Le Bonhomme de Neige : Ça sent le déneige !

Surprenant de retrouver, six ans après La Taupe, Tomas Alfredson à la mise en scène du Bonhomme de Neige. Adaptation d’un polar à succès écrit par Jo Nesbo, il est surprenant de voir un metteur en scène maniéré comme Alfredson à la barre de cette production paquebot profitant de la renommée du livre. Après les excellents et complexes Morse et La taupe, Alfredson s’attaque à du thriller de gare. Ne nous voilons point le visage sur la qualité modeste des écrits de Jo Nesbo produisant des thrillers à la pelle pour la ménagère adepte de sensations froides en subissant son trajet de RER matin et soir pour filer au travail.

Mais Le Bonhomme de Neige profite d’un pitch salivant. Nous, adeptes de thrillers (nous peinons encore à nous remettre de Seven et avouons-le, nous adorons Resurrection de Russell Mulcahy), nous-même lecteur de polars pendant nos trajets dans les transports en commun, nous étions curieux de ce thriller neigeux se déroulant en Suède. Mais le désenchantement est total dès l’introduction. Dès le premier quart (pourtant intrigant), Le Bonhomme de Neige nous laisse dans un dépit fortement agaçant. Le film laisse passer béatement des incohérences totales. Le jeune garçon de l’introduction (que nous comprenons être dès le départ comme le futur tueur en série) a deux visages bien distincts, nous subissons une course poursuite arrangée par des trucages numériques forts limités, puis le reste du film aligne des poncifs éculés. Ses problèmes sont liés à une production catastrophique. Le Bonhomme de Neige a subi un tournage mal calculé, bien trop court pour assurer un rendement optimal des prises de vue, un scénario pas terminé qui arrivait au compte-gouttes. Et cerise sur le gâteau, lors de la post-production, il manque 10 à 15% des scènes du script qui n’ont pas été tournées… Voilà qui explique des images apparaissant dans les bandes-annonces et non dans le film, des raccords maladroits ou l’abandon total de certains personnages. Le Bonhomme de Neige est une catastrophe et on se pose la question à savoir comment la production a pu laisser se dérouler cela ?

Énième thriller nous présentant un flic usé jusqu’à la moelle, bouffé par l’alcool et fatigué des enquêtes menées, il va être réveillé par une jeune flic revancharde travaillant sur un cold case. Quand ce dossier jamais élucidé rejoint de nouveaux meurtres, le célèbre Harry Hole reprend du poil de la bête.

Qu’attendre du Bonhomme de Neige ? Finalement rien ou peu, le film ne surprenant jamais vraiment. On est au cœur d’une basique histoire de tueur en série, sous forme de whodunit, à savoir qui est le tueur dans l’entourage de Harry Hole. Car le tueur rôde et semble en permanence proche. Le tout prend vite des allures de téléfilms nordiques, voire allemands, la mise en scène froide, parfois glaciale donnant cette sensation de regarder une série ouest-allemande des années 70/80.

C’est tout autant dommage de voir un tel résultat pour Le Bonhomme de Neige, nous faisions confiance à Alfredson d’orchestrer un thriller à sensation, plutôt rare sur grand écran. Nous restons alors sur ce constat que les séries TV, dans le genre, font actuellement mieux. Preuve en est avec Mindhunter par David Fincher sur Netflix, ou même Esprits Criminels qui reste l’équilibre de la série thriller/horreur, faisant le job dans le genre sombre, voire craspec.

David Fincher lui-même avait adapté pour Sony le premier tome de la saga Millénium (saga suédoise à succès) en 2012, se déroulant en Suède avec un casting international. Là où chez Fincher la pilule réussit à passer de voir des acteurs américains interprétant des Suédois en anglais, dans Le Bonhomme de Neige, c’est tout autre. Il faut dire que dans Millénium, l’équilibre dans le casting fut trouvé entre acteurs suédois et internationaux plutôt pertinents faisant de Daniel Craig un Mikaël Blomkvist plausible, l’inconnue (alors) Rooney Mara en parfaite Lisbeth Salander et Stellan Skarsgaard, acteur suédois s’étant imposé à Hollywood, en Martin Vanger.

Dans Le Bonhomme de Neige, seule Rebecca Ferguson (Mission : Impossible Rogue Nation) est une actrice du crue. Le reste est une addition d’acteurs et actrices anglo-franco-américains ne faisant à peine l’effort de paraître suédois. Si Fassbender est un Harry Hole convaincant, quid de voir Charlotte Gainsbourg avec son accent français en femme seule et encore amoureuse d’Harry Hole, de Chloé Sevigny en victime à l’accent anglais, du pauvre Val Kilmer méconnaissable peinant à aligner deux mots en flic alcoolique, Toby Jones pour une apparition ou J.K Simmons en politicien trouble et pervers, simple maillon inoffensif d’un cold case pourtant intrigant dont Alfredson et ses scénaristes n’en tireront rien.

Là est bien le problème de ce pauvre Bonhomme de Neige, il n’y a rien à tirer de probant dans ce divertissement malade du dimanche soir où rien ne fonctionne. Le film est un petit thriller inoffensif, voire passif, agaçant à faire du surplace en dépit des notes d’intentions prometteuses alignées d’entrée de jeu. Passons alors rapidement sur ce long-métrage qui s’oubliera rapidement et souhaitons à Michael Fassbender de se remettre de ces échecs artistiques personnels depuis Macbeth entre Une Vie entre Deux Océans, Assassins Creed et À Ceux qui nous ont Offensés.

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