Judo : Ballet nocturne

Toujours dans sa logique de nous faire découvrir un cinéma de patrimoine décidément intarissable, Carlotta nous gâte en sortant dans une version restaurée Judo du prolifique Johnnie To. Disponible dans un premier temps durant un week-end du mois de mai sur la plate-forme VOD de Carlotta lancée lors du premier confinement, le film va désormais être disponible en Blu-ray et DVD dès le 27 janvier.

Réalisé en hommage à Akira Kurosawa et à son premier film La légende du grand judo, Judo est bien loin de se poser comme une réadaptation du film de Kurosawa et se contente tout juste d’en effleurer quelques motifs tout en livrant son propre récit. Le film nous plonge dans les bas-fonds nocturnes de Hong-Kong et met en scène la rencontre entre trois personnages : Mona, une jeune femme rêvant d’une carrière artistique ; Sze-To, ancien champion de judo désormais lessivé et alcoolique et Tony, jeune judoka passionné qui rêve de vaincre Sze-To en duel. Or celui-ci, criblé de dettes n’est plus très en forme et bien incapable de tenir un combat…

Johnnie To met en scène trois têtes brûlées, trois âmes esseulées en quête de sens dans une existence les malmenant. Incapables de se sortir de leurs situations seuls, ces trois personnages vont s’entraider le temps du film et tituber ensemble vers une forme de salut, bien qu’éphémère ou illusoire. La chanson chantée par un des personnages du film et revenant à plusieurs reprises dans le récit illustre bien toute la thématique animant le scénario : on a beau se prendre des coups et subir des défaites, on peut se laisser aller à pleurer du moment qu’on continue d’avance. Un mantra que les personnages du film appliquent avec force, ceux-ci n’ayant pas le temps de s’apitoyer sur leurs sorts, contraints d’avancer même si c’est pour satisfaire de futiles ambitions. To n’est d’ailleurs pas naïf sur ses personnages et s’il les filme avec une certaine tendresse, il est néanmoins conscient du côté pathétique de leur existence et les contemple avec une certaine ironie.

Le fait est que malgré tout, ces trois marginaux en quête de satisfaction dans une faune nocturne vampirisant leur énergie (mais filmées de façon beaucoup plus attachante que les personnages  »normaux » évoluant le jour) sont de très belles figures du cinéma de Johnnie To. Le réalisateur, non content de s’attacher à dépeindre un milieu bien à part et refermé sur lui-même, n’en oublie pas de nous gratifier des fabuleuses séquences d’action dont il a le secret, lui qui chorégraphie la moindre scène comme un fabuleux ballet. Avec To, on sait toujours plus ou moins à quoi s’attendre mais l’on est toujours surpris du résultat final, prenant des chemins de traverses inattendus et fort plaisants. Il faut dire que le cinéaste n’a pas son pareil pour les envolées lyriques (une chaussure perdue lors d’une poursuite, une musique poussée à fond et l’on est cueillis de frissons), sachant toujours amener de la poésie dans les endroits les plus inattendus.

Baigné dans une certaine beauté crépusculaire, Judo est donc plus qu’un simple hommage à Akira Kurosawa et cache derrière son titre réducteur beaucoup de belles choses. C’est un film à part entière, devisant sur la futilité de nos existences tout en montrant qu’elles doivent être vécues malgré tout, captant de superbes moments de grâce et offrant une échappatoire à des personnages finalement pas si éloignés de nous dans leurs considérations égoïstes. Il n’est jamais trop tard pour découvrir un grand film de Johnnie To, voilà bien ce que Carlotta nous affirme avec ce beau cadeau, à découvrir dans sa superbe copie HD.

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