La chronique des Bridgerton : La gossip girl du 19ème siècle.

Le tandem Shonda Rhimes et Chris van Dusen a encore frappé. Non pas avec une autre série criminelle ou politique, mais avec une romance historique cette fois. Sortie le 25 décembre 2020, La chronique des Bridgerton est une série américaine avec un casting anglais comme on les aime. Elle est adaptée de la série de livres du même nom écrits par Julia Quinn. 

La saison des mariages est en hausse cette année. Deux principales familles se confrontent dans cette compétition acharnée : les Bridgerton et les Featherington . Deux clans influents pour qui la saison des mariages est presque vitale. C’est un moyen de marier leurs filles auprès de jeunes hommes (et parfois d’homme d’âge mûr pour les plus désespérées). Les conditions pour exercer la fonction de mari sont soit la richesse, soit le titre. Ou les deux pour les familles chanceuses. Mais les entrées remarquables et remarquées de Daphné Bridgerton (Phoebe Dynevor) ainsi que de Marina Thompson (Ruby Becker) sont source de bouleversement dans la vie des londoniens. L’une est certifiée par la reine elle-même et l’autre convoitée par la gente masculine. La première saison de cette série se focalise sur la relation entre Daphné Bridgerton et le Duc d’Hastings.

Dans tout cela, qu’en pense Lady Whistledown, Celle qui commente (avec la voix de Julie Andrews) tous les évènements de la série ? Elle n’hésite pas à les relater au sein des lettres enflammées qu’elle publie chaque jour. C’est en quelque sorte la Dan Humphrey de la période de Régence. Personne ne sait comment elle obtient toutes ses informations, mais ce qui est sûr c’est qu’elle sait tout et sur tout le monde. Aucun secret ne lui résiste. 

La chronique des Bridgerton c’est l’histoire de deux familles. Deux salles, deux ambiances. D’un côté il y a cette famille aux robes hyper colorées portées par les femmes Featherington. On ressent alors l’envie d’être remarqué parmi la ribambelle des familles et des jeunes filles sur le marché du mariage. De l’autre côté, les Bridgerton avec des robes et costumes aux couleurs plus douces (des délicates nuances de bleu et de blanc). La réalisation a voulu que l’on distingue bien à l’écran ces familles. Le contraste est frappant (et travaillé également au niveau du décor de leurs maisons respectives).

La série a créé en tout 7500 costumes à l’occasion de cette première saison. L’un des plus gros travails de la costumière Ellen Mirojnick. Et l’on s’en félicite puisque la qualité de son travail se voit à l’écran. Les costumes sont somptueux, à la mode de l’époque victorienne, style empire avec une touche de sensualité autant pour les femmes que pour les hommes. Leurs styles est assez audacieux sous l’influence du dandysme. 

À mi-chemin entre Gossip Girl et les romans de Jane Austen et plus particulièrement Orgueil et Préjugés, dont le show se déroule la même année, à savoir 1813, la série n’est pas un simple miroir de la noblesse du 19ème siècle. Elle s’affranchit des genres et des communautés. Cette société londonienne (décrite dans la série) n’est pas régie par des préceptes archaïques sur les différentes communautés. Le duc de Hastings, la reine Charlotte ainsi que plusieurs autres membres de la noblesse anglaise sont incarnés par des noirs. Pour notre plus grand plaisir.

Se pose alors la question du cadre spatio-temporel de La Chronique des Bridgerton. On est bien à la période de régence (entre 1811 et 1820) mais, la série s’émancipe de la réalité avec une société sans racisme. Pourtant, la condition des personnes de couleurs à cette époque n’était pas aussi évoluée. Ils n’avaient pas de titre, ni de bien de grandes valeurs et vivent pour la majorité dans une extrême pauvreté. Il est intéressant de constater comment la série revisite ce monde. Afin de nous offrir une série, qui sous la grâce de sa majesté du roi George III accorde des titres aux noirs. Une bonne surprise qui ajoute de la qualité au travail des réalisateurs. 

