Princesse Europe : BHL, l’électron libre politique.

Princesse Europe, non, nous vous rassurons, il ne s’agit pas d’un concours de beauté dérivé des Miss. Et non, il s’agit encore moins de l’une des princesses de la mythologie grecque. Non, en fait, c’est bien plus simple que cela, c’est le constat de l’Europe d’aujourd’hui fait par Bernard-Henri Lévy. Réalisé par Camille Lotteau, il s’agit de son second long-métrage documentaire, 10 ans après Bord de. Mais ce n’est pas sa première collaboration avec BHL puisqu’il a notamment été son chef monteur sur son précédent film, Peshmerga, en 2016.

Si l’on devait résumer simplement le film, il traiterait de l’observation des élucubrations d’un vieux sénile qui parcours l’Europe à la recherche de quelque chose à dire. Ça, c’est ce qu’on dirait si on ne connaissait pas l’homme qui se cache derrière ces cheveux grisonnants, ces sourcils irrémédiablement froncés et cet air constamment catastrophé. Encore qu’il y en a beaucoup qui le diraient quand même. Toujours est-il que la forme du documentaire donne réellement la sensation d’un scientifique qui observe les faits et gestes de son cobaye tout en le laissant voyager à sa guise. Ou éventuellement d’une mère qui a offert un voyage à travers l’Europe à son fils…

Trêve de plaisanterie, le fond de ce documentaire, même s’il reste très obscur par moment, révèle une intrigue qu’il serait tortueux de résumer et presque impossible d’inventer. Quand on connaît le bonhomme, cela semble déjà assez rationnel. À l’image du documentaire de Philippe Lespinasse, Un berger et 2 perchés à l’Élysée, Camille Lotteau subit avec une certaine curiosité les errances européennes de Bernard-Henri Lévy au travers de ses différents rendez-vous. Quelque part il faut dire que le projet est magnifique. Non seulement il propose une visite vivante et assez transparente de ce qu’est l’Europe aujourd’hui. À la fois d’un point de vue naturel et géographique, avec ses paysages divers et variés et ses architectures hétéroclites. Mais aussi d’un point de vue sociétal en allant interroger aussi bien des dirigeants du pays que de simples citoyens au milieu d’un bar. Le projet pourrait presque compléter celui de Michael Moore avec son documentaire Where to Invade next où il parcourait l’Europe d’un point de vue culturel. Bien que l’initiative reste parfois orientée, notamment en terrain conquis, où BHL saura à quel public il sera confronté. Princesse Europe propose tout de même un voyage très atypique et intrigant, avec un grand nombre de révélations plus ou moins importantes quant à l’avenir de cette fameuse princesse.

On suit Camille Lotteau tel un parasite espion à la solde de Bernard-Henri Lévy dont le but est d’obtenir le maximum d’informations sur chacun des pays visités et leur gouvernement. On ressent bien ici une volonté de mettre en exergue quelques vices gouvernementaux et de faire la lumière sur des situations parfois anormales de la société en question. Cependant, BHL et Camille Lotteau semblent bien résolus à l’idée de ne surtout pas apporter leur avis. BHL peut-être plus que son comparse, mais certaines images montrent qu’il semble préférer garder ses propos dans la sphère privée. Comme s’il était sur le point de dire « chuuut » à la caméra. C’est problématique de se vanter à ce point de côtoyer les sphères les plus importantes de la politique occidentale et de n’apporter aucun véritable propos dissident ou seulement politiquement controversé. Camille Lotteau joue bien la carte du naïf curieux de tout faisant double-jeu à son insu. Mais cette carte finit par avoir des limites quand elle est répétée sans cesse, à chaque entretien, et trop souvent parsemée d’humour qui provoque le désintérêt total de la problématique mise en cause durant ce-dit entretien. On est dans le schéma classique du « J’ai tout vu, je sais qui c’est, mais je dirai rien ».

À vrai dire, c’est peut-être aussi ce qui fait l’un des plus gros défauts du documentaire. Le réalisateur apporte à son Princesse Europe un certain humour en commentant quasiment tout ce que lui et son protagoniste principal font. Un humour parfois bien senti, parfois un peu prévisible mais rarement provocateur. Ou s’il l’est, ce n’est que pour confirmer des habitudes que dissimulent certains faits ou propos. Le problème majeur devient le discours. Si même le réalisateur peine parfois à comprendre où BHL souhaite en venir, comment le spectateur peut-il le comprendre à son tour ? Les innombrables entretiens avec des personnalités politiques sont passionnants à suivre s’ils n’étaient pas systématiquement coupés après l’apéro ou avant le dessert d’un « vous n’avez pas le droit de filmer à partir d’ici ». Et on peut se gratter pour un résumer. On se retrouve régulièrement à nager dans le flou, à ne pas vraiment savoir ni la raison ni la résultante de l’entretien. Les personnes suivant de près l’actualité de Bernard Henri Lévy sauront certainement les raisons de ses nombreux déplacements et leur nature. Pour des novices plus curieux, l’exercice de concentration sera plus compliqué. Le documentaire ne cherchant malheureusement jamais à être dénonciateur et encore moins à être révélateur. Par conséquent, quel est son but?

Il en résulte au demeurant une énorme frustration de ne pas toujours comprendre les tenants et aboutissants du projet. À tel point qu’on se demande parfois si BHL lui-même est conscient de la conclusion de ses entretiens. Lui qui aime habituellement parler. Mais peut-être que parler pour ne rien dire est réellement sa vocation. On l’a connu moins avare de critique contre la société. Le projet n’est pas mauvais en soit, juste beaucoup trop maladroit au vu de sa liberté de propos. Cela manque d’assurance pour renforcer ses propos, mais surtout d’une véritable ligne directrice. On ne construit pas un documentaire en voyant ce qu’il va arriver et en avisant par la suite. On détermine d’abord ce que l’on souhaite démontrer et la ligne directrice du projet, et ensuite on cherche des pistes qui peuvent confirmer ou infirmer cela. En sommes, il s’agit de faire un véritable travail de recherche concernant la thématique adoptée. Princesse Europe est probablement victime de sa diversité de discours qui ne peut qu’embrouiller quiconque souhaite intervenir ou déchiffrer des problématiques, et on peut tout de même en tirer quelques conclusions. Celles-ci sont juste un peu faible par rapport au travail conséquent qui a pu être proposé et au carnet d’adresse de Monsieur Lévy.

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