Starry Eyes : Embrace the success, be one of us…

La semaine a été rude ? Vous avez vendu votre âme afin de jongler au mieux entre les bambins à gérer et votre télétravail qui vous pourrit la vie ? Il est grand temps de lâcher prise et de venir admirer la Séance Shadowz du week-end parfaitement en accord avec le quotidien susmentionné. Cette semaine, il est question de Starry Eyes, le second long-métrage réalisé par Kevin Kölsch et Dennis Widmyer (les deux gars derrière le remake de Simetierre). Après avoir admiré de quoi il en retourne, vous relativiserez grandement sur l’aspect éreintant et dévoué de votre vie de confiné, soyez-en certain. Avec Starry Eyes, les deux réalisateurs entendaient bousculer le spectateur dans son confort. Starry Eyes est un film exigeant et qui se mérite. Ambitieux dans sa forme, le film est en adéquation avec le fond qui soulève des thématiques puissantes parmi lesquelles l’aliénation, la dévotion, la folie et la mort qui formeront un grand axe majeur et unique. Bienvenue à Hollywood, nid de stars en devenir où tout le monde rêve de briller sous les feux des projecteurs.

Sarah Walker a un petit boulot sans avenir sous le joug d’un patron qui la prend de haut. Elle subit des amitiés superficielles avec des acteurs concurrents et participe à des castings qui n’aboutissent à rien. Après plusieurs auditions humiliantes face à un duo pour le moins bizarre, elle décroche le rôle principal dans leur nouveau film. Malgré le fait qu’ils lui demandent des choses de plus en plus étranges, elle sera prête à tout pour réussir, aveuglée par son fantasme de célébrité.

Nous vous le disions en préambule de cette critique, Starry Eyes est un film exigeant et qui se mérite. À commencer par son ambiance austère, qui dépeint un envers du décor peu attirant. Le ton est donné dès les premiers plans : Sarah est une jeune femme complexée. Complexée par un corps qu’elle ne juge pas assez bien pour coller aux « standards » des magazines, complexée par sa timidité, complexée par son talent qu’elle refuse de reconnaître. Du haut de ses épaules frêles, elle porte le poids des rêves de toutes les jeunes actrices qui se sont faites aspirer dans le gouffre infernal des castings et des désillusions qui vont avec. Renfermée sur elle-même, elle se laisse manipuler et maltraiter par son entourage, ne sachant jamais vraiment où se trouve sa place. Elle sent que le talent au fond d’elle ne demande qu’à éclore, mais ne parvient pas à trouver la bonne manière d’y arriver. En l’espace de quelques scènes, Kölsch et Widmyer exposent les faits avec un savoir-faire redoutable. Starry Eyes cerne son sujet sans fioritures, le spectateur sait où il met les pieds, du moins, en début de parcours…ce qui ne sera pas le cas de la douloureuse descente aux enfers qui s’en suivra. En effet, Starry Eyes attrape le spectateur, lui présente son univers et entend le scotcher à son siège et lui triturer les boyaux bien comme il faut. Le film bascule peu à peu dans une horreur sensorielle, qui côtoiera à la fois des éléments du body horror et des éléments du psycho killer movie, le tout enveloppé dans un joli paquet étiqueté « pagan movie » qui vient marcher fièrement sur les pas de The Wicker Man ou The Lords of Salem (et pour les plus jeunes qui nous lisent, dites-vous que les antagonistes sont à peu près similaires à ceux de Midsommar, le choc d’Ari Aster sorti il y a deux ans). Starry Eyes se permet également de dénoncer un chantage sexuel sous-jacent à certaines carrières. Pourtant sorti en 2014, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec l’affaire Weinstein de 2017 et le mouvement #metoo qui s’en est suivit. Il faut voir comment la casquette du producteur est utilisée dans Starry Eyes pour ne pas y penser tant c’est une évidence. Mais sous réserve de dénoncer la perversion de producteurs peu scrupuleux, le film s’en servira afin d’étayer ses ambitions artistiques, à tort et à raison.

Starry Eyes possède tous les défauts inhérents au premier film (même s’il s’agit du second, mais premier vrai budget pour les réalisateurs). La posture du producteur dans le film est à la fois cet élément de dénonciation que nous mentionnions ci-dessus, mais également un ressort permettant à l’héroïne d’accepter son entière dévotion à sa passion. Que doit-on alors tirer comme conclusion ? À en croire la tournure que prend le film, le sexe devient une arme indispensable afin d’être acceptée au sein de la sphère qu’il attaque. Bien que nous soyons dans un pagan movie et que, par conséquent, nous savons que nous devrons accepter que les antagonistes gagnent à la fin, nous avons du mal à valider un tel choix. Dénoncer le harcèlement sexuel lors de la première rencontre avec le producteur était fort en symboliques, et très bien géré. Il aurait été plus judicieux de nous montrer l’abnégation et le renoncement de Sarah autrement que par le sexe lorsqu’elle décide de céder aux avances lors de la rencontre suivante. Ainsi, le message aurait gardé le même impact, sans pour autant donner de véritable crédit au personnage de porc qui revêt la casquette du producteur. Mais ne vous y trompez pas, il ne s’agit là que d’une simple micro gêne de notre part, Starry Eyes possède bien plus de lectures cachées fort intéressantes qu’il serait dommage de ne pas aller creuser plus profondément. D’autant que le film est porté par une immense jeune actrice. Alex Essoe empoigne son rôle avec une dévotion puissante. Et du courage, il en faut pour accepter de tenir un rôle aussi physique que le sien. L’actrice se meut dans les différentes peaux qui constituent son personnage. Elle est, à la fois, cette jeune candide fragile que l’on a envie de protéger et ce monstre ambitieux capable de trucider quiconque se mettra entre elle et son rêve de célébrité. Réussir à jouer sur deux tons aussi radicaux et mener le tout avec une justesse proche de la perfection prouvent à quel point Alex Essoe est une actrice absolument brillante. Actrice qui risque de devenir incontournable dans les années futures, nous avons pu la retrouver dans Doctor Sleep récemment ou encore dans la série The Haunting of Bly Manor.

Vous l’aurez compris, nous pourrions passer des heures à décortiquer la complexité des nombreuses couches de lecture qui constituent Starry Eyes. Shadowz met en avant un film qui a fait son effet dans les divers festivals où il a été programmé, mais qui n’a jamais réussi à trouver le chemin des salles par chez nous. Encore une jolie pépite qui vient s’ajouter au riche catalogue de la plate-forme et qui, on l’espère, vous donnera envie de souscrire à un abonnement. Starry Eyes est une œuvre choc, viscérale, radicale et poignante. Une expérience exigeante orchestrée de la main de deux réalisateurs dont on aimerait voir à la barre de projets plus ambitieux que le remake de Simetierre. Leur segment au sein du film anthologique Holidays est une preuve, avec Starry Eyes, qu’ils ont de la ressource à vendre et il serait bien dommage de ne pas les laisser s’exprimer aussi admirablement que pour notre film du jour.

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Article réalisé dans le cadre d’un partenariat avec la plateforme Shadowz.

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