L’Homme de la Sierra : La revanche d’un homme nommé Brando

Depuis le 25 octobre dernier, Elephant Films nous a donné l’occasion de découvrir trois films méconnus avec Marlon Brando, restaurés en Blu-ray et agrémentés de quelques bonus. Si l’on connaissait bien sûr La Comtesse de Hong-Kong, film de Chaplin mal-aimé, on avait beaucoup moins entendu parler de L’Homme de la Sierra et La Nuit du lendemain. Il faut dire que ces trois films édités par Elephant font partie de la période creuse de Brando, alors que l’acteur n’était pas encore revenu en grâce à Hollywood avec Le Parrain.

Encore échaudé par l’échec critique de sa réalisation La vengeance aux deux visages, moins bankable, aux prises avec quelques difficultés financières, Marlon Brando se retrouve donc dans L’Homme de la Sierra, étonnant western réalisé par Sidney J. Furie à qui l’on doit le très bon Ipcress, danger immédiat. Le film nous raconte l’histoire de Matt, un ancien soldat qui compte se ranger dans une petite ferme. Mais le cheval qu’il possède, un appaloosa (d’où le titre original du film, The Appaloosa) est convoité par Chuy Medina, un bandit mexicain. Refusant de vendre son cheval et d’être mêlé à la querelle de Chuy avec sa fiancée Trini, Matt rentre chez lui. Mais se fait voler son cheval plus tard, brutalisé et humilié au passage par Chuy. Matt décide alors de retrouver son cheval coûte que coûte…

Jusque là, rien de bien folichon dans cette histoire où l’on retrouve tous les codes du genre. Seulement voilà, Sidney J. Furie est un réalisateur audacieux et maniériste et, en 1966, il a envie de s’amuser un peu avec le western. Outre la propension du scénario à malmener son personnage principal tout au long du récit, L’Homme de la Sierra doit son étrangeté aux choix de cadrages de Furie. Le cinéaste donne à son film une ambiance particulière, presque gothique. Outre ses gros plans inspirés sur des personnages transpirants, le film se remarque pour ses cadres obstrués. Souvent, l’action se passe en arrière-plan tandis que la majorité du premier plan est occupé par des cactus, une barrière, un cheval, une sépulture… Il en résulte une sensation légèrement inconfortable, la réalisation forçant le spectateur à avoir un œil plus attentif que d’habitude.

Dans le rôle principal, Marlon Brando en fait peu. Pas forcément ravi d’être là, l’acteur fait le strict minimum mais ne peut s’empêcher de le faire avec talent, donnant à son personnage une véritable profondeur que l’on devine à travers chacune de ses répliques et chacun de ses mouvements. Face à lui, c’est cependant John Saxon qui vole la vedette. Si les choix des seconds rôles sont pertinents (Anjanette Comer mais aussi Emilio Fernandez, trogne bien connue des amateurs de Sam Peckinpah), John Saxon trouve en Chuy Medina un personnage de salaud complexe et troublant dont chacune des apparitions fascine.

Évoluant dans un cadre western que fait allègrement déborder Sidney J. Furie vers quelque chose de plus gothique, L’Homme de la Sierra est un film atypique, étonnant par son ton funèbre et son atmosphère fascinante. Une œuvre curieuse à découvrir, portée par de belles idées de mise en scène.

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