Ça : « Il » est bien de retour !

Si Stephen King a régulièrement été mis à l’honneur au cinéma et à la télévision, l’année 2017 est tout de même particulière pour l’écrivain : La Tour Sombre, The Mist, Jessie, Mr. Mercedes et Ça déferlent sur nos écrans, que ce soit au cinéma ou dans notre salon. Dire que Ça, nouvelle adaptation du roman après le téléfilm de 1990, était attendu est un euphémisme. Certainement le film le plus excitant de la rentrée et d’autant plus attendu que La Tour Sombre est un ratage total, Ça débarque enfin chez nous et se dévoile avec ses qualités… et ses défauts.

Difficilement adaptable, le roman Ça est une exploration fouillée de nos terreurs aussi bien qu’un portrait attachant de losers qui trouvent ensemble une force qu’ils n’ont jamais eu seuls. Au-delà du souvenir de terreur qui nous hante en repensant au téléfilm de Tommy Lee Wallace et à la prestation de Tim Curry, il faut bien avouer que celui-ci était loin d’avoir toute l’ampleur et la noirceur du roman. D’où cette nouvelle adaptation, classée R aux États-Unis et également prévue pour être en deux parties (la deuxième partie étant déjà assurée vu le succès du film). Choisissant de se concentrer uniquement sur l’enfance des personnages (alors que le roman alterne entre présent et passé) ici retranscrite dans les années 80, Ça se permet donc de faire quelques entorses au roman, donnant à certains personnages une histoire différente mais entendant cependant respecter tout ce qui fait le sel du livre.

La base ne change donc pas : dans la petite ville de Derry, un groupe de sept gamins, tous rejetés par leurs parents et leurs camarades, font front commun pour affronter Ça, terrible entité hantant les égouts de la ville et responsable de dizaines de disparitions d’enfants, notamment celle de Georgie, le petit frère de Bill…

En choisissant de concentrer ce premier film uniquement sur l’enfance des personnages, Andy Muschietti (auparavant prénommé Andrés, réalisateur de Mama) perd un peu de complexité mais réussit son coup. Il s’agit pour lui de nous plonger au cœur de ce club des Ratés, de leurs peurs et de leur force quand ils sont ensemble. Pour cela, il fait appel à un jeune casting de talent, composé d’acteurs prometteurs (Jaeden Lieberher, vu dans Midnight Special ; Finn Wolfhard, vu dans Stranger Things) ou d’acteurs quasi-débutants (Jeremy Ray Taylor, Sophia Lillis, assez incroyable dans le rôle complexe de Beverly) qui donnent corps à une galerie de jeunes héros attachants, courageux face au Mal en dépit de leur peur. C’est d’ailleurs la plus grande force du film : parvenir à retranscrire cet attachement que l’on ressent face aux personnages avec cette impression de les connaître et qu’on pourrait être l’un d’entre eux.

L’autre aspect de Ça se situe bien évidemment du côté de l’horreur. Dans le roman, Ça est partout, insinuant le malaise et l’angoisse à chaque tournant de page. Ici, il est beaucoup moins terrifiant. Certes, Bill Skarsgård fait un travail formidable. Aidé par un look particulièrement réussi, l’acteur compose un Pennywise particulièrement malaisant, parvenant à se détacher de la composition de Tim Curry, certainement la meilleure chose du téléfilm. Cependant, Muschietti ponctue chacune de ses apparitions d’une musique tout à fait intempestive, tic de mise en scène rapidement insupportable qui vient guider la peur du spectateur pour le préparer au pire plutôt que de laisser la terreur s’insinuer petit à petit. Si la première scène mettant en scène l’horrible clown est une belle réussite, Muschietti ne tarde pas à relâcher la pression et à passer en mode automatique dès que Pennywise apparaît, hachant son montage et multipliant les effets de mise en scène comme s’il ne faisait pas assez confiance au personnage, au potentiel pourtant énorme.

Si le malaise n’est jamais très loin dans le film, on est quand même à mille lieues du sentiment d’effroi croissant qui se glissait en nous à la lecture du roman. En cela, on peut regretter que Cary Joji Fukunaga n’ait pas pu mener le film à bien car le réalisateur de Beast of no Nation et de la saison 1 de True Detective s’en serait certainement mieux sorti à ce niveau-là.

Ne jetons tout de même pas la pierre à Muschietti. Car si Ça est un film bancal, trop mécanique dans sa terreur, c’est pour les scènes entre les enfants qu’il vaut le détour, pour leur courage et leur détermination face à une entité décidée à les détruire. C’est eux le cœur de l’histoire et c’est eux qui font le sel d’un film que l’on aurait inévitablement voulu meilleur mais qui saura nous contenter jusqu’au second chapitre, que l’on attend d’autant plus au tournant que Muschietti devrait avoir les coudées franches pour le réaliser, les recettes du film devant même lui permettre quelques acteurs de haut vol pour jouer les personnages adultes.