Visages Villages : Tendre France par Agnès Varda.

C’est un film sur une rencontre. La rencontre d’un artiste urbain et d’une artiste libre, aimant la vie, l’espace et la France. C’est l’histoire de la combinaison de deux artistes dont va jaillir la magie de l’art, mais surtout toute l’émotion que provoque cet instrument d’expression. Quand le cinéma et la photographie s’associent pour ne faire qu’un le temps d’un parcours hors du commun, un voyage dans les villages de France pour capturer la raison vitale de leurs êtres, rencontrer les gens et partager avec eux.

Ils n’étaient pas vraiment faits pour se rencontrer aux premiers abords, puis finalement l’alchimie a fait des merveilles. Nous sommes bien dans un film d’Agnès Varda, à n’en point douter. JR apporte sa folie, le fil conducteur pour nourrir le film. Il est le magicien donnant une ampleur à cette œuvre vitale. Visages Villages est LE film de l’année 2017. Il est ce film à découvrir obligatoirement. Que l’on aime ou pas, il est une étape à franchir dans ce périple cinéma disponible en DVD & Blu-ray depuis le 22 novembre 2017. Œuvre vitale, Visages Villages est le réconfort apte à vous fournir ce chaleureux sourire de façon instinctive, de vous faire verser une larme si simplement. Il n’y a pas de filtres entre ce que filme Agnès Varda et le spectateur. Il n’y en a jamais eu. C’est cela son cinéma à Agnès Varda. Elle réussit à rendre JR proche de nous sans vraiment le connaître. Lui qui tient une distance souhaitée par timidité avec cette paire de lunettes visée sur le nez en permanence. Un truc qui deviendra le combat de Varda à lui faire découvrir ses yeux. Nous les verrons jamais, mais l’émotion dégagée au bord du lac de Genève est fabuleuse quand il les enlève pour réconforter Agnès. Il se joue alors une alchimie lyrique à en pleurer. C’est beau tout simplement.

Tout aussi beau par les émotions que les deux trublions nous font vivre. Après une tendre rencontre, ils décident de partir tous les deux, par étapes, sur les routes de France. Ils partent à la rencontre des villages pour capturer des visages. JR souhaite travailler avec Agnès, qui souhaite, elle, se servir de ce camion photographique pour rencontrer les gens. Elle aime aller à la rencontre des Français. Il faut se souvenir des Glaneurs et des Glaneuses, ses portraits, ses rencontres pour mieux comprendre les multiples questions que la réalisatrice se pose toujours autant. Dans Visages-Villages, elle pose beaucoup de questions, à JR, aux personnes rencontrées. Elle veut tout savoir pour mieux tout comprendre. Leur voyage en Hauts-de-France est bouleversant. À partir de ses deux seins noirs, image des montagnes de charbons ayant fait l’histoire de la région, ils vont à la rencontre des familles de ses mineurs dont les enfants chaque soir mangeaient le pain noir et rassis de la gamelle du père, leur lavaient le dos, ce corps sale et abîmé pour faire vivre une famille. Aujourd’hui l’héritage n’est nulle part. La région se vide, les quartiers sont rasés. Seule une résistante campe dans sa petite maison. JR la capte ainsi que tous les autres rencontrés pour redonner de la vie à cette région morne, mais surtout remettre l’histoire sur les murs de cette région. Le moment est sublime et dramatique. De ces premières rencontres, on comprend tout le sens même de Visages Villages.

Agnès Varda et JR souhaitent redonner un visage à la France. Cette France oubliée, toujours la même, celle dont beaucoup vont à la rencontre, mais que l’on oublie bien trop rapidement. Pour ne pas zapper, JR investit les murs, capte les moments et inscrit dans le marbre leur passage. Par son talent, sa générosité et sa fougue, l’artiste colle les vies sur les murs morts d’endroits détruits ou sans âmes. Un village mort-né, une usine livide ou les docks du Havre. Sur les docks, les deux artistes vont y inscrire une touche féminine séduisante. Les femmes des dockers vont s’afficher fièrement sur les conteneurs. C’est original et beau, ajouté à une mise en scène séduisant les contours de ses femmes belles et simples. Elles y dévoilent leurs vies, leurs sourires, leurs fiertés d’être humblement.

Visages Villages est un bonheur de cinéma. Naturel, charmeur et convivial, on se sent bien devant cette ode à la vie, à la rencontre et au partage. C’est tout le savoir et le pouvoir d’Agnès Varda qui collabore avec un magicien habile d’un œil caché derrière des lunettes noires. Un œil vif qui sait dompter la petite dame, mais se complète avec pour des moments tendres. La douceur de la séquence de cimetière, la tendresse du partage en Suisse ou le moment du film dans le nord de la France. Visages Villages est un passage obligatoire de cinéma, ce cinéma de l’année 2017 qui avait tant besoin de ce pouvoir de Madame Varda à nous rendre la vie magnifique. Le pire est qu’elle est consciente de son don. Le meilleur est sa faculté à nous le communiquer.

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