L’Usine de Rien : Le tout d’une vie.

On ne part de rien avec ce film long de 3 heures. Une surprise juste avant son lancement. Il va falloir se montrer prêt à accepter la longueur et absorber le film. Un film dense et complet qui se tord parfois dans une volonté artistique à vouloir traiter le social. Tout commence simplement comme la dénonciation d’une méthode peu reluisante de vider une usine de ses biens la nuit avant l’arrivée des employés. Des employés qui se retrouvent sans rien, ni machines, sans travail, ni consignes. Heureusement que certains ont pu intercepter les derniers camions. Le côté documentaire du film mis en scène en collectif, mais assumé par Pedro Pinho, permet une empathie avec les ouvriers, de ressentir leurs détresses. Les longs va-et-vient de la RH dans une séquence sèche pour discuter de leurs primes de départ est un calvaire. Mais les ouvriers ne lâchent rien.

L’Usine de Rien se dévoile rapidement comme un film à part. Une volonté néo-réaliste de digresser sur la crise sociale du Portugal. Le collectif de metteurs en scène/scénaristes/producteurs casse les codes du matériel cinéma pour travailler impunément le sujet. Le long-métrage, jamais trop long, s’autorise alors d’être une fiction, une série de portraits, une révolte sociale, un documentaire et un film dans le film. C’est déroutant, mais finalement tous ses morceaux forment un tout cohérent et plaisant. L’usine de Rien se révèle être une œuvre complète passant par différentes étapes pour étayer son sujet et sa volonté de départ. La fermeture de l’usine est l’éclatement vers des conflits, un certain amour et le développement d’une population modeste d’une campagne portugaise. De cette fermeture, on fera la connaissance de Zé, de sa femme et de son beau-fils. Le film s’intéresse particulièrement à ce jeune homme face à un tournant de sa vie. Il va se battre et être au cœur de ce combat. Un combat qu’il connaît bien, son père ayant fait le Révolution des Oeillets. Ce fait se produisit au cœur des années 70. Les militaires ont engagé un coup d’État pour destituer le dictateur Salazar en place depuis 1933. Le peuple s’est joint au mouvement engageant une profonde modification sociale du Portugal. Ce mouvement est surtout le début de la démocratisation du sud de l’Europe entraînant dans la foulée la chute des dictatures espagnole et grecque.

L’Usine de Rien fait des constantes allusions à la Révolution des Oeillets. Le père allant même déterrer son fusil pour mener son fils au combat. Mais l’épreuve de force se fera de façon pacifique. De toute façon, les gros patrons sont loin comme le souligne la visite surprise au siège social de l’entreprise.

Le long-métrage est un matériel brut qui ne peut s’empêcher de digresser. Cela pour son bien, car le tour de la question est frontalement et formellement étayé. Les questions artistiques, philosophiques et politiques se confrontent alors, parfois de manières explosives, pour déboucher sur une issue heureuse. Avec L’Usine de Rien, il faut finalement se laisser happer dans cette matière filmique pédagogique simple et universelle. Le film peut sembler douteux, laissant dubitatif sur certaines séquences arrivant comme un cheveu sur la soupe. La partie film dans le film, notamment la partie comédie musicale, laisse songeuse. Mais cela résonne au final comme un tout cohérent, au relent punk soutenu d’un discours marxiste parfois plombant. Le film est une révolution de sa matière, à l’image de celle qu’il soutient, ses employés désœuvrés cherchant désespérément une issue viable à leurs vies simples.

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