces films qui ont fait de la Hammer un studio qui est allé plus loin que la refonte des films de monstres des années 30.

A) Le Spectre du Chat

Le Spectre du Chat a depuis longtemps inspiré la confusion sur son affiliation à la Hammer. Il s’agit d’un projet venant de l’extérieur et le nom de la Hammer n’est pas crédité au générique. C’est en effet une petit pirouette de la Hammer pour produire 2 films pour la Universal la même année. Puisque une partie des parts de leur studio de tournage, les studios Bray, appartenaient à la Columbia et qu’un marché avait été conclu pour ne produire qu’un seul film par an pour d’autres majors, notamment la Universal. Se cacher derrière ces producteurs extérieurs, la B.H.P, a permis de surfer sur la vague des succès en partenariat avec la Universal et de proposer dans les salles en double-programme La Nuit du loup-garou et le Spectre du Chat.

D’autant plus que le Spectre du Chat est loin des standards gothiques de la maison. La figure du chat noir inspiré directement de l’œuvre d’Edgar Allan Poe. On joue avec les thèmes, particulièrement avec le sentiment de culpabilité. Un soir, Ella Venable est assassinée dans le grenier de son manoir par son majordome, Andrew. Après avoir commis le meurtre, il est rejoint par le mari de la victime, Walter Venable interprété par André Morell qu’on a pu voir en Dr. Watson aux côtés du Sherlock Holmes de Peter Cushing dans le Chien des Baskerville. Ainsi que par la servante, Clara incarnée par Freda Jackson qu’on a déjà pu apercevoir en nourrice du baron Meinster dans les Maîtresses de Dracula. Ensemble, ils enterrent le corps d’Ella sous le regard de son chat, Tabitha. Le chat comprend alors ce qu’il se passe et les meurtriers se rendant compte de la compréhension du chat décide de le traquer pour le tuer. Malgré toutes leurs tentatives, les meurtriers sont hantés par le spectre du chat et finissent par mourir. Le spectre du chat qui n’est autre que la projection de la culpabilité qu’éprouve les coupables à l’instar de la nouvelle du cœur révélateur d’Edgar Allan Poe. Dans ce thriller angoissant, le réalisateur John Gilling réussi parfaitement à retranscrire l’ambiance gothique de la Hammer tout en gardant une certaine ambiguïté sur la nature du chat et en implémentant même une pointe d’humour noir. C’est ce qui sera le plus intéressant à découvrir dans ce film, un chat démoniaque ou des monstres humains victimes d’eux-même. Une mise en scène originale avec plusieurs plans qui ont pour but de nous mettre dans les yeux du chat.

Le Spectre du chat est un plaisir à découvrir dans la veine des thrillers des années 30.

B) Paranoïaque

Après le succès à Hollywood de Psychose, il était devenu la mode de chercher à reproduire l’effet qu’il a provoqué. C’est ainsi que la Hammer se lança dans le thriller dont Paranoïaque en est le parfait exemple et la troisième perle de ce coffret. Le film est une adaptation du roman En trompe-l’œil de Josephine Tey, auteure dont Hitchcock a déjà adapté plusieurs romans.

Les Ashby ont été frappé par deux drames, le père et la mère sont morts il y a onze ans d’un accident d’avion et trois ans plus tard, le fils aîné Anthony Ashby, alors âgé de 15 ans, se suicide à cause du mal-être qu’il ressentait depuis leur disparition. Depuis, les autres enfants ont été placé sous la garde de leur tante qui organise tout les ans une messe pour commémoré cette tragédie. Au cours de la messe annuelle, la jeune Eleanore pense apercevoir un homme ressemblant à son frère, Anthony. Elle est alors accusée d’être folle par sa tante et son frère, Simon occupé à négocier sa part d’héritage qu’il recevra dans trois semaines. Mais aussi folle à travers ses propres yeux, elle tentera alors de se suicider de la même manière que son frère, en sautant de la falaise. À ce moment, elle sera sauvée par l’homme qu’elle pense être son frère et qui s’avère être réellement Anthony Ashby. Mais Simon et sa tante suspecte une supercherie.

Paranoïaque est un thriller horrifique très captivant avec un ton borderline. Si bien que le film a eu du mal à passer l’étape de la censure, pour les rapports incestueux qu’il évoque, les meurtres intra-familiaux et le sacrilège d’un lieu de culte. Ce dernier point ayant été révisé et atténué, les deux premiers sont toujours présents dans le film. La mise en scène sert parfaitement la narration filmique. Quant à la photographie, elle sert impeccablement le format noir et blanc avec des contrastes très prononcés et l’ambiance angoissante. L’idée de départ est très clair et finalement, le scénario nous emmène tellement loin de tout ça qu’une ligne de dialogue en arrivera à s’en moquer pour nous dire que tout ça n’a plus d’importance.

