La maison aux sept pignons : Malédiction familiale

Si l’on suit avec intérêt le travail de Rimini Editions depuis nos débuts, c’est bien parce que leur éclectisme à toute épreuve assure toujours une découverte permanente aux plus cinéphiles d’entre nous. Non content d’éditer des gros titres, Rimini sait également se pencher vers des titres plus discrets, peu vus mais qui ont pourtant un véritable intérêt cinématographique. C’est le cas de La maison aux sept pignons, film de 1940, adaptation d’un roman de Nathaniel Hawthorne, disponible en Blu-ray et DVD depuis le 20 octobre dernier.

Dans les années 40, Hollywood nourrissait une véritable passion pour tout ce qui touchait au roman gothique et enchaînait les adaptations de classiques de cette littérature. Pas étonnant que La maison aux sept pignons, avec son histoire de maison maudite et de malédiction familiale ait donc été adapté. Pour construire cette fameuse maison, le colonel Pyncheon a accusé à tort un homme de sorcellerie pour lui voler son terrain. Cet homme, avant de mourir, a lancé une malédiction sur la famille Pyncheon. Celle-ci, majoritairement composée d’hommes avides de richesses et peu scrupuleux étant décédés dans d’étranges circonstances, est désormais au bord de la ruine après plusieurs mauvais placements d’argent. Le frère aîné, Clifford a réussi à convaincre son père de vendre la maison. Avec sa part, il compte partir à New York avec sa fiancée Hepzibah, loin de monde provincial et puritain. Mais son frère Jaffrey, persuadé que la maison dissimule un trésor, ne l’entend pas de cette oreille. Quand leur père meurt d’une crise cardiaque et s’écroule en se cognant la tête, Jaffrey accuse Clifford de meurtre. Condamné sur des ragots, Clifford s’en va croupir en prison, ruminant sa vengeance tandis qu’Hepzibah hérite de la maison au grand damn de Jaffrey. 20 ans plus tard, Clifford sort de prison mais Jaffrey, désormais juge influent, espère toujours trouver l’argent…

Avec tous ces ingrédients, il est tout naturel qu’Hollywood se soit penché sur cette histoire. Et si cette adaptation réalisée par Joe May (réalisateur d’origine allemande, réalisateur de la première version du Tombeau Hindou en 1921) atténue le surnaturel du roman, l’aspect gothique et romanesque sont bien là. Le scénario est d’ailleurs un petit bijou d’écriture et de rythme, enchaînant les séquences avec une belle fluidité. On pourrait en effet faire plusieurs films avec les différentes sous-intrigues du récit. Ce n’est pas pour autant que le film paraît bâclé, bien au contraire, tout trouve sa place très rapidement et très aisément en se reposant sur le solide matériau originel. Riche dans ses tonalités, La maison aux sept pignons oscille entre le pur romanesque (l’histoire d’amour entre Clifford et Hepzibah est le cœur du film), des rebondissements dignes des meilleurs romans-feuilletons et le gothique en rendant inquiétante cette maison et en donnant corps à la malédiction familiale prononcée des années plus tôt contre les Pyncheon.

Le film n’a peur ni de la tendresse (le personnage de Phoebe est un véritable rayon de soleil), ni de son aspect politique (avec une charge contre l’esclavage et les profits qui en découlent) mais sait surtout embrasser sa pure nature gothique dès que May filme les intérieurs de la maison. L’influence de l’expressionnisme allemand est indéniable avec de fabuleux jeux d’ombres mais c’est savamment dosé, sans outrance, parfaitement appliqué par un cinéaste en pleine possession de ses moyens.

On savourera également le film par la rivalité qu’il met en scène entre deux frères, histoire vieille comme le monde mais jamais dénuée d’intérêt surtout quand les frères en question sont interprétés par George Sanders et Vincent Price, Sanders écopant du rôle du vil Jaffrey avec gourmandise tandis que Price, que l’on imaginait pas forcément dans ce registre, incarne le romantique, passionné et tendre Clifford avec une belle justesse. Soulignons également l’interprétation de Margaret Lindsay en Hepzibah dont la métamorphose en cours de film surprend si fortement qu’on se demande si c’est bien la même actrice que nous voyons à l’écran. Lindsay imprime son rôle avec une telle conviction qu’elle achève de faire de La maison aux sept pignons bien plus qu’une curiosité cinéphile mais une œuvre de cinéma à la maîtrise totale, dont on redécouvre la force et la subtilité aujourd’hui et qui s’avère particulièrement réussie pour quiconque apprécie le gothique du XIXème siècle et tous ses éléments incontournables..

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*