Garçon Chiffon : Petit garçon deviendra grand

Révélé avec la série Dix pour cent où il interprète Hervé, Nicolas Maury s’est construit une belle carrière d’acteur, faite de rôles singuliers (Un couteau dans le cœur, Perdrix) auxquels il apporte toujours une touche de sensibilité bienvenue. Le voir réaliser un premier long-métrage n’était donc pas une grande surprise tant il semble traîner derrière lui quelque chose d’unique, quelque chose que l’on aimerait bien le voir raconter. Avec Garçon Chiffon, Nicolas Maury prouve qu’effectivement il a des choses à dire, malheureusement il ne sait pas vraiment comment les exprimer.

Peut-être attendait-on un peu trop de ce premier film. Le fait est que Nicolas Maury a peut-être vu un peu trop grand. A la fois réalisateur, acteur principal et co-scénariste de Garçon chiffon, il est omniprésent devant et derrière la caméra. Et si on sent d’emblée qu’il a un univers à défendre, il apparaît étrangement peu assuré quand il s’agit de lui donner vie. Le premier problème vient du scénario. La crise existentielle d’un personnage est évidemment le catalyseur idéal pour nous en faire partager le récit. Ici, Nicolas Maury incarne Jérémie, un acteur qui peine à faire décoller sa carrière et dont le couple est rongé par ses innombrables crises de jalousie. Afin de faire le point et de préparer un rôle pour une audition, Jérémie retourne dans sa terre natale du Limousin auprès de sa mère.

Jusque-là, Maury coche parfaitement toutes les cases d’un premier film français réussi, avec cependant un peu trop d’application. Parce que Garçon Chiffon ressemble d’un peu trop près à d’innombrables autres premiers films volontiers un peu auteurisants, il n’a pas grand-chose à offrir pour se démarquer. Un vrai problème de tonalité et de rythme se pose d’ailleurs tout le long du film : si Nicolas Maury a un univers, l’assumant partiellement dans ses choix de costumes ou de situations, on en vient à regretter qu’il n’ait pas poussé les curseurs plus à fond. Alors que l’absurde, la solitude et la mélancolie menacent souvent de pointer le bout de leur nez, quand le film se finit (de façon assez interminable) elles ne sont toujours pas venues. Si ce n’est pour une scène d’adieu particulièrement émouvante et une ou deux idées irrésistibles (Laure Calamy en réalisatrice au bord de la crise de nerfs, forcément ça fonctionne), le film ne décolle jamais, engoncé dans une mise en scène au montage un peu trop lancinant, allant jusqu’à gâcher le rythme de certains gags.

Nicolas Maury a peut-être vu trop grand pour son premier long-métrage. S’il peut se montrer touchant et qu’il offre à Nathalie Baye un beau rôle de mère (avec cependant peu de choses à réellement défendre derrière), il aurait peut-être fallu qu’il se mette en retrait et qu’il offre le rôle principal à quelqu’un d’autre pour permettre à Garçon Chiffon d’exprimer réellement tout son potentiel. Sur tous les fronts, Maury semble se disperser et son film, entre la banalité d’un premier long un peu arty et une envie d’un univers plus décalé est un peu tiède. Il aurait fallu qu’il soit resserré et plus extrême pour réellement nous convaincre, le scénario manquant de chair. Rien de bien dramatique en soi puisque ce premier essai comporte quelques promesses et que Nicolas Maury semble avoir encore des choses à raconter. Nous serons donc au rendez-vous du deuxième film, à défaut d’avoir pu totalement apprécier ce premier.

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