Heroes : Vétéran plan-plan…

Terrain de luttes, terrain de jeu(x) pour un certain nombre de réalisateurs plus ou moins célèbres et talentueux le conflit opposant le Vietnam aux États-Unis d’Amérique à l’aune des années 70 fut le fruit de quelques films incontournables en termes de (ré)écriture historique (plus que d’aucuns se souviennent de la fameuse séquence de la roulette russe de Voyage au Bout de l’Enfer, objet de pure invention aux tendances xénophobes de la part du néanmoins remarquable Michael Cimino), de lyrisme empreint de métaphysique (Apocalypse Now et les délires mystiques de l’inénarrable Marlon Brando), de politique-fiction terrassante de pessimisme avoué (Stanley Kubrick et son implacable Full Metal Jacket tourné plus d’une décennie après ladite guerre) ou encore de mélodrame à visée comportementale et un rien manipulatrice (le flamboyant Outrages de Brian De Palma, chef d’oeuvre mettant au coeur de son propos la notion effroyable mais réelle d’exaction et/ou de crime de guerre perpétré par l’armée américaine durant le conflit)… Si l’un des tous premiers films à aborder le sujet – de manière indirecte certes, mais paradoxalement frontale et contestataire – reste probablement Les Visiteurs de Elia Kazan en 1972, il faut attendre près de six ans pour assister au succès retentissant du beau et terriblement élégiaque long-métrage de Michael Cimino et voir un film entièrement consacré à la première guerre télévisée de l’Histoire bénéficiant d’un véritable succès public et critique…

D’autres films, peu ou prou méconnus et/ou mésestimés du large public ont toutefois capté cette air du temps pétri de tensions délétères et de traumatismes inexprimés, car sans doutes inexprimables : ce fut le cas du confidentiel – et a fortiori complètement anecdotique sur de nombreux plans – Heroes de Jeremy Kagan, banal road-movie retraçant l’errance pantouflarde d’un vétéran cabossé du et par le Vietnam (Henry Winkler) sur les routes d’une Amérique en pleine mutation (nous sommes en 1977, perdu entre deux époques, à mi-parcours du post-Watergate et de l’avènement eighties de Ronald Reagan), ancien soldat mentalement inadapté à la lisière de l’excentricité conjuguant sa singularité avec celle d’une charmante et belle future épouse au mariage finalement compromis (Sally Field)… Si le film de Kagan parvient à rendre compte de l’époque qu’il brosse de traits (souvent) mal dégrossis, mais toutefois fidèles au contexte, il expose rapidement sa première et principale lacune : le jeu et la caractérisation du personnage principal interprété par Henry Winkler, trop antipathique pour que l’on réussisse à s’y attacher a minima, et ce malgré la volonté respectable de suggérer – et non d’expliciter lourdement – son traumatisme de la part de Kagan. D’emblée Jack Dunne fait montre d’une attitude provocatrice et sciemment irrespectueuse à l’encontre de son petit monde, tellement obvieusement je-m’en-foutiste qu’il faut attendre les dernières minutes du métrage pour que les raisons de ses frasques à répétition trouvent une réelle circonstance atténuante. Si le film n’ennuie jamais tout d’un bloc, il déplie paresseusement (sous des dehors indé gentiment lassants) ses motifs propres au genre du road-movie : esprit Beat, croisement de destins et de voyageurs de grand chemin (l’apparition de Harrison Ford au coeur du film dans le rôle de l’acolyte bourru et amusé de Jack Dunne a bien du mal à plus que simplement intriguer…) relais et étapes avec scène de romance à l’appui…

Reste la présence de la séduisante Sally Field, donnant un peu de gravité malicieuse à ce chemin semé d’embûches ronronnantes, rapidement oublié au sortir dudit métrage… Formellement l’ensemble ne dépasse que très rarement le cadre d’une production télévisuelle perdue parmi des centaines d’autres (Henry Winkler et Sally Field sont du reste connus à l’époque pour leur importance notable dans les séries populaires du petit écran…) et ne décolle jamais de son sujet, préférant au pis l’occulter, au mieux l’évoquer vaguement en bout de course. Heroes reste un film totalement représentatif de ses contemporains et peut se targuer d’une valeur sociologique certaine, mais néanmoins cruellement dispensable : une déception pour nous, toutefois disponible aux éditions Elephant Films en DVD et Blu-Ray depuis le 30 mars 2021.

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