L’homme du Président : À l’ombre des corrompus

L’actualité de The Jokers est bien chargée ces derniers temps. Si sur le plan de la sortie salles, La Nuée, attendue le 4 novembre, a dû être reportée, leurs sorties vidéos envoient du lourd. Outre l’édition massive (et donc farouchement indispensable) de Joint Security Area disponible depuis la fin du mois d’octobre, voilà que The Jokers ont sorti L’homme du Président en Blu-ray et DVD le 4 novembre dernier (disponible à la vente sur The Jokers Shop), un film coréen qui prouve une fois de plus la richesse de ce cinéma, même quand il s’aventure dans un genre à priori balisé.

Réalisé par Woo Min-ho (The Drug King, disponible sur Netflix) et choisi par la Corée pour la représenter aux Oscars 2021, L’homme du Président aurait dû être présenté lors de la dernière édition du Festival du Film Coréen à Paris mais sa séance s’est malheureusement vue annulée à cause du reconfinement. Sa sortie vidéo va néanmoins permettre au film de trouver son public, L’homme du Président étant un thriller politique foisonnant et haletant, nous plaçant dans une période complexe de la Corée du Sud.

1979, après 18 ans au pouvoir, le président Park est assassiné par Kim Kyu-Pyeong, son second, directeur de la KCIA, l’agence de renseignement coréenne. De cette histoire vraie, le film va en faire découler son récit et revenir plusieurs jours en arrière, pour nous montrer comment Kim Kyu-Pyeong en est arrivé là, proposant un point de vue sur les motivations de Kim qui n’ont jamais été véritablement expliquées. L’homme du Président commence donc alors que l’ancien président de la KCIA est en Amérique, menaçant de publier un livre révélant les agissements corrompus du président Park et de sa politique de répression. La menace grandissante, installant de la tension entre les États-Unis et la Corée place Kim Kyu-Pyeong dans une position délicate. Son statut de numéro deux du pays se voit fragilisé, le président l’évinçant peu à peu des décisions importantes. Devant contrôler la situation et asseoir de nouveau son influence sur le président, Kim perd peu à peu pied…

En choisissant de se placer du point de vue de Kim Kyu-Pyeong, L’homme du Président révèle peu à peu les failles d’un pays corrompu (et qui d’ailleurs a toujours eu des problèmes de corruption au sein de son gouvernement). Les idéaux de la révolution de 1961 se sont évaporés en fumée et le président Park tient le pays d’une main de fer, sans avoir peur d’écraser ses adversaires au mépris des droits humains les plus fondamentaux. Complice de ces magouilles, responsable de nombreux actes criminels, Kim voit son influence diminuer. Lui qui a encore quelques idéaux et se voit relégué au second plan par un rival en arrivera alors à l’assassinat, après avoir été humainement poussé à bout.

C’est ce qui intéresse Woo Min-ho, qui non content de dépeindre les troubles de la Corée en cette période avec une narration foisonnante mais limpide, dresse avant tout le portrait d’un homme à la violence contenue, pur produit de la politique de son époque, tiraillé entre son devoir envers son pays et celui envers son président avec qui il avait fait la révolution des années auparavant. Dans la peau de cet anti-héros, Lee Byung-hun fait des merveilles, usant parfaitement de son visage de marbre et des fêlures qu’il est capable de lui apporter pour dépeindre les profonds troubles de son personnage, résolu dans ses actes mais incapable d’en réaliser les conséquences.

Palpitant, lorgnant parfois carrément du côté de Pakula dans la froideur appliquée de sa mise en scène, L’homme du Président (dont le titre français accentue bien le rapprochement avec le cinéma de Pakula) offre une nouvelle perspective sur l’histoire d’un pays dont des pans entiers sont encore à découvrir et prouve la capacité actuelle du cinéma coréen à regarder son Histoire sans se voiler tout en proposant des films culottés, n’ayant pas peur de mêler le divertissement avec la politique sans jamais amoindrir l’un de ces deux aspects. Ce qui achève de rendre la vision du film fortement recommandée.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*