Ce qui différencie cette série des autres banales productions du genre « romance historique » sont les thèmes abordés. Il y a bien entendu une omniprésence de la manie du jeu de la part des membres de la cour, les apparences, et les règles de bienséance. Tout ce beau monde n’est pas si libre que cela et particulièrement les femmes. Elles sont les propriétés de leurs familles puis de leurs maris. Leurs conditionnements commence dès l’enfance au poing qu’elles se persuadent, pour la plupart, que c’est le but d’une vie : le mariage et les enfants. Heureusement il y a des personnages comme Eloïse Bridgerton ou Pénélope Featherington pour casser ce modèle idéal de ce que doit être une femme.  Elles apportent un regard critique, neuf et rafraîchissant au sujet de leurs propres conditions. Pour elles (mais surtout pour Eloïse), la course au mariage n’est pas une fin en soi. 

Outre cette question de la féminité, la série pose la question du consentement et de la sexualité. C’est assez délicat de montrer cette proposition car voilà un sujet d’actualité. Avec les mouvements Metoo / Balance ton porc et les révélations choquantes sur les incestes, la réalisation a pris un risque. Une scène y est d’ailleurs consacrée avec un montage inattendu. Et elle peut en choquer certains ou au contraire faire prendre conscience des choses. Les personnages abordent ces réflexions sous un regard jeune et ouvert. Le paradoxe vient du fait que l’on ressent les traces indélébiles d’une éducation patriarcale. 

La sexualité est un sujet assez récurrent durant la période de Régence. Bien évidemment la série l’aborde avec un certain érotisme concentré dans un épisode. Mais elle ne se contente pas uniquement de l’exposer simplement par des scènes assez explicites. Puisque par le biais de la sexualité de Daphné, elle fait partie de l’univers de la série. Sans rentrer dans les détails, Daphné grandit sans avoir de réel cours d’éducation sexuelle. Il y a plusieurs choses qu’elle ignore ce qui pousse au questionnement. Il y avait-il des cours d’éducation sexuelle au XIXème siècle ? Ces filles grandissent uniquement avec l’idée de faire un enfant sans pour autant en comprendre réellement les enjeux. Et la scène qui traite du consentement pousse à s’y interroger. Il en va de même pour la question de la virginité. Il est d’ailleurs amusant de voir les combines les plus scabreuses de ses mères de famille pour préserver la virginité de leurs filles et donc de leur réputation. Par exemple, une jeune fille avec homme, seule et sans chaperons est considérée comme légère. Aujourd’hui ça peut paraître exagéré, mais c’était quelque chose de commun à cette époque. 

Comme dit précédemment l’influence d’Orgueil et Préjugé au sein de la série est incontestable. Le jeu des acteurs principaux en est un parfait exemple. Il y a une tension entre eux, et si au début il s’agit plus d’une animosité, au cours de l’histoire elle évolue. La tension est de plus en plus forte et aucun des deux n’y résiste trop longtemps. Une Elisabeth Bennet et un Mr Darcy revisités jouant avec brio ce jeu de « je t’aime moi non plus » sous des notes de musiques contemporaines. On retrouve le subtil mélange entre des quatuors à corde est des musiques actuelles comme Thank u next d’Ariana Grande (il y en a d’autres très bien choisies, en fonction des scènes). 

Une saison 2 est prévue prochainement selon le compte officiel de Netflix sur Instagram. Puisque après le communiqué de Lady Whistledown elle risque d’être riche en événements mondains et centrée sur le personnage d’Anthony Bridgerton, l’aîné de cette puissante famille. Et il se pourrait bien que la série, véritable carton en termes de visionnages, aille au-delà dans la mesure où chaque saison se concentre sur un enfant Bridgerton. Et il y a en a huit en tout…

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