The Machinist : Puzzle démoniaque

Il y a des films qui nourrissent une réputation tellement forte qu’on sait automatiquement à qui nous aurons affaire avant même de le voir. Ce n’est un secret pour personne, Christian Bale est le genre d’acteur qui transforme son corps à sa guise en fonction des rôles qu’il aura à jouer. Il a souvent frôlé la mort, si bien qu’il a déclaré récemment ne plus vouloir jouer au yo-yo avec sa vie. Seulement, dans sa carrière, il y a eu LE rôle de composition, celui pour lequel il s’est probablement mis le plus en danger. The Machinist est un film que tout le monde connaît sans même l’avoir vu. On ne compte plus les différents clichés du film qui nous montre un Christian Bale anorexique, quasiment mort-vivant. Un film qui suscite un vif intérêt, d’autant qu’il vient de ressortir dans une copie blu-ray magnifique chez ESC Éditions.

Trevor Reznik est ouvrier dans une usine. Un métier répétitif, fatiguant, usant, au milieu d’un bruit assourdissant, où la moindre inattention peut avoir des conséquences dramatiques. Une attention que Trevor a du mal à maintenir, car il est très fatigué. En fait, Trevor n’a pas dormi depuis un an. Il partage ses nuits entre la cafétéria de l’aéroport, où il retrouve Marie, la serveuse, et l’appartement de Stevie, une prostituée. Depuis quelque temps, la vie de Trevor devient de plus en plus étrange. Qui laisse des messages codés dans son appartement ? Pourquoi Marie ressemble-t-elle tant à sa mère ? Quant à Stevie, elle semble bien connaître le nouvel employé de l’usine, Ivan. Pourquoi ne lui a-t-elle rien dit ? Un homme d’ailleurs très étrange cet Ivan. Inquiétant, dérangeant, il semble surveiller Trevor sans cesse.

Vous souffrez de fatigue ? Vous détestez les films à puzzle ? Passez votre chemin, The Machinist ne vous parlera absolument pas. C’est exactement le genre de projet devant lequel il faut avoir l’esprit clair et être dans le silence le plus total. The Machinist distille ses indices au compte-gouttes. Quand bien même le twist final se révélera être une évidence, on prendra un plaisir certain à rassembler les pièces. L’apparence physique de Christian Bale ajoute une vraie valeur au film et n’est pas uniquement accessoire. Trevor est inévitablement obligé de se retrouver dans un tel état compte tenu de son train de vie. On ne saura jamais vraiment qui est ce personnage. Est-il dépressif ? Fou ? Un peu des deux ? Tout le mystère restera entier jusque dans son climax saisissant. À ce propos, soulignons le scénario de Scott Kosar qui minimise les effets afin de mieux impacter chacune des découvertes. Lui qui n’a, jusqu’ici, délivré que des scénarios de remake pour le cinéma (Massacre à la Tonçonneuse, Amityville) fait preuve d’un vrai talent d’écriture, on adorerait le voir sur plus de scénarios originaux. The Machinist doit également beaucoup à la photographie de Xavi Giménez (La Secte Sans Nom, Abandonnée) qui lui confère une image poisseuse et macabre. En cela, le master proposé chez ESC est d’une exemplarité à toute épreuve. Le piqué est somptueux, les noirs sont d’une profondeur inouïe pour un blu-ray (on imagine le rendu et la gueule qu’il aurait eu en 4K), l’image rend vraiment justice au travail de Giménez. Quel belle galette ! On redécouvre le film dans les meilleures conditions possibles.

Difficile de s’étendre sur le projet sans en dévoiler la substantifique moelle. Toutefois, The Machinist ne démérite pas sa réputation de petit bijou qu’on adorait se refiler sous le manteau à l’époque du lycée. Il possède toute l’aura d’un cinéma qui vogue entre folie lynchéenne et suspense hitchcockien. Un cinéma adolescent, mais pas que. Si l’adolescence semble être la meilleure période pour découvrir le film (le genre de film qu’on adore montrer aux copains car on se sent adulte par les thèmes qu’il traite et la manière dont il les met en scène), (re)découvrir The Machinist à un âge adulte permet de rentrer en véritable complaisance avec le héros. Les maux dont il souffre sont plus compréhensibles, on s’attache beaucoup plus facilement et, de fait, la fin fait un effet rudement plus désarmant. On se sent nettement plus impliqué et on ressent bien plus la douleur qui pèse sur les 55 petits kilos de Christian Bale. La fin arrache le cœur, c’est un vrai bon twist. De plus, The Machinist est un film qui fonctionne à la revoyure. Même si l’on a connaissance de sa fin, le film recèle tellement d’informations imperceptibles au premier coup d’œil, que l’envie d’y revenir se fera sentir. D’autant qu’il jouit de seconds couteaux vraiment parfaits, de Michael Ironside à Jennifer Jason Leigh ou encore John Sharian. Tous les acteurs sont prodigieux. Et le mutisme naturel de Christian Bale colle parfaitement à la peau de Trevor. De fait, la photographie somptueuse, la mise en scène soignée, le scénario bien ficelé et les acteurs font de The Machinist un incontournable.

Désormais disponible dans une superbe copie sortie chez ESC Éditions, The Machinist revient faire parler de lui avec des atouts de taille. Quelque peu oublié, malgré la réputation qu’il avait « d’œuvre étrange où Christian Bale pèse 55 kilos », le film de Brad Anderson trouvera une place de choix au sein de votre collection.

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