Un film avec une telle profondeur psychologique se doit d’avoir des acteurs capables de la représenter correctement à l’écran. Oliver Reed est parfait dans le rôle de Simon, tourmenté, alcoolique et paranoïaque avec un amour malsain pour la mémoire de son frère. Il en est troublant et en vient à porter une bonne partie du film sur ses épaules. Janette Scott en Eleanore est correcte, ce qui accentue la surprise dans cette scène d’inceste où elle finit par tomber amoureuse de son frère et à l’embrasser. Elle explose ensuite de colère, troublée par ses sentiments réels mais interdits et se pensant folle à lier. On se rend compte qu’Oliver Reed vole la vedette partout où il passe, à condition que Peter Cushing ne lui fasse pas d’ombre. Paranoïaque est un petit bijou de cinéma incroyablement complet et expressif. Un film qui annonce le prochain Meurtre par procuration où Jimmy Sangster au scénario et Freddie Francis à la réalisation reprendront les thèmes des drames familiaux, de la paranoïa et de la folie.

C) Meurtre par procuration

Meurtre par procuration s’inscrit dans la lignée de Paranoïaque. Reprenant les même thèmes mais cette fois bien plus éloigné de la dimension gothique signature de la Hammer, que la fin de Paranoïaque. On redécouvre la folie et la paranoïa dans une configuration différente et le jeu des masques est une partie centrale du film à l’inverse de Paranoïaque où cette intrigue est passée sous silence.

Janet, une jeune élève d’un pensionnat pour jeunes filles est sujette à des cauchemars horribles où elle revit la même scène, sa folle de mère poignardant son père à de nombreuses reprises. Elle vit avec la peur de sombrer dans la même folie. Pour se reposer, elle est renvoyée chez elle par son tuteur, l’avocat Henry Baxter qui la confie à l’infirmière Grace Maddox. Les cauchemars continue et Janet est emprisonné dans une torture que son esprit s’inflige à lui-même, ou pas ?

Le film est construit en deux parties. La première partie exploite cette scène d’introduction marquante et très démonstrative jusqu’à une scène d’apothéose violente. C’est à ce moment que le film révèle son ingéniosité, les masques changent de porteur et le tourmenteur devient victime à son tour. En tant que spectateur on ressent le second souffle, le film reste prenant et on ne s’ennuie pas. Finalement, Meurtre par procuration ne diffère que très peu de Paranoïaque dans son traitement. Comme tout film de la Hammer, la qualité du jeu d’acteur est capitale. Ici, pas de grandes têtes d’affiche comme Oliver Reed et ça fait partie de la force du film. Chaque acteur étant au même rang, il n’en devient que plus difficile de savoir ce qui pourrait se passer et qui est amené à vivre ou mourir quand on est arrivé au clap de fin.

Avec Paranoïaque, Meurtre par procuration et dans cette même veine des thrillers, Hysteria, Freddie Francis signe trois œuvres psychologiques qui montrent l’étendu du paysage de la Hammer.

IV) Ne pas oublier la peinture extérieure

Hammer Film Production a eu un grand impact sur l’histoire du cinéma. Il est dommage de ne pas revoir Christopher Lee dans ce coffret et surtout le duo Peter Cushing – Christopher Lee. Et malgré la présence de quelques perles, il est dommage de ne pas pouvoir se mettre sous la dent un des chefs-d’œuvres qui a fait la grande popularité de la maison Hammer. On pense au Cauchemar de Dracula ou encore à la Malédiction des pharaons. Cependant, on ne peut que remercier Elephant Films pour nous offrir ce coffret rempli de films incroyables qui sont justement passés sous le radar et qui n’ont pas reçu l’accueil qu’ils auraient mérité à l’époque, notamment La Nuit du loup-garou. Qui plus est, dans ses bonus, chaque film possède un commentaire du film qui va de 10 à 20 minutes dans lesquels vous pouvez écouter Nicolas Stanzick, auteur de Dans les Griffes de la Hammer, vous présenter chaque film pour le remettre dans son contexte avec un florilège d’anecdotes.

Si Close-Up ne devait vous conseiller que 3 films, ça serait La Nuit du loup-garou, Le Fascinant Capitaine Clegg et Paranoïaque. Ils sont disponibles en édition simple chez Elephant Films. Mais si le cœur vous en dit, si vous aimez la Hammer ou que vous cherchez à la découvrir, les Cauchemars de la Hammer sont fait pour vous.

Bon visionnage.

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