Relic : Oh, vieillesse ennemie …

C’est dans un état d’esprit bienveillant que l’on se rend à la projection de ce film d’horreur américano-australien, premier long métrage d’une jeune réalisatrice de 30 ans promise à un avenir plus que prometteur. Car diffusé lors de la dernière édition de l’étrange Festival, il y a visiblement reçu des avis plus que satisfaits de la part du public, faisant partie des découvertes d’une édition particulière. Pourtant, au vu du synopsis, il est difficile à première vue d’attendre quelque chose de bien nouveau d’un sujet à priori maintes et maintes fois abordé dans l’horreur (contemporaine essentiellement) à destination du grand public. Et s’il s’agit ici d’une production indépendante, il est tout de même difficile, sur le papier, de s’enthousiasmer pour ce qui s’annonce comme une énième déclinaison de la maison hantée. Mais faisant confiance aux avis forcément éclairés des fans du genre présents au fameux festival, c’est vierge de tout à priori que l’on entame donc cette séance.

Et l’on peut dire que la jeune cinéaste ne cherche pas à s’éloigner des codes esthétiques utilisés dans la majorité des représentants de la frange indépendante du genre, en s’attachant avant tout à créer un climat agissant tel un poison lent sur le spectateur, prenant le temps de poser son ambiance et ses personnages, de manière à créer des enjeux dramatiques plus proches, justement, d’un certain drame indépendant, que du film d’horreur tapageur tel qu’on peut se l’imaginer. Le jeune public friand de jump scares et de frayeur consensuelle seront donc peut-être un peu déçus dans un premier temps, face à un rythme calme, semant ici et là quelques images choc de façon parcimonieuse, sur le ton de la fantasmagorie. L’histoire nous fait donc suivre une mère et sa fille se rendant dans la maison familiale de la mère, suite à la disparition inquiétante de la matriarche de la famille (mère de cette dernière, donc). Celle-ci est visiblement touchée par une forme de sénilité, s’avérant incapable de s’occuper d’elle-même, et sa fille doit donc s’occuper de lui trouver une maison de retraite où elle ne sera plus un danger pour elle-même. Seulement des forces étranges semblent occuper la maison de façon insidieuse, et lorsque la grand-mère réapparaîtra soudainement, son comportement deviendra de plus en plus inquiétant et anormal …

Un scénariste flemmard se contenterait de ce simple point de départ pour nous infliger un énième film d’épouvante bon marché, s’adressant avant tout à un jeune public friand de frissons faciles et prévisibles, sertis des mêmes effets que l’on se coltine depuis des années dans tous les représentants les moins inventifs du genre. Seulement Natalie Erika James ne cherche surtout pas à s’inscrire dans ce sillon et cherche plutôt à travailler une horreur souterraine, de celle qui tait son nom dans un premier temps, afin de se focaliser sur les caractères de personnages plus fouillés et complexes que d’ordinaire. On ne vous vendra évidemment pas une révolution de quelque sorte que ce soit, et ni la façon de dérouler son intrigue, ni même les sursauts d’épouvante survenant tout au long du film avant le « grand » final, ne seront à même de modifier dans les grandes largeurs notre perception de ce type de cinéma, quel que soit le côté duquel on se situe habituellement en terme d’appréciation. Mais cela n’empêche pas la jeune réalisatrice de s’appliquer à écrire des personnages qui paraissent réels, et à mettre en scène le tout de façon élégante et sobre, sans faire dans l’esbroufe. Le résultat en est un film honnête avec son sujet et son public, totalement premier degré, et interprété avec conviction par des actrices que l’on apprécie, que ce soit Emily Mortimer dans le rôle de la mère dépassée, ou Bella Heathcote dans celui de sa fille, présente et sensible, sans oublier Robyn Nevin en mère-grand sérieusement inquiétante.

Mais toutes ces qualités, modestes mais réelles, ne seraient finalement pas grand-chose sans un fond travaillé donnant une toute autre résonance à l’ensemble, lorsque tout s’éclaire et que l’on comprend réellement où voulait en venir la réalisatrice. Et là, sans crier au génie, l’honnêteté de la démarche et la profondeur des sentiments convoqués ne peuvent que susciter un vrai respect de notre part, face à une histoire forcément évocatrice pour tout un chacun. Car sans rentrer dans les détails, on est tous confrontés à un moment ou à un autre aux questionnements posés par le film, et qui assaillent visiblement la cinéaste, qui s’interroge donc sur l’inéluctabilité de la vieillesse, avec au bout, cette teigneuse de grande Faucheuse réclamant son dû. Traitant ces sujets de façon métaphorique, à travers un fantastique louchant sérieusement vers la poésie morbide, le scénario va jusqu’au bout de son idée, sans asséner de discours lourdement définitif, mais se reposant sur le genre pour aider à assimiler des choses auxquelles on a toujours du mal à se confronter dans la vraie vie, par notre propre angoisse de notre prochaine et irréversible déchéance morale et physique. On pourra prendre cette fin de plusieurs manières, mais les idées sont bien là, et sans chercher à clore son intrigue de façon trop lisible, ce qui fera dire à certains que tout cela était peut-être un peu trop abrupt, la force émotionnelle agit à posteriori, nous forçant à y repenser.

Et entre l’atmosphère particulièrement travaillée, suintante et anxiogène, et les images morbides de la fin, à la fois belles et éventuellement traumatisantes pour les âmes les plus sensibles, il y a de quoi prendre pour les amateurs de belles œuvres horrifiques confectionnées avec soin et respect, du genre et de son public. On le redit, nulle révolution ici, mais un petit film sincère, parfois touchant et finalement efficace par rapport à ce que l’on est venus y chercher, sans jamais tomber dans une quelconque surenchère (sonore ou visuelle). Et parfois, cela suffit à notre plaisir, surtout dans une production globalement médiocre, ayant bien du mal à proposer des idées un tant soit peu neuves ou incarnées dans le genre.

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