Caveat : Mourir de peur enchaîné

Dernier week-end du mois de juin, dernière séance Shadowz placée sous le signe des exclusivités. Vous commencez à en avoir l’habitude si vous suivez assidûment nos chroniques. Difficile de faire un choix cette semaine tant les ajouts de la plate-forme nous mettaient l’eau à la bouche. Ce qui nous aura définitivement décidé fut notre envie de consolation post-confinement. En effet, vous n’êtes pas sans savoir que les festivals ont (comme énormément d’autres secteurs) été directement impactés par les règles sanitaires que nous subissons depuis plus d’un an désormais. Certains ont mis les bouchées doubles cette année, décidant de proposer des éditions numériques afin de venir nous montrer leur dernières trouvailles. L’opération fut un succès pour le festival de Gérardmer par exemple, qui aura ouvert la voix à ses cousins en montrant qu’il était possible de pallier à l’absence de l’ambiance festivalière par un contenu toujours aussi qualitatif et une visibilité public bien plus conséquente qu’en présentiel. La formule ne changeant pas quant au palmarès et sa mise en place. Il aura encore fait son lot de spectateurs alléchés par les découvertes qui se languissent toujours autant de découvrir les lauréats en édition physique ou dans les salles pour les films les plus chanceux qui trouvent le soutien de distributeurs faisant le pari de les emmener vers le grand écran. Tout cela pour en arriver à notre film du jour, Caveat. Reparti avec la mention spéciale du jury critique lors de l’édition numérique du BIFFF 2021, le premier long-métrage de l’Irlandais Damian McCarthy avait fait couler beaucoup d’encre sur la toile, suscitant un vif intérêt de la part des spectateurs ayant croisé sa route. Caveat se payait, d’emblée, une réputation de curiosité difficile d’accès, mais fascinant dans son ensemble. Une curiosité désormais disponible en exclusivité via la plate-forme Shadowz. Non content de consoler notre non-présence en Belgique cette année, Caveat s’avère un choix de programmation plutôt malin permettant de mettre en lumière un film qui aurait eu du mal à trouver son public en-dehors des circuits festivaliers.

Un vagabond solitaire, Isaac, souffrant d’une perte de mémoire partielle accepte un emploi pour s’occuper d’une femme psychologiquement perturbée dans une maison abandonnée sur une île isolée. Enchaîné à un harnais ne lui permettant pas de sortir de la maison, ni d’accéder à certaines pièces, Isaac va très vite comprendre qu’un mal plus profond pèse sur la maison.

Qu’on se le dise immédiatement, Caveat est un film exigeant et intransigeant. Réservé à un public plus qu’averti (non pas à cause d’une violence quelconque, mais plutôt sur son aspect formel bien tranché), il s’inscrit dans une mouvance « elevated horror » où un rythme lancinant prendra le pas sur toutes les actions des personnages. Premier long-métrage oblige, McCarthy gère son budget minime (estimé à 250 000£, soit, environ, 300 000€, selon IMDB) en posant son ambiance en huis-clos dans une maison délabrée où le moindre détail de crasse aura une importance capitale sur les enjeux scénaristiques. Caveat est un film surprenant qui en laissera de côté plus d’un, mais qui se digère et se révèle dans le souvenir qu’il crée. Il laissera totalement insensible un bon nombre de spectateurs qui n’y verront qu’une déambulation ennuyante et interminable d’un homme dans une maison isolée avec une folle et des cadavres planqués dans les placards. En revanche, Caveat soulève des questionnements percutants suffisamment forts pour nous travailler durant plusieurs jours. McCarthy personnalise sa vision de la paranoïa, de la schizophrénie et autres troubles psychiques afin d’étoffer son histoire. D’un postulat de base relativement simple, il creuse une théorie selon laquelle notre environnement conditionne notre maladie et observe l’impact que cette dernière a sur notre entourage. Imposant de mystérieuses questions dès son ouverture, Caveat possède toutes les clés pour dérouler un grand film, pourtant il n’est pas exempt de défauts (loin de là) et souffre du syndrome du premier film. McCarthy soulève de solides questions, mais ne parvient jamais à y répondre, voire même mettre le spectateur sur une piste. S’il se tient dans sa première moitié, Caveat embrouille toutes les pistes lorsqu’il décide de s’emballer et verse dans un onirisme sombre à l’emballage élégant, mais au fond terriblement creux et absent. Malheureusement, l’exigence que nous soulevions plus haut sabote tout le travail de mise en place. On ne sait plus si l’on est plongé dans le film via un point de vue de personnage malade ou si le film ne sait véritablement pas comment conclure ses arcs narratifs.

Et le problème de narration n’est pas le seul défaut que nous lui reprochons. Caveat fait preuve d’une maîtrise de gestion de l’espace indéniable. Damian McCarthy sait comment travailler une ambiance angoissante, c’est un fait. Ses envies de poème gothique sont là, et les références auxquelles il fait appel sont utilisées à très bon escient. Son film se permet d’intégrer quelques séquences au potentiel horrifique vraiment fort. Des séquences capables de faire véritablement peur. Seulement, tout comme avec ses personnages, il ne sait pas où aller avec ces scènes. De fait, le soufflet retombe immédiatement dès lors qu’une séquence effrayante atteint son paroxysme. McCarthy fait naître la tension, pousse le curseur de la vigilance chez son spectateur au plus haut, mais il ne parvient pas à conclure ses effets et n’arrive pas à faire peur. Et c’est fort dommage pour un film d’horreur que de ne pas réussir à susciter un vrai effroi alors que ce dernier tente, désespérément, de le faire. D’autant que le casting est un autre point fort de Caveat. Jonathan French, qui campe Isaac, trouve son premier grand rôle après s’être fait connaître dans divers courts-métrages. Il est le point fort de ce film, tout repose intégralement sur son interprétation. C’est une vraie révélation.Très limité dans ses actions, il intériorise énormément son jeu et sait parfaitement quelle intonation de voix prendre, quel regard adapter à quelle situation. Son personnage prend aux tripes, on meurt d’envie de comprendre sa situation, pourquoi ne sait-on pas quoi faire de lui ? C’est un sérieux gâchis. Tout le dernier acte de Caveat est un sérieux gâchis. D’un univers onirique plausible, Caveat tente de basculer vers un univers fantastique, mais la jonction entre les deux ne se fait pas. La finalité de la dernière séquence, dans la cave, est symptomatique de tout ce qui ne fonctionne pas dans le film. Il n’y a pas de doute qu’une seconde lecture sera nécessaire afin de tenter d’y voir plus clair, si tant est que le film possède réellement un moyen de le décoder.

Vous l’aurez compris, Caveat est bel et bien un film exigeant et qui demande un sérieux investissement de la part de son spectateur. Pour son premier long-métrage, Damian McCarthy nous laisse entrevoir un potentiel artistique large et intéressant. Bien qu’il aurait mérité un avis plus tranché sur les questions qu’il pose et qu’il ait besoin de revoir sa manière de conclure ses scènes de tension, Caveat est le genre de proposition qui ne laisse pas indifférent. Pur produit de festival et véritable curiosité à l’identité affirmée, sa présence sur Shadowz est une aubaine pour quiconque désire jeter un œil sur la nouvelle génération du cinéma de genre.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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  1. Sator : Soyez tous maudits ! -

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