Le Musée des Merveilles : Un conte bipolaire.

Todd Haynes s’éloigne frontalement de son cinéma avec ce Musée des Merveilles. Après Carol, chef-d’œuvre sur l’évaporation de deux femmes amoureuses en dépit des conformités américaines dans les années 50, il s’attache ici à l’histoire parallèle de deux enfants atteints de surdité et de leurs fugues respectives pour trouver leurs places dans ce vaste monde.

Si au début tout semble dissocier les deux trajectoires, le film rattache les wagons avec peu de subtilités dans la dernière partie. En dépit du soin apporté à la mise en scène de Todd Haynes, c’est l’histoire en elle-même qui a du mal à assembler les morceaux de son puzzle. Le Musée des Merveilles, ou Wonderstruck en VO, est un récit morcelé dans le temps. Le film commence avec le jeune Ben en 1977 qui a perdu sa mère dans un accident de voiture. Il recherche désespérément son père qu’il n’a jamais connu. Un soir alors qu’il fouille dans les affaires de sa défunte mère, il est électrocuté par un orage et perd l’ouïe. Il s’enfuit de l’hôpital direction New York avec comme seul indice l’adresse d’une librairie.

En parallèle de l’histoire de Ben, celle de Rose s’amorce dans un fabuleux noir & blanc. Tel un film muet des années 20, on fait la connaissance de Rose, une jeune et mignonne sourde de naissance qui souhaite se détacher d’un père despotique et rejoindre sa mère à New York, célèbre actrice qu’elle admire à travers ses films. Elle fugue aussi de chez elle direction la Big Apple.

Même handicap, même parcours pour deux enfants à première vue dissociable. Mais Todd Haynes monte le long-métrage tel un conte de Noël techno-disco-pop. Le réalisateur filme à hauteur d’enfants les découvertes respectives de New York. C’est d’une ampleur admirable, mise en scène avec une justesse rare. La découverte de la ville est fabuleuse. Monstrueuse de par les yeux de Rose, chaleureuse et pop de par les yeux de Ben. Loin d’être naïf (Ben se fait voler son porte-feuille), Todd Haynes réussit par ce biais un film doux et convivial, car il ne dérogera jamais à cette vision et cette dimension du monde par le regard émerveillé de l’enfant, handicapé de surcroît.

Le Musée des Merveilles est un roman de Brian Selznick, auteur du Hugo Cabret réalisé par Martin Scorsese. Le romancier adapte ses propres livres pour le cinéma. Cela se ressent en permanence tout le long-métrage. On ressent la filiation dans l’écriture des enfants, cette même recherche d’identité, d’un socle familial fort pour ces enfants perdus dans un monde si vaste. Todd Haynes a vent du scénario via Sandy Powell, chef costumière sur Carol. Le film est comme une bouffée d’air frais dans son cinéma. Un pur moment d’évasion où le bonheur de raconter un conte se ressent en permanence. Mais le réalisateur ne réussit jamais à passer le cap de la simple mise en scène. Il a du mal à se l’incorporer entraînant la forte personnalité du romancier/scénariste sur le film. Si Martin Scorsese réussissait à faire de son Hugo Cabret une ode au cinéma et un hommage flagrant à son amour pour Méliès, Haynes ne réussit son investissement que par la magie de sa technique. En soi, le final est sublime par cette fulgurance dans la révélation de l’étroitesse lien des deux histoires. Il se sert des souvenirs de Ben, de son imagination et de ses yeux pour animer via des maquettes l’histoire de sa vie. La vie de cet enfant que malheureusement nous avions compris depuis la moitié du film. Techniquement Le Musée des Merveilles est prodigieux. Une histoire d’enfant dans un film d’adulte. Là pèche la relation entre Brian Selznick et Todd Haynes.

Les deux hommes ne s’accordent pas. Là où le réalisateur de Loin du Paradis fait un film pour lui, Selznick écrit une histoire universelle où les morceaux du puzzle s’accordent avec fracas. Mais le réalisateur y additionne une aura adulte ne permettant pas l’accès au film aux enfants. Tout l’inverse du génial Martin Scorsese avec Hugo Cabret. Loin d’être son meilleur film, Scorsese a eu l’habilité d’en faire un film familial idéal pour Noël. Le Musée des Merveilles n’est jamais un film pour la famille. Il est un conte pour adulte dans la foulée du Quelques Minutes après Minuit de Juan Antonio Bayona. Les thèmes sont identiques, le style et le cheminement totalement différents, mais les finalités identiques. Les deux films sont superbes, intenses par les émotions dégagées dans cette recherche de l’être, l’identité et l’histoire même de ces enfants punis par la vie. Les pertes de la mère, la vie qui s’acharne à les maltraités tant physiquement que psychologiquement. Alors le destin et la chance jouent en leurs faveurs, car leurs histoires sont similaires.

En dépit de la thématique magnifique du film, Todd Haynes peine à rendre le tout magique. On suit avec plaisir le parcours labyrinthique de ces enfants, mais l’écriture cousue de fil blanc ne convainc jamais, le spectateur ayant deux tours d’avance sur l’histoire elle-même. Alors les révélations et les tournures du film ne surprennent jamais laissant l’émotion (pourtant présente) lasse dans la conformité du sujet. Le Musée des Merveilles possède tous les ingrédients possibles pour devenir un film magique pour les petits et grand. Malheureusement, la personnalité de l’auteur et du réalisateur ne s’harmonise jamais pour son bien. Nous faisons alors face à une œuvre dissonante marquée par l’écriture prégnante de Brian Selznick et les envolées lyriques de Todd Haynes.

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