Mindhunter Saison 01 : Killer Instinct

Après nous avoir enchanté avec la première saison de House of Cards, David Fincher revient dans le paysage sériel avec Mindhunter. On abandonne la politique pour se consacrer ici à la naissance du profiling à la fin des années 1970, un temps où des noms comme Manson, Bundy ou Gacy étaient entourés d’une aura impénétrable et où le terme serial killer n’existait pas encore. Inspiré du livre éponyme (Mindhunter : Dans la tête d’un profiler) de John Douglas, nous suivons donc Holden Ford, agent et professeur en négociation au FBI, qui, s’intéressant au sujet, réunira une équipe dans le but d’analyser ces meurtriers aux mobiles opaques.

Se relaieront alors les entretiens avec des psychopathes, leur débriefing et des enquêtes en guise de trame de fond qui fonctionneront comme une mise en application de cette théorie naissante. Pas ou peu d’action donc, pour ce polar bavard où les dialogues entre les inspecteurs et leurs sujets d’étude occupent une place centrale. Glaçant par leur réalisme (certains sont fidèles au mot près aux originaux), brillants dans leur interprétation (avec une mention spéciale à Cameron Britton qui campe avec brio un Ed Kemper dérangeant dans sa normalité), ces dialogues sont la friandise que nous tend la série et dont nous nous emparons avidement. Reste alors des scènes plus intimistes, pour révéler par l’image et la mise en scène ce que les moins bavards nous cachent (problèmes de famille, de couple etc…) Les différents types de scène constitueront notre routine de spectateur, tel un modus operandi de tueur en série, développant notre attente et notre fascination morbide pour le prochain témoignage de ces criminels hors norme. Fincher guide ainsi notre point de vue, tout comme Holden met en scène ses interrogatoires, usant de subterfuges pour charmer son sujet et l’amener là où il le veut.

En opposant l’intime au professionnel, la série nous présente aussi la porosité que ces deux domaines peuvent entretenir. Et c’est avant tout de cela dont il est question ici : Holden apparaît au début de la série comme un gendre idéal, propre sur lui et un brin béni-oui-oui, qui lentement glisse vers un showman egocentré, séducteur et manipulateur. De là à devenir sociopathe, il n’y a qu’un pas. C’est de cette frontière trouble dont il est question ici, Mindhunter convoque et alerte le spectateur sur cette part d’ombre qui peut se trouver en lui. L’obsession d’Holden prend lentement le pas sur sa vie privée. C’est là que les scènes les plus anodines trouvent leur sens : loin de simplement nous présenter des problèmes lambdas, elles nous montrent comment cette étude affecte l’équipe. Les différentes scènes se renvoient la balle dans un échange ininterrompu faisant passer certains enjeux au second plan. Ainsi les embûches administratives que rencontre l’étude, les dissensions entre ceux qui la mènent ou encore l’issue des enquêtes ne trouve parfois qu’un faible écho dans la trame principale. Tandis que d’autres scènes, comme celles de l’énigmatique homme à lunettes avec ses faux airs de François Damiens préparant une caméra cachée, posent à chaque début d’épisodes des jalons pour l’avenir lointain de la série. Patience donc.

Loin d’avoir pour lui l’aspect ludique d’un polar whodunit classique ou celui d’un Lie to me, Mindhunter joue les marathoniens et c’est sur sa longueur que la série se révèle comme un tout. Elle ne se garde pas de faire participer son spectateur pour autant. Il interpelle, interroge notre psyché et le rôle du déterminisme sur son développement, aidé par son ambiance lourde, lisse mais pas superficielle et valorisée par une mise en scène millimétrée. Le générique d’ouverture dégage d’emblée cet aspect méthodique nous rappelant celui de Se7en, mais cette fois-ci du côté de l’inspecteur. Le tout servi par des musiques grinçantes qui savent se faire oublier alors que la tension monte. Mindhunter offre un point de vue intéressant, qu’on serait presque tenté de qualifier de subversif, dans son jeu de séduction, nous montrant l’évolution de cette étude sur ces personnes à qui certains vouaient (et vouent encore) un culte. Un encouragement à l’introspection souligné par une mise en garde contre la fascination obsessionnelle dirigée de main de maître.

3 Rétroliens / Pings

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