Holidate : Jours de fête

Malgré une année déplorable ne semblant jamais trouver de fin et nous ayant du même coup privés de certaines habitudes agissant habituellement comme repères rassurants, certaines choses ne changent pas, en dépit de la situation actuelle. C’est l’approche de Noël, et si l’on ne sait toujours pas dans quelles conditions les fêtes de fin d’année pourront se passer cette année, il y a au moins la certitude d’avoir notre dose de glucose qui nous sera offerte généreusement par Netflix, et ce dès maintenant. Oui, nous parlons bien de ces fameux téléfilms de Noël, remplissant depuis des lustres les grilles horaires de la 6 pour occuper les longs après-midi durant les vacances, et dont Netflix se fait désormais également pourvoyeur. Et il se trouve qu’entre tous ces téléfilms non produits par leurs soins, offerts sur un plateau doré, nous voyons désormais arriver des productions maison du genre, ou en tout cas vendues comme telles. Le film qui nous intéresse ici, est une comédie romantique avec Emma Roberts, ce qui pourrait, rien que sur cet exemple, devenir une formule en soi tant elle s’y montre comme un poisson dans l’eau. Mais si le ton restera léger et que l’ensemble fera la part belle à tous les clichés du genre, il ne s’agit pour autant pas d’un gentil conte familial, et l’on y parle de cul de façon décomplexée. Gare aux familles cathos à la recherche de gentils programmes conçus pour propager les bonnes valeurs traditionnelles, leurs chastes oreilles risqueraient de ne pas s’en remettre.

Nous y faisons la connaissance dans les premières minutes des deux protagonistes qui seront amenés à se rencontrer par la suite, passant chacun une soirée de réveillon catastrophique. Sloane (Emma Roberts) est célibataire depuis un an, et se traîne donc dans sa famille pour un réveillon ne s’annonçant pas sous les meilleurs auspices, coincée entre un frère faisant sa demande en mariage, et une mère la harcelant pour qu’elle se trouve un nouveau mec. Revendiquant le droit à une vie libérée de toute contrainte, en femme indépendante moderne, il est pourtant évident que le célibat lui pèse et que ce cynisme de façade n’est qu’un leurre pour ne pas avoir à hurler son désespoir. Jackson (Luke Bracey), quant à lui, se retrouve dans la famille d’une récente conquête attendant visiblement déjà de lui beaucoup plus qu’il ne saurait lui offrir, ce dernier étant là par obligation plus que par besoin. Elle lui offre un cadeau, lui n’en a pas, et la soirée s’achève prématurément sur un déballage verbal plutôt iconoclaste, en présence des « beaux-parents ». Ces deux individualités en plein désœuvrement se rencontrent le lendemain dans un grand magasin, alors qu’ils cherchent à se débarrasser de leurs cadeaux foireux, et vont rapidement conclure une sorte de pacte, à savoir que ce dernier soit là pour elle à l’occasion de chaque fête de l’année, afin de la débarrasser de la désapprobation de sa famille. Bien entendu, après une année complète à se tourner autour sans oser se l’avouer, que pensez-vous qu’il va se passer ?

Nous arrêterons là concernant les détails, histoire de ne pas dénaturer le suspense phénoménal à l’œuvre ici aux éventuelles âmes naïves qui s’y laisseraient prendre. Ne soyons pas mauvaises langues pour autant, car si l’effet de surprise n’est clairement pas la préoccupation principale des auteurs de cette bluette déjà vue mille fois, osons reconnaître qu’en dépit d’un certain manque de peps l’empêchant d’arriver à la hauteur des plus glorieux aînés du genre, on ne s’y ennuie pour autant jamais et que les sourires ne se font pas désirer. On a ici le parfait exemple de la romance tartignolle dont les scénaristes taquins et un poil hypocrites font semblant de se moquer à travers quelques dialogues commentant le genre, pour au final nous jeter mécaniquement à la figure toutes ses figures imposées, au point de voir venir à l’avance chaque « rebondissement » d’une richesse vertigineuse.

Décrit comme ça, difficile d’y voir le moindre argument en sa faveur. Mais comment analyser sérieusement un film n’ayant comme vocation qu’à faire passer un moment pas désagréable à l’approche des fêtes de fin d’année ? On peut même en venir à la conclusion qu’il a d’autant plus de légitimité à exister en ces temps troublés où tout ce qui peut nous sortir du quotidien peut avoir des fonctions réparatrices. Si l’on cherche une comédie romantique renouvelant le genre de fond en comble, ce n’est clairement pas la bonne adresse. Pour peu que l’on accepte ses conventions menant laborieusement à un final cousu de fil blanc, mais si assumé dans sa mièvrerie qu’il est impossible de s’estimer arnaqué, il y aura donc moyen de passer un bon moment, partagés entre élans trash, pas loin de tomber à un moment dans le délire scato à la Mes meilleures amies, et retour de la bonne morale où chacun trouve sa chacune dans la joie et la bonne humeur.

Pouvant compter, cerise sur le gâteau crémeux, sur un casting idéal, entre une Emma Roberts d’une maladresse pouvant difficilement laisser indifférent, et un Luke Bracey possédant indéniablement un charme lui donnant un cachet supplémentaire par rapport aux robots interchangeables habituels, le résultat est exactement ce qu’on pouvait en attendre, ni plus ni moins. Mais peut tout de même agir comme un détecteur concernant la méthode Netflix, qui malgré ce que ses défenseurs transis pourront persister à matraquer éternellement, fonctionne comme n’importe quel studio de cinéma, fonctionnant sur des statistiques alimentées par des algorithmes censés coller au plus près aux attentes du client, mais ne parvenant qu’à entraîner un flux sans fin de programmes se mélangeant les uns les autres, aux esthétiques interchangeables, et posant donc la question de l’identité concernant leurs instigateurs. Cette fameuse esthétique Netflix de plus en plus brocardée dans divers médias, mais qui pose indéniablement question quant à la soi disant liberté totale octroyée aux auteurs qui y officient. Une machine qu’il faut à tout prix faire tourner, coûte que coûte, quitte à tomber dans ce fameux lissage tant honni chez la concurrence. Fin de l’aparté, qui méritait d’être posé, mais dont le film présent pourra tout à fait se relever, n’ayant de toute manière aucune autre fonction que de répondre aux attentes minimales des amateurs du genre.

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