Un Tueur dans la Foule : L’Amérique dans le viseur

Édité depuis le 5 septembre en combo DVD/Blu-ray et DVD simple par Elephant Films, Un Tueur dans la Foule se découvre avec une certaine curiosité. Film catastrophe appuyé d’un zeste de paranoïa, le long-métrage surfe opportunément sur la vague du genre « catastrophe » produit à l’époque. La Tour Infernale, Tremblement de Terre, Poseidon, la série des 747 et passons nombre de titres qui rassemblaient des stars vieillissantes ou en devenir pour des spectacles toujours plus incroyables. Le genre trouvera un soubresaut au cœur des années 90 avec Volcano, Titanic, Le Pic de Dante, Alerte ou encore Daylight avec Sylvester Stallone.

Revenons à Un Tueur dans la Foule, film de suspense méconnu où pendant la finale du Super Bowl, un tueur fou met en joue les 90 000 spectateurs du Memorial Center de Los Angeles.

Habitué du cinéma indépendant, mais surtout de la télévision, Larry Peerce opère cette commande au casting prestigieux avec un certain savoir-faire. Toute la première partie est réglée comme une horloge et orchestrée avec brio. Notamment le générique présentant le personnage principal du film, à savoir le stade. Larry Peerce le filme sous tous les angles, allant chercher les moindres recoins et les couloirs sombres de l’imposante bâtisse, lieu purement américain dans sa combinaison à être un lieu de rencontre, de vie, de divertissement, mais aussi de consommation. Larry Peerce se focalise étonnamment sur ce dernier point avec par exemple le parking à 5$ pour la famille modeste, le stand de produits dérivés dont le père ne peut payer le prix exorbitant étant au chômage. La consommation reflétée par la dominance des écrans de TV pendant tout le film, endroit où le Capitaine Peter Holly (Charlton Heston) va se réfugier pour observer le tireur.

Ce qu’il y a d’extraordinaire dans cette première partie d’Un Tueur dans la Foule est le fait d’avoir accès à plusieurs points de vue. Le film suit plusieurs cheminements de personnages vers cette ville à toit ouvert. Un pickpocket et sa complice, une famille modeste, un parieur maladif, un prêtre, la star vieillissante d’une des équipes et un couple dysfonctionnel campé par Gena Rowland et David Janssen (Le Fugitif). Cette approche permet alors d’insérer de la vie et une certaine humanité au cœur d’un film que Larry Peerce sait superficiel. Charlton Heston, courbé de vieillesse, cabotine et John Cassavetes fait le strict minimum caché derrière ses lunettes d’aviateur. 

Pendant tout ce temps, on suit aussi le cheminement du tireur qui, pour son ajustement, fait une victime violente depuis la fenêtre de son hôtel. La pression monte, le réalisateur sachant garder la mesure de ce qui l’attend. Mais dans sa deuxième partie, tout s’écroule. Le tireur fou est pétrifié, tergiverse et se perd en haut de son perchoir. Il est alors repéré. Le but des instances va être de se faire discrètes, de gérer la situation tout en laissant l’événement se dérouler. Mais la parlotte est de mise et le spectateur s’ennuie. On tourne clairement en rond en dépit de la multiplication des axes narratifs entre tous les personnages. Larry Peerce a réussi son coup en créant une empathie avec les personnages mis en avant. Il faudra attendre le dernier quart du film pour que tout s’enclenche.

C’est alors l’horreur. Une véritable marée humaine, le film catastrophe dans ses grandes largeurs. Le massacre s’opère, le tireur devenu fou en se sentant acculé. C’est la cohue et Peerce crée alors un drôle de parallèle avec le Zombie de George Romero. Le film du père des morts-vivants ne sortira que l’année suivante, mais la horde humaine se grimpant dessus, se déchirant et se battant pour survivre laisse penser à ses zombies agglutinés dans le supermarché. Ici le stade voit l’humain égoïste sauver sa peau dans une vague animale créant une peur oppressante insoupçonnable au film. Après l’ennui de la deuxième partie, Un Tueur dans la Foule surprend par des séquences d’horreurs pures. Les hommes se dévorant les uns les autres, pendant que le tireur fou abat le consommateur de spectacle au milieu de cette faune.

On s’aperçoit alors que Larry Peerce s’est totalement accaparé le film pour le plaidoyer d’une Amérique suffocante. Le chômage est déjà présent (le père de famille), les gens deviennent fous par l’appât du gain (le parieur), par égoïsme (le couple) ou par le constat du tout (le tireur). Sous ses airs de film commercial, on décèle alors dans Un Tueur dans la Foule un film intelligent et prenant. L’association du spectacle et d’un discours alarmant sur un système nous emmenant vers la perte de l’être. Le stade comme le lieu idéal de la consommation, royaume purement américain, à l’image de la tour infernale et son microcosme humain putréfiant de superficialité prête à brûler dans l’enfer des flammes.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*