Ferdinand : Sitting Bull

D’abord un livre de Munro Leaf (L’Histoire de Ferdinand), puis un court métrage animé de Disney (Ferdinand le Taureau) en 1938, l’aimable taureau adorateur du parfum des fleurs nous revient cette fois-ci sous la houlette de Carlos Saldanha. Le réalisateur des trois premiers films de la saga l’Âge de Glace et de Rio 1 et 2 n’en est pas à son coup d’essai dans le domaine de l’animation et il entend bien nous le prouver encore une fois. On reconnaît d’ailleurs bien vite son style alors qu’il nous narre l’histoire de Ferdinand. Rien de bien original de ce côté : le jeune taurillon est élevé pour concourir dans les corridas, mais à la violence et à la rivalité conditionnée par une course à la gloire, il préfère sentir les fleurs et se reposer au soleil. Pour autant, notre petit hippie n’est pas aussi bête qu’il en a l’air, il prend conscience du destin qui l’attend le soir où son père ne revient pas de la corrida pour laquelle il avait été choisi. Ferdinand, qui n’aime pas trop les films de gladiateurs, décide alors de fuir ce lieu qui le prépare à la mort.

On tente donc d’échapper à sa condition ici, chose difficile quand la société, les traditions et la nature semblent s’être alliées pour vous l’imposer. Mais c’est sans compter sur les nombreuses rencontres que va faire Ferdinand dans son périple. Paco, le chien qui lui rappelle sa place sans le monde, est pourtant le dernier des rabat-joies, un vrai chat dans l’âme. Lupe la chèvre édentée et forte en gueule qui en sait plus que lui sur la corrida, Nina la jeune fille qui le recueille et l’accepte comme il est… et tout ceci n’est qu’un échantillon. La multiplicité des personnages excuserait presque le fait que certains soient juste définis par une fonction ou un trait physique. Difficile d’oublier l’accent écossais à couper au couteau d’Angus, qui vaut le détour (campé par un David Tennant déjà rompu à l’exercice pour La Bande à Picsou version 2017). D’autres au contraire, esquissent des critiques discrètes à l’encontre de certaines pratiques, comme Machina, le taureau mutique crée en laboratoire, aux mouvements raides et saccadés. Une ribambelle de personnages, inégaux par leur caractérisation et leur temps d’exposition, qui trouve toute sa substance dans la mise en scène du film.

C’est après un premier acte longuet, mais nécessaire, que commence la partie de plaisir. La compétitivité forcée, les caractéristiques (parfois clichées) des personnages, la diversité des endroits visités, tous ces éléments donnent lieu à des enchaînements de scènes rythmées où le burlesque occupe une place prépondérante. Les éléments de décors sont utilisés avec une ingéniosité parfois naturelle, parfois surprenante (transformer une chèvre en cornemuse n’est pas donné à tout le monde). Bien que parfois amenés maladroitement (la battle de danse par exemple), d’autres scènes ne manqueront pas de nous faire réfléchir, même brièvement, comme cette déambulation dans l’abattoir, qui nous présente sans forcer le trait, les conditions dans lesquelles les animaux sont mis à mort. Ces moments d’action n’en restent pas moins utiles au développement de l’intrigue, ce qui permet d’échapper de justesse à une succession d’événements trop lapidaires. Ainsi, chaque personnage trouve son rôle à jouer, sa ou ses scènes comiques, suivant un rythme frénétique qui ne s’essouffle qu’en fin de film, devant une conclusion entendue à la morale simple sans être complaisante. Toute la force de Ferdinand se trouve dans les péripéties qui occupent l’acte central, les nombreuses blagues s’enchaînent ne manquant pas de faire mouche, ou au moins de maintenir la cadence.

Les aventures de ce géant au grand cœur peuvent souffrir de nombreux reproches (les chansons pop qui font tâche…), tant ses qualités et ses défauts sont indissociables. Le grand numéro de comédie que nous offre Ferdinand fait passer au second plan les enjeux et donc l’implication émotionnelle du spectateur. La distance entre l’œuvre et le spectateur vient aussi du récit progressivement relégué au rang de macguffin. Ces problèmes formels et ses quelques incohérences ne manqueront pas de faire grincer des dents, avant de nous décoincer les zygomatiques.

Inégal, pas assez poussé sur certains aspects (comme la cause animale qui semble pourtant chère à Saldanha), Ferdinand retombe tout de même sur ses gros sabots, par sa force comique qui intervient auprès des personnages dans l’acte final. Un exercice de style poussé au bout de sa proposition, qui effleure certes ses thèmes, mais dont la maladresse s’avère salvatrice, puisqu’elle évite de s’attarder trop longtemps sur les tropes du film. S’en dégage un véritable divertissement fondamentalement bienveillant, dont les qualités comme les défauts font le charme ambivalent.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*