La Planète des singes – Suprématie : Rencontre avec Matt Reeves et Andy Serkis

Alors que La Planète des singes : Suprématie débarque en vidéo en affichant son audace et sa brutalité, Close-Up Magazine profite de l’occasion pour revenir sur sa rencontre avec Matt Reeves et Andy Serkis à l’issue d’une projection du film en juin dernier. Le réalisateur et l’acteur, interprète de César depuis 2011, y étaient apparus sereins, passionnés et fiers du film qu’ils étaient venus défendre. Retour sur une rencontre en toute simplicité où l’on parle de singes, d’acteurs en costumes de Performance Capture mais aussi des Dix Commandements :

 

Comment décrirez-vous le film ? Il a toutes les allures d’un film de guerre avec des singes…

Matt Reeves : La guerre est certainement le contexte du film mais la vraie guerre, le vrai conflit se déroule à l’intérieur de César. César a toujours été le personnage principal de cette saga, on s’en est vite aperçu en voyant Les Origines. On croyait que le héros allait être James Franco mais en fait, c’était César ! C’est son arc narratif qui prime. Andy Serkis m’a toujours dit que César était un outsider. Il a été élevé par des humains contrairement à ses congénères. Il est un pont entre les hommes et les singes. Ce film, Suprématie, raconte comment tout finit mal, comment la Terre va devenir la planète des singes. Et là, le conflit de César, c’est de lutter contre sa colère. Il n’a pas pu voir ce que Koba ressentait dans L’Affrontement et il manque de perdre son empathie, c’est un test. Pour moi, César est un peu un Moïse singe, il est le leader de son peuple.

Andy, comment avez-vous travaillé César pour ce chapitre final ?

Andy Serkis : Dès que j’ai commencé à jouer César dans Les Origines, je l’ai joué comme un homme dans une peau de singe. Séparé de James Franco, de sa figure paternelle, il a dû s’émanciper. Pour moi, c’est enfant prodige qui finit par devenir une figure paternelle pour tous les autres singes. Vu que les singes créent leur propre civilisation, leur propre pensée, j’ai dû adopter une démarche très simiesque mais tout en le jouant comme un homme. Dans L’Affrontement, je l’ai moins joué comme un singe. Pour Suprématie, j’ai dû trouver un certain équilibre. Déjà pour m’aider à tenir ma démarche, désormais bipède, je portais des poids mais il fallait vraiment faire attention car je le jouais quasiment comme un humain.

M.R : Parfois certaines prises ne fonctionnaient pas parce qu’il semblait trop humain. On ne voyait plus César, on voyait plus un homme. Mais grâce à la performance capture, on peut vite retourner des scènes s’il le faut.

Le film est en partie muet, il est en tout cas certainement moins bavard que la plupart des films actuels. Comment travaillez-vous sur la musique ?

M.R : Aux premiers moments du montage, le film ne ressemble pas à grand-chose. On ne voit pas une centaine de singes, on voit quinze acteurs en tenue de performance capture. Alors pour imaginer ce à quoi la scène va ressembler, je m’aide d’une musique temporaire pour construire les séquences mais le travail avec Michael Giacchino vient très vite.

Votre film est l’une des grosses sorties de l’année et de l’été. Vous n’avez jamais eu peur, avec votre approche, de faire fuir le public et de terrifier les producteurs ?

M.R : Non, pas du tout. Vous savez, en terme de budget, Suprématie n’a pas coûté plus cher que L’Affrontement (150 millions de dollars pour Suprématie contre 170 millions pour L’Affrontement – ndlr) et on a mis 50% du budget dans les effets pour la performance capture. Au final, ça ne coûte pas si cher et du coup on peut se permettre de prendre plus de risques en faisant attention au budget. Je n’ai jamais eu de doutes sur l’adhésion du public au film. Le but du film est de nous faire devenir des singes. A l’écran, on ne voit pas des singes, on voit notre reflet. Et puis c’est une histoire qui n’a pas été racontée, on parle de comment c’est devenu la planète des singes, je pense que le public veut voir ça.

En voyant le film et ses scènes dans la base du Colonel, on pense beaucoup aux camps de concentration ou aux camps de migrants. L’actualité vous a-t-elle influencé en écrivant le scénario qui est finalement assez politique ?

M.R : C’est un peu de tout. On est évidemment très au courant des crises politiques. Notre but, c’était de créer l’empathie, de montrer qu’au fond l’ennemi est comme nous. On ne s’est pas forcément dit qu’on allait parler de tout ce qui fait l’actualité, la haine de l’autre, les camps de migrants mais c’est forcément là. Notre but initial avec mon co-scénariste Mark Bomback était de faire un film de singe biblique, façon Les Dix Commandements !

