Mare of Easttown : Bouleversante Kate Winslet

Encore en manque de grande série phare depuis la fin de Game of Thrones (même si la géniale Succession pourrait prétendre à ce titre, bien plus que le gros mastodonte parfois bancal qu’est Westworld), HBO n’en continue pas moins de produire des séries de qualité. Dernièrement, la chaîne a beaucoup enchaîné les mini-séries (Sharp Objects, Watchmen, The Outsider, The Undoing) qui sont certes dans l’incapacité de fidéliser un public sur le long terme mais qui permettent néanmoins de démontrer l’étendue de leur capacité de production. La mini-série, du fait d’un engagement plus court, permet également de s’entourer d’une équipe en béton aussi bien devant que derrière la caméra, certains acteurs préférant s’engager pour un nombre d’épisodes bien défini plutôt que dans un contrat s’étendant sur plusieurs années.

Dernière mini-série en date à avoir été diffusée par HBO (et donc sur OCS chez nous), Mare of Easttown ne fait pas exception et, le long de ses sept épisodes, s’avère parfaitement maîtrisée de bout en bout. Créée et écrite par Brad Ingelsby (à qui l’on doit les scénarios des Brasiers de la colère, de American Woman ou de The Way Back) et réalisée par Craig Zobel (The Hunt), Mare of Easttown est une série comme on les aime, bénéficiant d’un soin équivalent aussi bien à l’écriture qu’à la réalisation et l’interprétation, Kate Winslet étant solidement entourée : Julianne Nicholson (qui jouait déjà dans The Outsider), Jean Smart (qu’on avait redécouverte dans Watchmen), Angourie Rice (la fille de Ryan Gosling dans The Nice Guys), Guy Pearce (trop rare dans de bonnes productions ces derniers temps) ou encore Evan Peters.

Pourtant Mare of Easttown est tout ce qu’il y a de plus classique. Dans une petite ville de Pennsylvanie déjà hantée par la disparition d’une adolescente l’année dernière, le corps sans vie de Erin McMenamin est retrouvé. Mare Sheehan, ancienne gloire de l’équipe de basket du lycée, désormais policière meurtrie par le suicide de son fils aîné, se lance à corps perdu dans l’enquête. N’ayant pas fait le deuil de son fils, se battant pour avoir la garde de son petit-fils que sa mère, ancienne junkie, veut récupérer, divorcée et ne prenant guère le temps de s’étendre sur ses sentiments, Mare est une fonceuse, aussi nulle dans les rapports qu’elle a avec ses proches qu’excellente dans son travail de flic. Alors que sa vie privée est de plus en plus chaotique, elle ne voit que la résolution de son enquête pour y apporter du sens mais elle ignore les conséquences dramatiques que cela pourrait engendrer…

Rien de foncièrement original donc mais il n’y a pas de quoi s’affoler : Mare of Easttown est une réussite, embrassant pleinement les codes du genre pour les assumer. Il ne s’agit pas ici de bouleverser les codes mais plutôt de se les approprier et prouver, une fois de plus, que quand une écriture utilise des figures bien connues d’un genre, il suffit d’apporter un grand soin à l’intrigue et aux personnages pour que la qualité soit au rendez-vous. Autant polar qu’étude de caractères, autant drame bouleversant que plongée dans la province américaine où personne ne semble pouvoir en sortir, Mare of Easttown joue habilement sur tous les tableaux sans jamais perdre de vue le cœur de son récit : ses personnages.

En effet si l’on pourra reprocher à la série d’en faire parfois un peu trop dans le pathos en multipliant les coups du sort dans le passé et le présent des personnages quitte à frôler l’overdose en tragédies familiales, Mare of Easttown sait parfaitement jouer sur cet équilibre précaire et en fait sa force. La série ne nous montre rien d’autre que des destins brisés et, à travers ses différents personnages, nous parle du cheminement du deuil. Comment continuer à  vivre quand on a perdu un être cher ? Cette thématique est omniprésente, hantant les personnages à chacune de leurs actions et c’est évidemment sur Mare qu’elle se concentre, elle qui vivra l’enquête comme une catharsis, tâchant de sauver les enfants des autres à défaut d’avoir pu sauver le sien. Quand ils ne sont pas en deuil, les personnages cachent au minimum de lourds secrets (comme cette confession touchante que le co-équipier de Mare lui fait) et doivent vivre avec leurs démons, qu’ils soient âgés ou jeunes, l’avenir semblant bouché pour les adolescents du coin, comme si la ville même, morne bourgade de Pennsylvanie, empêchait les destins de s’accomplir autrement que par le malheur.

Si la série ne respire pas la joie et qu’il vous faudra certainement relâcher la pression entre les épisodes (qui vous feront tous monter la larme à l’œil), Mare of Easttown est cependant une découverte à faire, une série sur laquelle il faut foncer, s’intéressant moins à son enquête qu’à ses personnages dont l’écriture brille de subtilité. Saluons à ce titre toute l’interprétation émouvante du casting mais soulignons la prestation de Kate Winslet, actrice dont les rôles marquants se sont raréfiés ces dernières années et qui livre là une prestation absolument bouleversante, embrassant le personnage de Mare dans toutes ses contradictions, ses nuances, ses défauts et ses qualités. Son visage, qu’elle refuse de voir recouvert par des couches de maquillage ou photoshopé depuis plusieurs années (et elle étend cette exigence au reste de son corps, ayant également refusé qu’on retouche son ventre lors d’une scène dans la série), porte à merveille les marques de chagrin, de fatigue et de douleur de Mare, personnage magnifique qui trouve une incarnation d’une justesse absolue, rattrapant les quelques élans un peu trop mélodramatiques du récit. Et bien que Mare of Easttown ne manque pas de qualités, il suffit de sa présence pour justifier le visionnage de cette mini-série qui ne vous laissera pas indemnes. Mais croyez bien que ça vaut largement le coup.

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