A.S : L’ADN de ces films est d’ailleurs faite ainsi. C’est plus fort de ne pas parler d’une chose précise mais d’avoir un récit qui s’inscrira dans la durée avec des thèmes universels, qui resteront dans l’actualité dans dix ans. C’est le cas avec le film de 1968.

En réalisant L’Affrontement, vous n’aviez pas peur de vous faire happer par Hollywood ?

M.R : Ah si complètement ! Je ne voulais pas faire L’Affrontement, j’avais peur de faire des concessions. Déjà quand je ne me sens pas connecté à l’histoire, je ne sais pas où poser ma caméra. Et je n’aimais pas le premier traitement du film qu’ils avaient à la Fox. On m’a proposé de donner ma vision du film et c’est ce que j’ai fait tout en m’attendant à ce que l’on me propose des compromis. Mais pas du tout, ils ont accepté ! Je me suis dit qu’il y avait un truc et effectivement il y en avait un : la date de sortie était déjà annoncée donc je devais tourner le film très rapidement. Mais avec ces deux films, j’ai vraiment fait ce que je voulais. On a filmé le scénario qu’on a écrit. Si ces films ont des défauts, c’est de ma faute, pas celle des studios.

A.S : Après L’Affrontement, Matt et moi nous sommes assis pour qu’il me raconte Suprématie. Il a passé 1h45 à me le raconter alors que j’étais en retard à une projection de The Gambler, le film de Rupert Wyatt à qui j’avais promis d’être là ! Tout ça pour dire que le film que j’ai découvert il y a trois jours ressemble fortement à celui dont il m’a parlé il y a deux ans !

Il y a des scènes que vous avez dû couper du montage final ?

M.R : Très peu. Il y a le personnage de Preacher, un soldat qui a l’air un peu plus en empathie que les autres avec César à qui on a enlevé des scènes. Le personnage du Colonel avait un discours digne de Patton aussi mais on l’a enlevé. Toute l’histoire est du point de vue de César, c’était très dur d’en dévier.

Oui, on remarque d’ailleurs qu’il n’y a aucune scène dans le film sans singes.

M.R : Tout à fait. L’idée était vraiment de tout filmer du point de vue de César.

C’est pour ça que Le Colonel (Woody Harrelson) apparaît aussi terrifiant…

M.R : Oui, Le Colonel ressemble à un monstre quand on le rencontre et qu’on ressent sa haine. Mais si on y regarde de plus près, Le Colonel a raison sur tout ce qu’il dit. Woody a d’ailleurs eu de très bonnes idées concernant le personnage, il ne l’a jamais abordé comme un méchant.

On remarque des clins d’œil à Apocalypse Now dans le film, je suppose que c’était volontaire.

M.R : Ah oui, complètement. J’ai toujours adoré le cinéma américain des années 70. Tous les jours avec mon co-scénariste, on se posait et on prenait le temps de regarder un film. On a revu Ben-Hur, Josey Wales hors-la-loi, Le Cid, La grande évasion, La planète des singes… Je voulais faire un film personnel et tous ces films cités dont partie de moi, j’en ai donc mis un peu dans le film.

Suprématie marque la fin de l’arc narratif de César mais est-ce le début d’une autre histoire ?

M.R : C’est possible. On en a parlé. On peut s’amuser à imaginer une grande fresque sur les singes, une sorte de Tolstoï of the apes ! (rires) On a pensé à des clans de singes qui n’auraient pas eu le leadership de César, aux affrontements qu’il pourrait y avoir avec le clan de césar. Il y a la descendance de César à explorer aussi, forcément ! Ça pourrait refléter notre condition humaine…

Andy, vous avez des nouvelles de votre adaptation du Livre de la Jungle ?

A.S : Oui ! Le film est tourné, on est en pleine post-production. Ça prend du temps car c’est difficile de retranscrire les expressions des acteurs sur un ours, une panthère ou un serpent… Ça sortira en 2018 et à priori on sera assez proche de l’œuvre de Kipling, ça devrait être un peu sombre, on pense à un PG-13.

Et vous Matt, pouvez-vous nous en dire plus sur The Batman que vous allez réaliser ?

M.R : Écoutez, je vais vous dire. J’ai passé 5 ans de ma vie sur La planète des singes. Ça m’a privé de ma famille jusqu’à la post-production où je rentrais très tard. Là je suis forcément très enthousiaste mais je ne sais pas trop comment je vais me lancer. En tout cas, ça me parle. Batman est comme César, c’est un personnage qui veut faire les choses biens dans un monde imparfait. J’ai découvert avec Scorsese et Hitchcock le pouvoir de l’empathie et de l’identification au cinéma. C’est une de ses grandes forces, de nous mettre en empathie avec un personnage qui ne sera pas forcément nous mais que l’on peut comprendre. Je comprends Batman, j’ai envie d’en faire quelque chose de bien mais il faut que ce soit personnel vous savez.

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  1. The Batman : Good Cop Bat Cop. -

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